Ben Thouard : « je suis allé voir sous la vague de Teahupoo, j’ai été complètement ébloui par ce que j’ai vu »

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Sous le charme, Ben Thouard immortalise depuis près de 17 ans les courbes parfaites de la vague de Teahupoo. Il lui a même consacré deux livres entiers et en prépare actuellement un troisième. Rencontre avec un photographe passionné.

Publié le 16/03/2024 à 11:48 - Mise à jour le 18/03/2024 à 9:44

Sous le charme, Ben Thouard immortalise depuis près de 17 ans les courbes parfaites de la vague de Teahupoo. Il lui a même consacré deux livres entiers et en prépare actuellement un troisième. Rencontre avec un photographe passionné.

Il capture sous tous les angles et par tous les temps la vague de Teahupoo. Ben Thouard est tombé amoureux du spot de surf de la Presqu’ile de Tahiti dès son premier voyage au fenua en 2007. « J’ai passé un peu plus d’un mois à Teahupoo à la fin de la route et ça a été vraiment le coup de cœur dès le premier jour. Je suis tombé amoureux du spot et j’ai décidé de m’installer à Tahiti pour pratiquer la photo aquatique, la photo de mer, de surf et de sports nautiques… », nous raconte-t-il.

« j’ai décidé d’en faire tout mon travail parce que je trouvais le spectacle phénoménal.« 

Le photographe professionnel a voyagé dans de nombreux pays et capturé les multiples ondulations des océans et mers du globe avant de poser ses valises au fenua. La déferlante mythique de Teahupoo l’a « ébloui ». « La vague de Teahupoo est vraiment unique en son genre. Elle offre un tube parfait et c’est très surprenant de voir l’eau prendre ses formes là, de voir une forme cylindrique pareille, c’est réellement exceptionnel. Je trouve ça hyper esthétique. En plus de ça, son autre particularité à Teahupoo, c’est qu’on peut s’approcher très près en bateau et même à la nage parce que, comme elle déroule sur ce petit coin de récif qui ne bouge pas, la vague déroule toujours au même endroit. Et il y a cette faille qui nous permet de s’approcher très près et d’avoir ce point de vue unique contrairement à des vagues comme Pipeline ou autre dans le reste du monde où on va la voir depuis la plage. Même si on va dans l’eau à la nage, la vague n’est pas aussi régulière, on ne peut pas travailler le même type d’angle. Je trouve qu’à Teahupoo en plus, il y a très peu de courant. C’est le studio parfait pour un photographe aquatique, explique-t-il, passionné. Dès que j’ai mis un masque et que je suis allé voir sous la vague de Teahupoo, j’ai été complètement ébloui par ce que j’ai vu et j’ai décidé d’en faire tout mon travail parce que je trouvais le spectacle phénoménal. »

Crédit : Ben Thouard

L’eau, c’est l’élément de Ben depuis sa plus tendre enfance.  Originaire du Sud-Est de la France, il goûte tôt aux plaisirs de la glisse. « Vers l’âge de 7-8 ans, j’ai découvert le surf grâce à mes grands-frères qui m’ont emmené dans les vagues. J’ai adoré le surf. Mon père a toujours eu un voilier donc on a toujours passé les vacances, les week-ends en mer. J’ai toujours eu cette relation avec la mer, très proche. Ma passion première ça a vraiment été ça : la mer, l’océan, l’eau… J’ai toujours adoré passer du temps dans l’eau. La photo n’est venue que plus tard dans l’adolescence ».

Lorsqu’il découvre cet art, son premier réflexe est de tourner son objectif vers les paysages marins, les navires, les surfeurs. Mais, regarder depuis la plage des sportifs glisser sur l’eau amène rapidement de la frustration chez Ben : « j’ai eu envie tout de suite d’aller dans l’eau, au contact, en immersion dans l’élément pour photographier. C’est ce qui me paraissait évident. Quand on photographie du surf, de le faire dans l’eau, c’est encore mieux. » 

Au lycée, il suit, en parallèle de son cursus scolaire, des cours de photo aux Beaux-Arts à Toulon. Puis, son bac en poche, il part pour la capitale. Mais son expérience parisienne est de courte durée : « J’ai fait une école de photo. C’est un cursus qui devait durer 3 ans, mais au bout d’un an et demi j’ai pris un billet pour Hawaii ».

Il convainc alors ses parents de le soutenir dans son projet et passe trois mois dans l’archipel américain.

« Je vivais de rien au début, se souvient-il. Je nageais tous les jours au début pour apprendre à faire des photos, et puis, rapidement, j’ai eu mes premières parutions magazines, j’ai gagné quelques petites parutions, un peu de budget qui m’ont permis de rembourser mes frais et payer une deuxième saison à Hawaii, ainsi de suite. Ça s’est transformé en un vrai métier.  (…) J’ai rencontré du monde, on m’a proposé de voyager autour du monde pour faire des photos de surf et de windsurf, jusqu’à ce qu’on me propose un trip à Tahiti »

« quand j’ai commencé la photo, j’ai eu juste assez de quoi m’acheter un appareil« 

Si le métier de photographe aquatique vous attire, il vous faudra prendre en compte quelques paramètres… : « Aller nager dans des vagues comme Teahupoo, c’est loin d’être évident parce qu’il faut être en bonne condition physique, être sportif. Il faut connaitre la vague pour arriver à se placer, à savoir là où on peut être, là où il ne faut pas être. Et il y a effectivement des difficultés financières parce que le matériel photo coûte cher de base et pour aller faire des images dans l’eau, il faut en plus un caisson étanche. Il faut du matériel qui coûte assez cher, donc ça, je pense que c’est la plus grande barrière pour accéder à ce type d’images. Moi quand j’ai commencé la photo, j’ai eu juste assez de quoi m’acheter un appareil – à l’époque, c’était de l’argentique – un 50 mm, donc un objectif de base. Et je n’avais pas les moyens de m’acheter un caisson étanche. Du coup, je me suis fabriqué mes trois premiers caissons étanches. Mes premières années de photographe, même en étant à Hawaii, même professionnel, j’utilisais des caissons étanches que j’avais fabriqués moi-même parce que je n’avais pas les moyens d’acheter les caissons qui étaient dans le commerce. Même encore aujourd’hui, bien qu’il y ait de plus en plus de solutions et de caissons disponibles, c’est la plus grande barrière. Ça coûte cher et c’est une passion dans laquelle il faut avoir les moyens quand on ne gagne pas sa vie avec et donc la transition du début n’est pas évidente. »

En 2018, le photographe a publié son premier livre, Surface. Le second, intitulé Turbulences, est sorti en 2021. Il travaille aujourd’hui à un troisième album. « Faire des livres et des expositions a été une révélation dans mon travail de photographe », confie-t-il. Mais il faudra encore patienter : « chacun des livres que j’ai sorti m’a pris un peu plus de 4 ans de travail. »

Dans l’œil du photographe

Crédit : Ben Thouard

Durant les intempéries de février, cette photo a particulièrement circulé sur la Toile polynésienne. Ben Thouard raconte : « C’est une photo qui a été prise il y a quelques années à Teahupoo dans la passe, sur le côté droit, suite à une autre tempête, un autre front orageux (…) Il y avait ce fond noir créé par l’orage qui arrivait et l’océan n’était pas encore déchainé. J’ai profité des derniers instants où les vagues étaient encore belles avant que ce soit la tempête et le vent offshore. Ce qui m’a intéressé, c’est le contraste entre la forme de la vague et le fond orageux. » Un cliché sans aucune retouche. Car, si les clichés créés par l’IA envahissent les réseaux, Ben Thouard reste un artiste. « Pour moi, toutes les images que je crée aujourd’hui, c’est un travail de longue haleine, une histoire derrière, une histoire humaine, il y a des raisons à ça et c’est tout un travail de recherche artistique qui doit être pris en considération. C’est sûr que sur un rendu final, l’IA peut copier, s’en inspirer, reproduire. J’espère que l’être humain saura faire la différence et conserver une créativité. »

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