Au fenua, les victimes de violences « surreprésentées » parmi les auteurs, selon une étude

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« Le fait d’avoir subi des violences durant l’enfance accroit-il le risque d’en subir à l’âge adulte ? » « Existe-t-il une relation entre le fait de subir des violences et celui d’en commettre ? » Près de 1 200 personnes ont été interrogées dans le cadre de l’approche quantitative de l’enquête sur les violences intrafamiliales en Polynésie française menée par le sociologue Loïs Bastide et la post-doctorante, Lucile Hervouet. Il en ressort notamment que « les victimes de violences physiques ont plus tendance à être autrices » à leur tour.

Publié le 08/04/2023 à 10:36 - Mise à jour le 12/04/2023 à 14:54

« Le fait d’avoir subi des violences durant l’enfance accroit-il le risque d’en subir à l’âge adulte ? » « Existe-t-il une relation entre le fait de subir des violences et celui d’en commettre ? » Près de 1 200 personnes ont été interrogées dans le cadre de l’approche quantitative de l’enquête sur les violences intrafamiliales en Polynésie française menée par le sociologue Loïs Bastide et la post-doctorante, Lucile Hervouet. Il en ressort notamment que « les victimes de violences physiques ont plus tendance à être autrices » à leur tour.

Après l’enquête qualitative, place au volet quantitatif. Sociologue à la maison des sciences de l’homme du Pacifique, Loïs Bastide vient de publier la version quantitative de l’enquête sur les violences intrafamiliales en Polynésie française. Violences physiques, morales, sexuelles ou expériences « anormales » vécues au sein de la famille : quatre catégories de violences sont abordées sous forme de questionnaire en français, soumis à un échantillon de près de 1 200 personnes.

Mené avec la post-doctorante, Lucile Hervouet, ce travail a permis d’appréhender avec plus de précision les fréquences et les facteurs de risque au sein de l’échantillon. Il a également permis de mieux comprendre la répartition des différentes types violences, de les caractériser et de comprendre comment elles s’articulent entre elles. « Ce qu’on ne peut pas faire avec une enquête qualitative, qui permet de comprendre les processus mais pas de saisir leur fréquence. Tout ça en ayant conçu le questionnaire à partir des enseignements de l’étude qualitative » précise le chercheur, qui résume cette enquête en un mot : « riche ».

Complémentaire du premier volet, l’enquête confirme « l’espace particulièrement à risque » de la « famille au sens large ». Un contexte où « les violences sexuelles et physiques sont plus souvent perpétrées ». Elle révèle également que ces violences s’installent parfois dans des « routines ». Ainsi 19% des participants décrivent plusieurs épisodes violents, et 67% ont subi des violences récurrentes. Idem pour les violences sexuelles : 26% des victimes ont subi une agression, 50% plusieurs et 24% déclarent avoir subi des agressions récurrentes.

76% des violences morales sont commises par les parents

Les résultats de l’enquête montrent également que les violences isolées sont rares et leurs agresseurs « multiples ». Ainsi, « parmi les victimes de violences physiques, 30% ont été violentées par plus de deux auteurs, 15% par deux auteurs, contre 54% par un seul auteur ». Ces violences exercées par plusieurs membres de la famille sont d’ailleurs « plus fréquentes chez les femmes », tandis que les hommes sont plus souvent victimes de violences d’un seul agresseur.

Preuve que les formes de violences s’articulent souvent entre elles, les personnes qui ont subi des violences conjugales ou verbales ont plus tendance que les autres à avoir subi des violences de leur belle-famille.

« Les violences physiques et morales s’exercent quasi-exclusivement dans le cadre du lien de filiation, dans lequel la conception de la violence comme moyen éducatif semble vivace », note le rapport. 86% des violences physiques sont commises par les parents, oncles ou tantes, et 76% des violences morales sont commises par les parents. Les violences conjugales, en revanche, « sont exercées en majorité par les collatéraux » à hauteur de 53%. Quant à l’identité des auteurs, ils sont « majoritairement » masculins.

La majorité des auteurs ont été des victimes

Enfin les chercheurs s’intéressent aussi à « la contamination entre les contextes de violence », comme l’éventuel « lien entre la victimation sexuelle dans la famille et la victimation sexuelle dans le couple » ou le « passage de la position de victime à celle d’auteur de violence ».

Et si « dans leur majorité, les personnes victimes de violences conjugales n’en commettent pas », dans la famille d’origine, les chercheurs constatent que « les victimes de violences physiques ont plus tendance à être autrices de violences ». C’est encore plus vrai dans le cas des violences morales : « 46% des victimes de violences morales dans la famille sont aussi auteurs. »

Les chercheurs relèvent cependant la « surreprésentation de personnes victimes de violence parmi les auteurs ». Ainsi, 62% des personnes ayant commis des violences physiques dans leur famille d’origine en ont également été victimes. Et si « si la majorité des victimes ne deviennent pas autrices, la majorité des auteurs a donc bien été victime de violences ».

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