Sans solution, « il faudra se poser la question de la pérennité » des Jeux à Teahupo’o, prévient Moetai Brotherson

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Invité de notre journal ce vendredi, le président du Pays est revenu sur les débuts compliqués de sa réforme fiscale en commission des finances de l'Assemblée. Sur la tour des juges de Teahupoo, Moetai Brotherson se veut intransigeant : l'utilisation de l'ancienne tour est catégoriquement impossible, et des solutions sont encore à l'étude pour maintenir les épreuves de surf en Polynésie. À défaut, le Pays pourrait purement et simplement les annuler.

Publié le 02/12/2023 à 11:15 - Mise à jour le 02/12/2023 à 11:18

Invité de notre journal ce vendredi, le président du Pays est revenu sur les débuts compliqués de sa réforme fiscale en commission des finances de l'Assemblée. Sur la tour des juges de Teahupoo, Moetai Brotherson se veut intransigeant : l'utilisation de l'ancienne tour est catégoriquement impossible, et des solutions sont encore à l'étude pour maintenir les épreuves de surf en Polynésie. À défaut, le Pays pourrait purement et simplement les annuler.

TNTV : Les articles LP1 et LP4 (de la réforme fiscale, ndlr) ont été ré-étudiés (vendredi) matin en commission. Ils devaient représenter 3 milliards de Fcfp de recettes fiscales pour 2024. Y a-t-il des mesures prévues pour rééquilibrer le budget ?

Moetai Brotherson, président de la Polynésie française : Dès lors que les débats ont eu lieu à l’Assemblée, mes équipes en collaboration avec le ministère des Finances ont commencé à travailler en commission sur ces dispositifs. Les moyens d’équilibrer le budget ont été édifiés très rapidement.

TNTV : Le vote du budget a pris du retard. Il devait avoir lieu la semaine prochaine, ce sera finalement la semaine d’après. Pensez-vous que la majorité va être en phase avec le gouvernement ?

M.B : On a manqué de temps pour faire de la concertation en interne, parce qu’on était le nez dans le guidon depuis l’installation du nouveau gouvernement, on n’a pas manqué de dossiers épineux. On a mis en place une méthode de travail avec des comités techniques qui vont plancher, conjointement entre la majorité et le gouvernement, sur des points précis : la vie chère, l’alimentation etc.

TNTV : Vous serez dans les délais pour la clôture de la session budgétaire le 18 décembre.

M.B : Oui, là dessus il n’y a pas de sujet. On a entendu l’expresison de notre majorité, on a entendu les professionnels des différents secteurs concernés, on essaye de tenir compte de l’avis de tout le monde, et c’est pour cela qu’on a présenté en commission des amendements qui vont dans le sens des amendements présentés par l’opposition la semaine dernière. Crier au loup, c’est bien, travailler c’est mieux.

Voir – Budget et fiscalité : l’opposition quitte la commission de l’économie

TNTV : Vous êtes toujours attendu sur le sujet du coût de la vie. Or, on ne voit pas beaucoup de mesures à ce sujet dans la réforme fiscale. Pourquoi ?

M.B : C’est un sujet qui est très complexe. La grosse majorité du coût de la vie est du coût importé. Le prix de ce que l’on mange et ce que l’on consomme, sachant qu’on consomme beaucoup trop de produits importés, n’est pas décidé ici. Il ne faut pas se tromper de cible, nous préférons prendre un peu de temps.

TNTV : Les acteurs économiques ont montré leur mécontentement vis-à-vis de la réforme fiscale. Ils dénoncent des mesures inflationnistes qui vont venir encore augmenter les prix de l’immobilier. Cet impact économique a-t-il bien été anticipé en amont ?

M.B : Tous les acteurs économiques ne sont pas mécontents de ce qui est proposé. J’ai discuté avec beaucoup de petites entreprises qui sont très contentes des modifications que l’on a faites sur la fiscalité associée aux TPE. Les pensions de familles aussi, vis-a-vis des mécanismes d’aide et sur le changement de format de la défiscalisation. Forcément, quand on change une fiscalité, ceux qui sont impactés résistent au changement. Maintenant il faut agir, ça ne peut pas plaire à totu le monde.

TNTV : Ils dénoncent surtout le manque de consultation du ministre de l’Économie.

M.B : C’est une remarque qui a été faite et entendue. J’ai insisté auprès du ministre de l’économie (Tevaiti Pomare) pour qu’à l’avenir il y ait tout le temps une concertation préalable avant de proposer des mesures.

TNTV : Vous êtes également en charge du portefeuille du tourisme. La réforme fiscale prévoit de réduire un certain nombre d’avantages fiscaux, la Polynésie serait donc moins attractive pour certains investisseurs. Cela ne vient-il pas en contradition avec votre objectif de 600 000 touristes.

M.B : Si vous parlez de la révision de la défiscalisation, les montants sont les mêmes puisqu’ils sont fixes, c’est la moitié de l’impôt sur les sociétés, 5,5 milliards de Fcfp (…) On a ce montant à notre disposition, on a eu 142 milliards de Fcfp de demande. Quel que soit le format, que vous soyez à 60% ou à 30% de défiscalisation (sur la création d’hôtels et de pensions de famille dans les îles autres que Tahiti, Moorea et Bora Bora, ndlr) , vous avez forcément des projets qui ne seront pas satisfaits. Quand vous êtes à 60%, si vous prenez deux projets qui sont à 1,4 milliards de défisc’ chacun, que reste-t-il pour tous les autres ? Il faut se poser la question de pourquoi les investisseurs ne savent plus investir sans défisc ? Lors de mes déplacements, j’ai fait des rencontres avec des investisseurs qui sont prêts à venir investir chez nous sans défisc’.

TNTV : Des échos s’intensifient pour un remaniement au gouvernement, notamment à l’Économie, à la Santé et au Sport. On parle aussi du dépôt de votre démission du Tavini Huiraatira, est-ce vrai ?

M.B : Le sport national qui consiste à faire circuler des rumeurs est en bonne forme, c’est dommage que ce ne soit pas une discipline aux Jeux. On aurait certainement des médailles (…) Il y a eu le rendez-vous des 100 jours, le prochain sera celui des 1 an. En dehors de ça, il n’y a pas de remaniement.

TNTV : Sur les Jeux Olympiques, vous avez affirmé votre volonté de transparence envers les associations. Vous avez sans doute vu les images de la nouvelle barge sur les coraux. Pensez-vous qu’il est possible de la faire passer sans abîmer l’écosystème ?

M.B : Je constate que ce qui avait été prévu comme test s’est mal passé, je le regrette, comme tout le monde. On a deux attitudes face à cela. Soit on baisse les bras, soit on se dit qu’on ne fait plus les Jeux. Ce n’est pas ma mentalité. Je ne pense pas que c’est ce que veulent les habitants de Teahupo’o et plus largement les Polynésiens. À partir du moment où l’on dit qu’on veut que les Jeux se tiennent ici, quelles sont les options ? Il n’y en a pas 36. La première, celle que réclament les associations, est d’utiliser les anciens dispositifs. Je vais le dire une dernière fois : on ne peut pas utiliser ces dispositifs, je ne prendrai pas la responsabilité de mettre des vies en danger. (Hier), on a cassé du corail, demain si on réutilise ces dispositifs, ce sont des vies que l’on met potentiellement en danger. Est-ce que les associations sont prêtes à prendre cette responsabilité ? Je ne pense pas. Il faut aller de l’avant et chercher des solutions, qui ne sont pas évidentes, comme on l’a vu. (Ce samedi), il y a une réunion technique du maître d’œuvre qui doit intervenir. Il va réunir ses techniciens pour voir comment est-ce que l’on peut faire autrement. Si au final, il n’y a pas de solution, il faudra se poser la question de la pérennité de ces épreuves de surf à Teahupo’o.

TNTV : Si les épreuves ne peuvent pas se faire en Polynésie, nous allons devoir payer pour cette annulation.

M.B : C’est ce que nous disons depuis le début à tous ceux qui se plaignent. On peut se plaindre mais à un moment, il faut trouver des vraies solutions, qui ne mettent pas en danger la vie des gens.

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