Décès au centre d’hébergement de Paea : Tony Geros évoque la peur de l’hospitalisation

Publié le

Pourquoi une sexagénaire est-elle décédée, samedi, au centre Manu Iti? Le maire est revenu sur le contexte de cet incident ce lundi. Face à la presse, il indique que la défunte et son mari, hospitalisés à domicile depuis une semaine, souhaitaient rester au sein de la structure malgré leur état. Tony Geros dit avoir accompagné la famille jusqu’au bout. L'édile a également tenu des propos ambigus insistant à la fois sur la nécessité d'une confiance restaurée envers les structures hospitalières tout en dénonçant la pratique "d'euthanasies" dans ces murs.

Publié le 13/09/2021 à 16:58 - Mise à jour le 15/09/2021 à 10:22

Pourquoi une sexagénaire est-elle décédée, samedi, au centre Manu Iti? Le maire est revenu sur le contexte de cet incident ce lundi. Face à la presse, il indique que la défunte et son mari, hospitalisés à domicile depuis une semaine, souhaitaient rester au sein de la structure malgré leur état. Tony Geros dit avoir accompagné la famille jusqu’au bout. L'édile a également tenu des propos ambigus insistant à la fois sur la nécessité d'une confiance restaurée envers les structures hospitalières tout en dénonçant la pratique "d'euthanasies" dans ces murs.

Samedi, une administrée de Paea, prise en charge au centre Manu Iti, a perdu la vie. Que s’est-il passé ? Son état lui permettait-il d’éviter l’hôpital ?  Le maire, Antony Géros, dit s’être « préparé » à se retrouver dans ce genre de situation. Il explique que la patiente, âgée de 66 ans, était entrée au centre de sa propre initiative. « C’est une patiente qui était entrée ici avec son mari à la demande de la famille pour avoir des conditions d’hospitalisation à domicile beaucoup plus encadrées parce que ça faisait déjà une semaine qu’ils étaient hospitalisés à domicile et c’est assez lourd comme charge de suivre H24 un malade à domicile. Quand il y en a deux, c’est pire. Bien entendu, au bout d’un moment, on se tourne vers des structures alternatives qui existent, ou l’hôpital. Or, les deux patients qu’on a admis ici ne voulaient pas aller à l’hôpital. C’est comme ça qu’ils ont insisté pour venir ici. (…) J’aurais pu refuser mais j’ai quand même accepté parce que ce sont des personnes que je connais très bien. Donc j’ai accepté de prendre cette responsabilité en toute connaissance. Et j’ai accompagné la famille durant toute la nuit de vendredi soir à samedi matin pour les derniers instants. »

Des adieux sans humanité

Néanmoins, le tavana déplore des procédures funéraires cruelles. Malgré un certificat de non contagion, le cercueil de la sexagénaire a été rapidement scellé. « On n’a pas compris qu’en Polynésie, notre culture donne un aspect très sacré à la mort. Il ne faut pas venir nous embêter avec des histoires de procédure. Ca c’est pas possible ». Et d’ajouter : « Le maire ne peut pas être inhumain. Je prends des responsabilités énormes. J’accepte de les prendre pour ma population ».

Lire aussi – Covid-19 : Paea joue la carte de l’Ivermectine

Le maire de Paea tenait une conférence de presse, ce matin, pour revenir sur le décès survenu au centre d’hébergement de Manu Iti

Tony Geros plaide pour davantage de coordination

Le maire de Paea estime que la patiente serait décédée quel que soit l’environnement dans lequel elle se serait trouvée, compte tenu de son état. « À domicile, ici ou à l’hôpital on aurait eu certainement le même résultat. Ce qui nous dérange beaucoup, nous les Tavana, c’est qu’on n’est pas mis au courant des cas d’hospitalisations à domicile. On est obligés de refaire tout le travail derrière pour retrouver ces malades à domicile alors que s’il y avait une plateforme de régulation qui permettait de signaler ‘attention, vous avez dans tel quartier deux malades à domicile’, sous oxygénothérapie etc., ça nous permettrait, grâce à nos guides sanitaires, d’aller identifier les conditions d’hébergement, et si ces conditions sont respectées : les conditions d’hygiène d’abord, les conditions sanitaires d’hébergement, et si l’entourage a les capacités de suivre H24 le malade qui est hospitalisé à domicile. »

– PUBLICITE –

Centre d’hébergement médicalisé de Manu Iti – Crédit photo TNTV

La permanence des soins : inexistante au fenua

Cette coordination, l’élu dit souhaiter vouloir y impliquer tous les toubibs de la commune : « J’ai demandé aux médecins de Paea qu’ils me donnent un numéro pour les joindre en dehors de leurs heures de bureau. Un 87 ou un 89. Dans le cadre des hospitalisations à domicile, le patient est laissé pour compte. En oxygénothérapie : trop d’oxygène tue, et pas assez d’oxygène aussi. Tout dépend de la variation des constants. La permanence des soins n’existe pas en Polynésie. Il faudrait peut-être la mettre en oeuvre. Mais là, la CPS va grincer des dents ».

Malgré un décès, Antony Géros relève que sur les 13 admissions en trois semaines à Manu Iti, 9 personnes ont d’ores et déjà pu regagner leur domicile en bonne santé. « J’ai la satisfaction d’avoir au moins 9 personnes qui sont sorties de ce centre avec le sourire. Ils étaient entrés sur civière et là ils sont sortis avec le sourire. C’est déjà pas mal. Mais au-delà du centre, on continue à suivre des malades également à domicile que nous avons retrouvé grâce aux guides sanitaires. »

« On lui a dit qu’on allait lui faire une piqûre et qu’il allait bien dormir. Ça oui : il ne s’est pas réveillé! Ça s’appelle l’euthanasie! C’est interdit dans la loi française! Pourquoi on se permet de faire ça »?

Tony Geros

Une confiance émoussée dans les structures de soins classiques

L’une des raisons qui a incité le tavana à ouvrir ce centre : le sentiment qu’un ancien administré de la commune n’aurait pas dû mourir. « Cette personne s’est retrouvée aux urgences. Elle n’a même pas été mise en réanimation. Le docteur est venu pour lui réclamer le masque ». On lui a dit qu’on allait le lui laisser un peu mais qu’on en avait besoin. La personne savait qu’elle aurait du mal à respirer. On lui a dit qu’on allait lui faire une piqûre et qu’il allait bien dormir. Ca oui : il ne s’est pas réveillé! Ca s’appelle l’euthanasie! C’est interdit dans la loi française! Pourquoi on se permet de faire ça? Pourquoi à Tahiti on se permet de faire ça??? Je me suis dit qu’il fallait que l’on fasse quelque chose pour essayer de sauver ceux que l’on peut sauver! (…) Cette personne aurait été mieux prise en charge à domicile! Elle n’était pas oxygénée à domicile. On aurait du lui fournir un concentrateur d’oxygène. Mais non, on lui a fait une piqûre et il a bien dormi! ».

Centre d’hébergement médicalisé de Manu Iti – Crédit photo TNTV

Oxymètres, thermomètres et tensiomètres en PPN ?

Pour le maire de Paea, il est essentiel de tirer des leçons de la situation sanitaire actuelle. Il estime qu’il faudrait permettre aux familles de s’équiper : « Le premier matériel qui est nécessaire c’est un oxymètre et cet oxymètre mesure le taux de saturation en oxygène dans le sang et il est très important dans le cadre du variant qu’on surveille les variations. (…) Ensuite il y a la température avec un thermomètre à infrarouge et enfin un tensiomètre de poignet qui permet de donner des indications aux médecins et comme ça, avec toutes ces mesures, il peut tout de suite délivrer une ordonnance qui permette aux malades de commencer à être médicamenté ou bien équipé pour l’oxygénothérapie. Il faut aider les familles à s’équiper et c’est la raison pour laquelle je fais appel aux autorités du Pays pour ouvrir une réflexion sur la mise en PPN de ces petits appareil : l’oxymètre, thermomètre à infrarouge et le tensiomètre de poignet pour permettre d’avoir une tarification qui soit abordable d’abord pour les familles et bien entendu, qui pourrait être également complété par une aide de la commune pour rendre la tarification complètement à la portée de toutes les familles. »

« J’appelle la population à abandonner l’idée qu’ils ont de voir en mal les moyens du Pays ».

Tony Geros

Et il le souligne : le centre d’accueil de sa commune vient en complément, en soutien à l’hôpital, débordé. La salle Manu iti n’a pas pour but de remplacer les structures comme le CHPF. Il invite la population à ne pas se laisser envahir par la peur. « On a un grand hôpital, on a été débordés. C’est normal, on est en crise. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut perdre confiance en ces moyens de politique publique qui ont été mis en place. J’appelle la population à retrouver confiance en notre outil publique de santé, utiliser les moyens alternatifs comme un centre comme ça, les appareils… Tout ce qui peut contribuer à alléger la charge en période de crise qui est portée sur l’outil unique qu’est le centre ou les centres hospitaliers (…) J’appelle la population à abandonner l’idée qu’ils ont de voir en mal les moyens du Pays. Ils sont dépassés par les événements. Il faut les aider et j’applaudis toutes les équipes thérapeutiques du Pays pour leur dévouement à la cause. Nous, nous sommes juste en complément. Nous sommes juste en complément mais on ne fait même pas un dixième de ce qu’ils font. »

Le Conseil de l’ordre des médecins fait un rappel à l’ordre

Dans un communiqué, le président du Conseil de l’ordre des médecins, Nedim Al Wardi, dénonce le « sensationnalisme recherché par certains médias », venant « altérer le lien de confiance des patients envers leurs taote ». Il réfute également les rumeurs selon lesquelles « la médecine s’exercerait sous le règne de l’improvisation, de l’arbitraire ou de la sélection des vivants » et rappelle « la complexité de la décision médicale ». Le Conseil assure « qu’aucun manquement à la déontologie imputable à un médecin » ne restera impuni.

Dernières news

Activer le son Couper le son