« Ces nouveaux vaccins sont les seuls à ne contenir qu’un brin d’ADN du virus »

Publié le

Coronavirus, vaccin, ARN Messager... : comment expliquer avec des mots simples ces notions compliquées ? Devant la défiance de nombreux Polynésiens face à la vaccination, les pouvoirs publics ont mobilisé une chercheuse polynésienne et un spécialiste en médecin générale pour la mise au point d’un livret de vulgarisation en français et en reo. Ce dernier, Michel Petit, était l'invité de notre journal :

Publié le 04/09/2021 à 14:12 - Mise à jour le 05/09/2021 à 11:33

Coronavirus, vaccin, ARN Messager... : comment expliquer avec des mots simples ces notions compliquées ? Devant la défiance de nombreux Polynésiens face à la vaccination, les pouvoirs publics ont mobilisé une chercheuse polynésienne et un spécialiste en médecin générale pour la mise au point d’un livret de vulgarisation en français et en reo. Ce dernier, Michel Petit, était l'invité de notre journal :


TNTV : Vous avez élaboré un livret de vulgarisation pour le grand public...
Docteur Michel Petit, spécialiste en médecine générale : « J’ai fait ce livre sur la base d’un diaporama que j’avais fait pour présenter aux professionnels du tourisme et aux mairies dans les îles dans lesquelles je suis allé. Et je me suis aperçu que la population ne comprenait pas tout, et même pas grand chose de ce virus. D’abord, que le virus lui-même quand il vous agresse, -n’importe quel virus, vous transmet tout son ADN, tout son ARN. Le virus est vivant, son ADN est vivant, son ARN est vivant. Et là dans un vaccin, qu’est-ce-qu’on fait ? On coupe un virus en morceaux, on le découpe -alors plus mort que ça, c’est pas possible-, et on extrait un petit bout de l’ARN. C’est pas toute la carte génétique qu’il y a à l’intérieur, mais un petit bout, qui correspond à la protéine Spike. Et c’est ce fragment qu’on vous injecte. Et donc ce fragment, il est mort. Quand on vous l’injecte, c’est une épine. Comme une écharde dans le pied, que fait votre corps ? Il va faire un petit abcès, et en quelques heures ou quelques jours après, il aura rejeté l’épine même si vous aurez pas réussi à l’enlever. Et la protéine Spike, c’est la même chose. Le fragment qu’on vous met à l’intérieur, votre organisme va le rejeter, il va le détruire en quelques heures à quelques jours, et votre corps aura fait ses anticorps. Et c’est là qu’il va reconnaître le virus quand il viendra sur vous. (…) On l’appelle Spike parce que les ventouses que vous voyez tout autour du virus, ce sont des ventouses d’un poulpe. Il s’agrippe à vous, il colle. Et c’est par là qu’il libère son ADN. »

« Il est difficile de comprendre que les individus se passionnent pour le Téléthon, qui finance la recherche génétique, et s’horrifient aujourd’hui de ce miracle de la génétique. »

Michel Petit, médecin généraliste

C’est une démarche qui émane de deux ministères : les pouvoirs publics ont donc compris qu’une vulgarisation s’imposait ?
« Ils avaient compris avant puisqu’ils avaient déjà déclenché, instauré et créé des vaccinodromes. Et en fait c’est quand ils ont visité les vaccinodromes, notamment celui de Bora Bora avec le ministre Lecornu, que tout le monde s’est affolé en disant : on a un vaccinodrome tout neuf, on a des tas de vaccins qui sont arrivés – faire venir un vaccin de métropole, un vaccin qui se garde à moins 70 degrés, dans des avions, dans des containers, et le transporter à Bora Bora ou dans n’importe quelle île, ce n’est pas un petit travail, et tout ça, c’est gratuit. Et le vaccinodrome était vide. Tout le monde s’est affolé, le ministre, nos ministres… et ils ont dit, il y a quelque chose qui se passe. Et quand on écoute le discours de certains Polynésiens, le premier jour où je suis arrivé, les gens me disaient ‘ah non, le vaccin j’en veux pas, ça m’empêche de bander’, d’autres me disaient, ‘ça coupe les règles’, d’autres me disaient ‘ça va détruire les couples’. Donc des effets secondaires qui se sont colportés, -on sait d’où ça vient et pourquoi- mais qui se sont transmis les uns aux autres et qui ont créé la peur. »


Quel est le constat aujourd’hui sur le degré de compréhension de ces notions complexes qui inondent notre quotidien ? 
« Cette épidémie touche tous les continents et nos espoirs d’y échapper ont été vains dans nos îles du Pacifique. Elle n’épargne aucun pays. La compréhension de cette maladie se heurte à plusieurs problématiques qui sont sources de polémiques : l’origine controversée du virus, son extraordinaire transmission entre les humains et à travers toute la planète, les difficultés pour tous les gouvernements, -quels qu’ils soient- de trouver les solutions pour enrayer cette épidémie, la balance instable entre les risques sanitaires (hôpitaux saturés, mortalité massive) et les drames socio-économiques-culturels et psychologiques qui s’annoncent. Il y a aussi les propositions de la science médicale, -qui n’est pas une science exacte mais avant tout un art-, avec des écoles multiples et parfois contradictoires, les discours des professionnels de santé qui sont des individus avec des formations différentes, des sensibilités personnelles et des peurs humaines, une médiatisation extraordinairement productive, alimentée par des experts qui s’écharpent allègrement et parfois avec virulence dans les émissions. Et c’est sans parler de la flambée impressionnante des réseaux sociaux qui fait exploser la connaissance et la méconnaissance du sujet, chacun pouvant cultiver sa vision partielle et partiale du sujet. »

Que sait-on des rapports entre Polynésiens et épidémie ?
« Pour moi, je ne fais pas de différence entre les Polynésiens et le reste de la population. J’ai eu le bonheur, ou le malheur, de faire des voyages humanitaires en Roumanie, j’ai soigné en France beaucoup de Nords-Africains, d’Espagnols, d’Italiens, d’Anglais… Ici, à Tahiti, on soigne beaucoup de touristes. Tout le monde est dans la même situation. Dès fois, j’entends les Polynésiens dire ‘ah ben nous Polynésiens, on est comme ça’. Mais ils sont comme les autres, ils réagissent de la même manière. En fait, ils réagissent avec une peur, une peur légitime. Aujourd’hui, on a des scientifiques qui nous font peur, qui nous les premiers, même moi, médecin, je me pose des questions. Un professeur va te dire blanc, un professeur va te dire noir. Il faut choisir entre les deux. Et le Polynésien est dans la même situation. Le seul ennui qu’il y a ici, c’est qu’on n’a pas suffisamment d’informations, aujourd’hui, l’information principale, c’est Facebook ou les réseaux sociaux, c’est donc une information qui peut être biaisée, parce que c’est la personne qui va faire monter la mousse qu’on va écouter. Moi, sur Facebook, je dis à mes amis, à la famille…, vaccinez-vous, cela va vous faire du bien. Mon discours n’intéresse personne. Mon discours tombe à l’eau. Il n’a aucun intérêt parce qu’il n’y a pas de mousse. »

« Il y a des gens totalement pour, des gens farouchement contre, des gens encore indécis, et surtout, des peurs multiples, peur de la maladie, peur du vaccin, peur des politiciens, peur deS médecins, peur de Big-Pharma. »

Michel Petit

Que nous enseigne l’histoire ?
« L’histoire se répète depuis la première vaccination, tentée au Moyen-Âge par un médecin de campagne anglais, Edward Jenner, qui a osé inoculer la vaccine (à base de croûtes et de pus de malades) pour éradiquer la variole. Ce médecin s’est attiré longtemps les foudres de la communauté scientifique qui était persuadée que cette stupide idée allait transformer les humains en animaux. Sa découverte a permis d’éradiquer complètement cette maladie qui décimait les populations, d’abord en Asie, puis en Europe. Et nul n’a vu des cornes lui pousser sur la tête. Ne parlons pas du vaccin contre la rage découvert par Pasteur, qui a longtemps été décrié par les experts en maladies infectieuses. Mais c’est son travail qui a permis d’élaborer tous les vaccins qui ont suivi : Polio, Tétanos, Rougeole, Rubéole, Méningite, Hépatite etc. »

98% des Polynésiens sont vaccinés contre plusieurs maladies, pourquoi cette défiance contre celui-ci ?
« La réponse est simple : 98% des Polynésiens sont vaccinés parce que la vaccination contre ces maladies est obligatoire. La défiance pour ce nouveau vaccin, elle est d’abord sur une erreur de dénomination. Ces vaccins du XXIème siècle sont les seuls qui ne contiennent qu’un fragment d’ARN ou d’ADN, c’est-à-dire des protéines extraites d’un virus qu’on a découpé en petits morceaux (plus mort que ça, c’est impossible) et sur lequel on a extrait un nano-fragment d’ADN ou d’ARN. Alors que tous les vaccins que nous avons reçu sont des vaccins, élaborés avec des virus vivants ou modifiés, mais qui avaient leur ADN et leur ARN en entier. (…) Il est difficile de comprendre que les individus se passionnent pour le Téléthon, qui finance la recherche génétique, et s’horrifient aujourd’hui de ce miracle de la génétique. L’exemple de la sécurité de ces vaccins est celui de la vaccination contre le virus Ebola ».

Dernières news