La souffrance au travail, une réalité en Polynésie 

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Connaissez-vous la détresse psychologique liée au travail ? Selon les professionnels, elle touche de nombreuses personnes au fenua. Mais sans baromètre ni enquête, difficile de faire un état des lieux et tirer la sonnette d'alarme... Le dossier de notre rédaction :

Publié le 06/11/2023 à 10:28 - Mise à jour le 06/11/2023 à 10:42

Connaissez-vous la détresse psychologique liée au travail ? Selon les professionnels, elle touche de nombreuses personnes au fenua. Mais sans baromètre ni enquête, difficile de faire un état des lieux et tirer la sonnette d'alarme... Le dossier de notre rédaction :

Moana* souffre d’épuisement professionnel. Son corps a lâché suite à ce qu’il considère comme des pressions répétées de son patron sur son lieu de travail. « Mon employeur a nié des heures supplémentaires effectuées. (…) À chaque fois, je vais au travail la boule au ventre ou je me demandais si j’ai bien fait mes tâches. »

Son cas n’est pas isolé. Des personnes comme lui, l’association « souffrance-travail » en accueille au moins deux par mois. Pour venir en aide aux employés, une ligne d’écoute a été créée. « Une des premières missions de l’association, c’est de libérer la parole sans jugement, vraiment pour que la personne puisse aller au fond de la douleur qu’elle éprouve et après se dire : comment je vais pouvoir réussir à m’en sortir. Comment malgré tout ce que j’ai vécu, je vais pouvoir avancer. »

« Libérer la parole tout en gardant son estime de soi », un exercice compliqué lorsque la dépression est installée. La pathologie est difficile à identifier. Les symptômes ne sont pas visibles comme ceux d’un accident du travail.

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Les risques psychosociaux dans l’entreprise sont multifactoriels, et ils peuvent s’accentuer dans le temps si rien n’est fait. Teraimareva Mahotu, psychologue du travail, reçoit de plus en plus de demandes de consultations, de la part d’entreprises ou de salariés. Le sentiment de mal-être touche toutes les catégories professionnelles : « Il y a quand même un peu plus de femmes par rapport aux hommes. (…) On va avoir des salariés qui sont déjà dans un état très avancé de dégradation en termes de santé : des gens qui sont en épuisement professionnel, en dépression parfois. Mais on a de plus en plus des personnes qui arrivent au cabinet, qui sentent qu’il y a quelque chose qui ne va pas au sein de leur entreprise. Des gens qui viennent déposer certaines choses ici et essayer surtout de comprendre dans quoi ils peuvent être en termes de situation. »

Que faire si des signes de dépression apparaissent ?

En cas d’alerte psychique ou physique, il est conseiller de le signaler et de consulter  ! La médecine du travail est le premier interlocuteur à voir. Les rendez-vous sont gratuits. Si des signes cliniques sont avérés, le travailleur doit se tourner vers son médecin traitant.

Le docteur Mourad Tatah a déclaré un seul salarié inapte en un an. Dans l’Hexagone, c’est un tous les trois jours. « En France, un salarié, s’il perd son travail, et l’inaptitude médicale conduit parfois au licenciement, un salarié a droit à des indemnités journalières. Le Polynésien, lui, s’il est licencié pour inaptitude médicale, n’aura aucune prise en charge. Voilà un des motifs de sous déclaration de pathologie professionnelle en Polynésie ».

L’évolution de l’environnement professionnel peut déstabiliser. Depuis la crise des suicides à France Télécom en 2009, les salariés métroplitains ont plus de droits sociaux.

Au fenua, on est loin de ce progrès social. Depuis 7 ans, Otahi tente de faire reconnaitre ces droits dans le monde de l’entreprise polynésien. « Il faut savoir que lorsque tu es en simple maladie, tes droits sont ouverts jusqu’à 6 mois. Au-delà des 6 mois, un employeur peut être amené à pouvoir se séparer de l’employé. Le fait de reconnaitre la souffrance au travail comme étant une maladie professionnelle, ça permet au salarié d’avoir plus de temps pour guérir. »

Sans données chiffrées, difficile de mener un combat pour une reconnaissance de ce mal-être. L’association Souffrance-Travail au fenua milite pour une meilleure communication entre les structures de santé face à ce risque physique et mental pour les travailleurs.

Fin 2024, la médecine du travail sera équipée d’un logiciel métiers. Objectif : mieux cerner les problématiques des travailleurs, dans divers secteurs d’activité.

*prénom d’emprunt. Le jeune homme a souhaité garder l’anonymat

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