Gillian Osmont, le tennis à toute épreuve

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Gros service, coup droit canon, fan de Juan Martin Del Potro : Gillian Osmont, 20 ans, écume les courts de tennis du monde entier pour gagner sa place dans le monde sans pitié du tennis professionnel. Revenu de blessures à répétition, il a enfin glané ses premiers points à l'ATP en 2024. Le champion du fenua s'est livré à TNTV le temps d'un entretien.

Publié le 25/02/2024 à 9:00 - Mise à jour le 25/02/2024 à 10:38

Gros service, coup droit canon, fan de Juan Martin Del Potro : Gillian Osmont, 20 ans, écume les courts de tennis du monde entier pour gagner sa place dans le monde sans pitié du tennis professionnel. Revenu de blessures à répétition, il a enfin glané ses premiers points à l'ATP en 2024. Le champion du fenua s'est livré à TNTV le temps d'un entretien.

Il n’a pas fallu longtemps pour que Gillian Osmont attrape une raquette de tennis. Avec un oncle coach en Nouvelle-Calédonie, il attrape vite le virus de la balle jaune, pendant que d’autres enfants rêvent dans la cour de récré. Surtout, il montre de bonnes dispositions pour le sport. Rapidement, Gillian devient champion de Polynésie en catégories jeunes, sans se mettre de pression.

Un relâchement qui lui permet d’obtenir de bons résultats à l’échelle océanienne. « Je pense que c’est ce côté îlien. Venir de Tahiti, être tranquille, ça m’a permis de bien commencer. J’étais en mode « tennis, tennis, tennis » , mais surtout pour prendre du plaisir » , se souvient-il.

Il écume les tournois régionaux jusqu’à taper dans l’œil de la Fédération Française de Tennis (FFT), encore en Nouvelle-Calédonie. « J’ai fait un très bon résultat là-bas, et ils ont voulu me voir sur des tournois internationaux en métropole. Ça n’a pas très bien marché au début, donc on a décidé d’aller sur le Tennis Europe Junior Tour avec mon père. Là, j’ai obtenu le ranking nécessaire pour participer à l’un des plus gros tournois du circuit » . Son parcours s’arrête en demi-finale face à un certain Carlos Alcaraz (actuel n°2 mondial, ancien n°1 – NDLR). « Il se démarquait quand même un peu du lot, mais je n’aurais jamais deviné qu’il deviendrait n°1 mondial, sourit-il. Il y avait beaucoup, beaucoup de jeunes joueurs très forts » .

Gillian ne passe pas inaperçu. Puissant, en avance pour son âge, il se fait alors approcher par Nike et Wilson, ses premiers gros sponsors, qui le fournissent en matériel pour respectivement quatre et deux ans. « On venait de débarquer en Europe voir un peu le niveau, et d’un coup il y a tout qui nous tombe dessus, positivement. C’est à ce moment que la FFT m’invite à rejoindre le Pôle France » . Il saisit sa chance et part donc pour Poitiers dans l’espoir de devenir pro. À 12 ans, il côtoie les meilleurs jeunes tennismen français au centre national. « Il n’y avait pas les moyens tennistiques à Tahiti, pas les coaches ou les structures. Là-bas, il y a tout, les meilleurs entraîneurs, les kinés et les docteurs… On ne s’est pas trop posé la question » , affirme-t-il. Déjà habitué aux voyages et trop amoureux du tennis, il part convaincu. « Le fait de ne pas voir ma famille ne me dérangeait pas à ce moment-là. Certes, ce n’est pas une vie facile niveau social. C’est intense, c’est un choix de vie. Je n’aurais pas fait ça si je n’aimais pas autant le tennis » . Ni sans l’aide de ses parents, à fond derrière lui. La maman l’aide à obtenir des billets d’avion à moindre coût, et le papa peut se permettre de voyager avec le fiston.

Au Pôle France, la loi de la jungle

À Poitiers, la pression monte d’un cran. Chaque jour, Gillian s’astreint à deux entraînements de tennis, une séance de physique et quelques heures de cours. En guise de vacances ou de week-ends, des tournois en France et en Europe. « Tu sens une tension dans la structure et entre les joueurs eux-mêmes, confie-t-il. C’est un sport individuel, tu as envie de faire mieux que les autres et inversement… (Il réfléchit) D’un côté, j’ai bien vécu ces deux ans, et de l’autre, mal. Il y avait la pression du résultat que je n’avais pas avant » . Ce qu’il gagne en rigueur, il le perd en personnalité. Seul, avec une charge de travail intense pour son jeune mètre 80, viennent les premières blessures et les premiers doutes. Il reste deux ans au Pôle, à l’issue desquels il n’est pas conservé. « Ça a un peu explosé. J’ai perdu confiance sur le moment, mais avec le regard que je porte aujourd’hui, je ne regrette pas, maintient-il. C’était une expérience » .

« Je me suis dit que j’étais toujours dans la course. Je me disais, avec ou sans eux, je vais réussir »

Gillian est redirigé vers le Pôle Espoir de Nantes, évoluant un cran en dessous de Poitiers. Pendant deux ans, il lutte pour se faire une place sur le circuit européen, malgré une réduction des moyens mis sur lui par la fédé. Avec son père, ils partent d’eux-mêmes sur des tournois internationaux pour ne pas perdre le fil. De 14 à 18 ans, les meilleurs de son âge jouent l’ITF Junior, au niveau mondial. Il ne lâche rien, et va jusqu’au Kenya disputer son premier match sur le circuit pour des débuts folkloriques : « On jouait sur des terres battues, il y avait des cailloux partout sur le terrain, rit-il. Les lignes, c’était de la poudre blanche qui s’effaçait quand on marchait dessus… Mais il fallait passer par là pour gagner des points et le droit de participer à de plus gros tournois » . Grâce à son périple africain, il rentre directement dans le top 500 ITF junior et fait partie des 40 meilleurs joueurs de son âge. « Je me suis dit que j’étais toujours dans la course. Je me disais, « je vais prouver au Pôle France qu’ils ont eu tort » . Avec ou sans eux, je vais réussir » .

Les blessures et la « dégringolade »

Mais les blessures coupent les ailes Gillian. Bas du dos, entorse à la cheville et arthroscopie du poignet, « la pire blessure » de toute sa vie, vers ses 16 ans. « Je me suis fait le poignet gauche, ça m’a pris deux ans à le soigner. J’ai du passer au revers à une main pendant cette période, mais franchement ça ne passait pas (…) C’était la dégringolade, ça m’a mis au plus bas » . Ses rivaux prennent de l’avance, il s’éloigne des tournois les plus prestigieux. Il pense même arrêter le tennis. « Je ne vais pas le cacher. Je pensais m’orienter vers les études aux États-Unis avec mon niveau, mais cogité. Je ne voulais pas lâcher l’idée d’être pro » . Gillian s’accroche. Il revient de temps en temps au fenua, entre deux tournois en métropole ou Kirghizistan. Puis le Pérou. Puis la Bolivie…

(Crédit Photo : Gilles Osmont)

« J’ai quand même arrêté pour que mon poignet se remette. J’étais au-delà de la 1300e place » , souffle-t-il. Il fait alors ce qu’il a toujours fait, parcourir les courts de tennis du monde pour reprendre du rythme. En Amérique centrale, il rencontre son coach à temps plein Andrew Sznajder, un canadien ancien top 50 mondial dont l’académie est installée au Costa Rica, qui l’aide à revenir près du top 500. Une aventure qui prendra fin en 2023, alors que Gillian est devenu adulte et qu’il prend conscience de l’importance de sa vie familiale, confiant vouloir revenir « beaucoup plus souvent qu’avant » au fenua.

Premiers points ATP… et Coupe Davis

Un petit pas en arrière pour un bond en avant : en janvier dernier, grâce à une wild-card, il participe à un Challenger en Nouvelle-Calédonie et gagne ses premiers points ATP (Principal circuit de tennis international), en double avec le local Maxime Chazal. « Je m’attendais à faire juste un match, mais on s’est retrouvés en demi-finale. On a battu des Australiens top 200, on est rentrés direct dans les 900 en double, ce qui est très bien » . Détaché de la pression des résultats, seul à la manœuvre, Gillian se sent « soulagé » de ne plus dépendre de personne.

Il surfe sur ce bon mental et rejoint la sélection Tahitienne en 2022 aux mini-jeux de Saipan. Il y décroche la médaille de bronze par équipe, battu seulement en simple par Colin Sinclair, aujourd’hui 399e à l’ATP. Les matchs en équipe, une configuration qui lui collent définitivement bien.

Parce qu’il est de retour dans la région océanienne, il se voit offrir en mai 2022 l’opportunité de participer à la prestigieuse Coupe Davis dans la sélection de Pacific Oceania, en 3e division de la zone Asie-Pacifique. À ses côtés, Heve Kelley, lui aussi Tahitien, le Ni-Vanuatu Clément Mainguy et le Tongien Matavao Fanguna. Grâce à deux victoires face au Sri Lanka, il fait monter la sélection en 2e division. L’équipe lui apporte un équilibre sain, même si le chemin est encore long pour aller titiller les meilleures nations. Début février 2024, la sélection Pacifique se fait battre sèchement par El Salvador. « On n’est pas tombés contre n’importe qui. Ils ont un joueur (Marcelo Arévalo – NDLR) qui a quand même gagné Roland Garros en double, rappelle-t-il. Je l’ai pris comme une chance » .

Gillian avec la sélection Pacifique, contre El Salvador (Crédit : Gilles Osmont)

Pas de quoi atteindre Gillian, donc. Déjà reparti pour l’Australie, il s’y entraîne avec le coach de Coupe Davis de l’Océanie. Il l’assure, il continuera son chemin dans le tennis. Comme joueur ou entraîneur, peu importe. « Pour l’instant, je suis encore à fond dans le tennis. Il n’y a pas de soucis sur l’après. J’ai toujours le plaisir de jouer, et je trouve un équilibre en revenant me ressourcer ici avec ma famille et mes amis. La vie d’un sportif pro est très originale. Mais le tennis sera toujours une partie de ma vie que je ne voudrai pas lâcher » .

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