Moetai Brotherson : « Il faut que les entreprises fassent leur part » pour réduire la cherté de la vie

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Au lendemain du bilan des 100 jours de son gouvernement, le président Moetai Brotherson a répondu aux questions de TNTV, jeudi soir. L’occasion de faire un tour d’horizon, avec le chef de l’exécutif, des dossiers en cours et à venir. Cherté de la vie, logements intermédiaires, nucléaire, défiscalisation ou encore cannabis étaient au menu de cet échange. Interview.

Publié le 25/08/2023 à 11:00 - Mise à jour le 25/08/2023 à 11:07

Au lendemain du bilan des 100 jours de son gouvernement, le président Moetai Brotherson a répondu aux questions de TNTV, jeudi soir. L’occasion de faire un tour d’horizon, avec le chef de l’exécutif, des dossiers en cours et à venir. Cherté de la vie, logements intermédiaires, nucléaire, défiscalisation ou encore cannabis étaient au menu de cet échange. Interview.

TNTV : Vous avez tenu une allocution, mercredi soir, de 90 minutes avant de répondre aux questions de 80 Polynésiens. N’en fait-on pas un peu trop en termes de communication ?

Moetai Brotherson : « Non. Je pense que communiquer fait partie de la politique et les citoyens ont le droit, et l’envie, de comprendre ce qu’est la chose politique. Si on a un désintéressement de la politique, c’est ce qui crée de la distance entre le politique et le peuple. Et cela se traduit dans les taux d’abstention qu’on a constatés ces dernières années. J’essaye de réintéresser les gens, dans le sens noble du terme, à la chose politique ».

TNTV : Pourquoi avez-vous écarté l’idée d’une conférence de presse ?

Moetai Brotherson : « La conférence de presse, c’est le format classique. Il y a un parterre de journalistes. Ça dure un petit temps. J’ai voulu innover et m’adresser directement aux Polynésiens en deux temps : le premier, où il faut bien exposer parce que, finalement, ce que j’ai dit mercredi soir, on l’a déjà dit par morceaux depuis l’installation. On a annoncé ces différentes mesures. Il fallait faire cette synthèse. Cela me paraissait normal et utile. C’est ce que j’ai essayé de faire, mercredi soir. C’est un exercice un peu solitaire de regarder cette camera durant 90 minutes. Je préfère de loin la séquence de jeudi soir où je m’adresse aux Polynésiens. Ils ont eux-mêmes choisi les questions. Je pense que cela traduit aussi les attentes réelles des Polynésiens qui peuvent être différentes de celles des journalistes ».

TNTV : Vous venez de le dire. Il y a déjà un certain nombre d’annonces qui ont été faites. Mercredi soir, on s’attendait à des annonces fortes sur des questions importantes comme la cherté de la vie ou la réforme de la PSG. Comprenez-vous qu’il puisse y avoir des déceptions ?

Moetai Brotherson : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, il y aura forcément des déçus et des frustrés. Il y a des gens qui, à l’inverse, m’ont envoyé des messages de félicitations en me disant : ‘c’est exactement ce que j’attendais’. Mercredi, on était dans la rétrospective. Donc il s’agissait de dire ce qu’on fait, ce qui a été réalisé durant ces 100 jours ».

TNTV : Sur la suppression de la TVA sociale, on sait aujourd’hui qu’elle n’aura pas d’impact significatif sur les portefeuilles des consommateurs. Faut-il s’attendre à d’autres mesures fortes pour lutter contre la vie chère ?

Moetai Brotherson : « D’abord, il fallait supprimer cette taxe sociale, pas simplement parce que c’est une promesse de campagne, mais parce qu’elle est arrivée au mauvais moment dans un contexte inflationniste. Ce n’était certainement pas la chose à faire. Donc, nous supprimons cette taxe sociale. Mais cela ne suffit pas. Il faut que les entreprises, notamment dans la grande distribution, fassent leur part également. Le gouvernement a fait sa part. Cela faisait partie des demandes des grands de la distribution, que cette taxe sociale soit supprimée. Elle va l’être à partir du 1er octobre. Nous attendons qu’ils fassent leur part du job. Ce n’est pas la seule mesure qui va permettre de diminuer le coût de la vie. Diminuer le coût de la vie, c’est une équation à deux parties. On peut augmenter le revenu. Quand on augmente le revenu de quelqu’un, le coût de sa vie diminue même si le prix des choses qu’il achète ne diminue pas. Je crois qu’il n’y a pas de secret. La vraie recette, pour qu’il y ait une diminution des prix de ce que l’on va acheter, c’est la concurrence ».

TNTV : Sur la concurrence, justement, Gérald Darmanin a annoncé la création d’une mission de lutte contre les monopoles. De quels monopoles parle-t-on exactement ?

Moetai Brotherson : « Je n’ai pas suivi les déclarations de monsieur Darmanin sur cette mission. On est d’accord sur le principe. On dispose déjà d’un outil : l’Autorité polynésienne de la concurrence qui surveille un peu ces questions de monopole. Plus que des monopoles, je pense que ce dont il s’agit chez nous, ce sont des oligopoles. Des sociétés qui finissent par occuper une place tellement grande dans certains secteurs, parfois dans plusieurs secteurs, que cela devient difficile pour quiconque de s’installer et de pouvoir faire jouer la concurrence. Je parle de certains grands groupes qui existent aujourd’hui chez nous ».

TNTV : L’Autorité polynésienne de la concurrence a-t-elle, selon vous, les moyens de lutter contre les monopoles ?

Moetai Brotherson : « A mon avis, non. Je l’ai déjà dit quand j’étais parlementaire.  Quand elle a été créée, l’APC avait effectivement vocation à pouvoir réguler ces questions-là. On lui a, à mon sens, coupé les ailes à mi-parcours. C’est la réforme qui a été demandée par le président Fritch et qui a été obtenue au parlement. L’APC n’a pas été vidée de sa substance, ce serait très exagéré de le dire, mais elle a un rôle purement consultatif ».

TNTV : Sur le nucléaire, 100 milliards de francs sont évoqués par le président du Conseil d’administration de la CPS pour la prise en charge des maladies radio-induites. Etes vous en phase avec ce chiffre ?

Moetai Brotherson : « En tous les cas, c’est le seul dont on dispose. Je n’ai pas de contre-proposition par rapport à ce chiffre. Et je n’ai pas, a priori, de raison de douter d’un chiffre qui est donné par un ancien président du Conseil d’administration de la Caisse qui a accès à des données assez précises. La méthodologie qu’il nous a exposée me parait, mais je ne suis pas un spécialiste de la Caisse de Prévoyance Sociale, raisonnable. Ce que je dis depuis le début, et que j’ai dit à monsieur Darmanin, et on a un accord de principe là-dessus, c’est que dans le cadre de la mission générale sur la réforme de la PSG, la reforme des comptes sociaux sur laquelle on va solliciter des instances nationales, il faudrait que l’on se pose la question d’arriver, ensemble, à un chiffre sur lequel on puisse être d’accord. Ce qui suppose d’avoir la même méthodologie au départ pour déterminer ce chiffre et, une fois qu’on est d’accord, on peut avancer. Sinon, on va chacun camper sur nos positions en disant : ‘vous dites 100 milliards, on n’est pas d’accord’. Donc on n’avance pas. Je préfère qu’on avance ensemble. Qu’on détermine un chiffre sur lequel on est d’accord et qu’on puisse ensuite avancer ».

TNTV : C’est ce que vous attendez de l’inspection de l’IGAS ?

Moetai Brotherson : « C’est un des éléments qu’on attend. Oui. »

TNTV : Vous avez annoncé, mercredi, la légalisation de l’usage du CBD dans les prochains jours. Était-ce une priorité ?

Moetai Brotherson : « Si vous posez la question aux malades qui souffrent et qui se soignent de manière illégale avec des produits à base de CBD, je peux dire qu’ils vous diront ‘oui’. Sur un sujet aussi vaste que la légalisation du cannabis, et on commence par le CBD, il ne faut pas faire ce qui a été fait précédemment, à savoir monter une usine à gaz dont on sait par avance qu’elle sera inopérante. C’est se donner bonne conscience. C’est faire de la com’ avant les élections que de pondre une telle usine à gaz. Cela n’a abouti à rien. C’est ce que les associations et les professionnels nous ont dit.  Nous voulons procéder par étape et, pour nous, la première étape, c’est le CBD ».

TNTV : Sur la question du logement intermédiaire. C’est quelque chose qui existait déjà sous la dernière mandature mais que vous comptez, peut-être, développer davantage…

Moetai Brotherson : « Le logement intermédiaire a toujours existé. Ce qui va changer, c’est notre capacité à produire du logement intermédiaire en utilisant de nouveaux mécanismes de financement qui n’ont jamais été mis en œuvre. Jusqu’à présent, pour faire du logement, on empruntait sur 15 ans auprès de bailleurs de fonds qui sont connus. Quand vous faites du logement avec un emprunt sur 15 ans, vous avez une charge de la dette qui est conséquente. Cela vous limite dans votre capacité de production et cela vous limite, finalement, dans les loyers que vous êtes en mesure de proposer aux locataires. Aujourd’hui, il existe des modes de financement sur 50, voire 60 ans. Ce sont ces modes là que nous voulons au travers de Arana, cette filiale de l’OPH qui sera spécialisée dans le logement intermédiaire. Cela va nous permettre de produire beaucoup plus de logements intermédiaires pour tous ces jeunes couples qui, il y a 10 ans, pouvaient accéder à un logement décent et qui, aujourd’hui, face à l’augmentation des prix, se disent : ‘mais comment je vais faire ?’ ».

TNTV : On imagine que vous allez faire appel à la défiscalisation. Avez-vous discuté avec Gérald Darmanin de son renouvellement ?

Moetai Brotherson : « Je crois qu’il n’y a pas de question sur le principe. Il y a, en revanche, des interrogations qu’il faut se poser sur l’efficience de ce dispositif et sa destination réelle. La défiscalisation n’a pas pour vocation d’enrichir celui qui défiscalise. La défiscalisation a pour vocation de permettre l’investissement et, au final, de réduire le temps nécessaire au retour sur investissement. Nous avons, par exemple, discuté avec Gérald Darmanin de la défiscalisation utile sur des navires de croisière de type Paul Gauguin, des navires intermédiaires et pas ces espèces de villes flottantes à 2500 ou 3000 passagers, ce n’est pas celles-là qu’on recherche.  Mais sur des unités comme celles-là qui, en plus, sont annoncées comme vertueuses. Par exemple, sur le prochain navire envisagé par la compagnie Ponant, c’est un navire qui fonctionnera en partie à l’hydrogène. Aujourd’hui, on ne peut pas défiscaliser de tels navires. Nous nous disons : ‘c’est un élément qui peut être porteur pour notre tourisme et on demande que cette défiscalisation nationale puisse s’appliquer à ces navires ».

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