Attaque d’un requin-tigre en 2021 à Rikitea : « une première » au Fenua en 75 ans

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Un article scientifique publié ces jours-ci co-écrit par le vétérinaire Eric Clua revient sur l’attaque d’un requin-tigre dont a été victime un travailleur d’une ferme perlière de Rikitea en décembre 2021. Il ressort de cette publication que les morsures de cette espèce, « à but de de prédation », sont une première en Polynésie en 75 ans. « Il faut rester vigilants, sans basculer dans la psychose », souligne Eric Clua.

Publié le 19/01/2023 à 6:00 - Mise à jour le 18/01/2023 à 15:35

Un article scientifique publié ces jours-ci co-écrit par le vétérinaire Eric Clua revient sur l’attaque d’un requin-tigre dont a été victime un travailleur d’une ferme perlière de Rikitea en décembre 2021. Il ressort de cette publication que les morsures de cette espèce, « à but de de prédation », sont une première en Polynésie en 75 ans. « Il faut rester vigilants, sans basculer dans la psychose », souligne Eric Clua.

Cette publication scientifique fait suite à l’attaque survenue le 22 décembre 2021 à Rikitea au cours de laquelle un travailleur d’une ferme perlière avait été grièvement blessé par un requin-tigre, d’une taille estimée à près de 3 mètres. Les morsures du squale lui ont infligé de multiples plaies mais surtout la perte d’une partie de sa jambe droite, sectionnée sous le genou.

Ce qui interpelle particulièrement les auteurs de l’article, c’est que cette attaque s’est faite « à but de prédation », c’est-à-dire que le requin-tigre en cause s’en est volontairement pris à sa victime alors que l’Homme ne figure pas, habituellement, dans ses habitudes alimentaires. 

« Un requin qui est en compétition, pour se défendre, va mordre mais ne cherche pas à se nourrir. Il ne va pas essayer d’arracher des chairs. Sur Rikitea, le nageur a perdu près d’un tiers de sa jambe (…) Toutes les morsures qu’il y avait jusqu’à maintenant n’étaient pas des morsures où le requin cherche à se nourrir de l’Homme (…) Il y a indéniablement un début d’évolution dans ce que sont les morsures de requins sur l’Homme en Polynésie », explique à TNTV, depuis la métropole, Eric Clua vétérinaire et spécialiste de requins à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.

« Il peut constituer un problème pour l’Homme »

Mais comment expliquer une telle attaque ? « Pour qu’un requin ose, il faut qu’il y ait des prérequis comportementaux très importants » poursuit le Dr Clua, « il faut un requin très audacieux qui aime prendre des risques, ce que ne feront jamais la plupart des requins de la même espèce (…) Mais une fois que ce requin a essayé et que ça a marché, et là c’est le cas, on peut considérer qu’il est dans du renforcement positif et qu’il pourrait recommencer, donc attention (…) Le fait est qu’aujourd’hui un requin a osé et qu’il peut constituer un problème pour l’Homme».

C’est donc davantage la « personnalité » du requin-tigre impliqué, liée à ses gènes, son expérience propre mais aussi à divers facteurs « intrinsèques », que l’espèce à laquelle il appartient, ou des évènements externes, qui pose question.

Eric Clua fait le parallèle avec les « tueurs en série » chez l’Homme : « On ne peut pas dire que ce tueur en série émerge comme ça parce qu’il fait trop froid ou qu’il n’a pas assez à manger. Il y a d’autres facteurs qui relèvent du comportement. On peut avoir un être humain déviant et, de la même façon, un requin déviant. Cela dépend plus de probabilités au sein d’une population donnée ».

« Ce sont des choses que l’on ne voyait pas jusqu’à aujourd’hui »

Alors qu’à la Réunion ou en Nouvelle-Calédonie, où de nombreuses attaques ont été recensées, les autorités appliquent l’abattage de requins sans réelle distinction, Eric Clua préconise, lui, de mettre en place, en Polynésie, un suivi des squales. En premier lieu de ceux s’en étant pris à l’Homme en prélevant leurs ADN sur les morsures des victimes.

« À la Réunion ou en Nouvelle-Calédonie, ils ont tué aveuglement les requins depuis 10 ans. Je ne pense pas qu’il faille basculer dans cette idiotie car ce n’est pas comme ça qu’on va résoudre le problème », estime le co-auteur de l’article. Les prélèvements ADN permettraient selon lui « d’éliminer uniquement les animaux dont on a la preuve qu’ils ont mordu l’Homme ».

« En 2 ans, on a eu 2 morsures de prédation : une par un Parata et l’autre par un requin-tigre. Ce sont des choses que l’on ne voyait pas jusqu’à aujourd’hui. Il faut donc rester vigilants sans basculer dans la psychose », conclut Eric Clua.

Entre 1940 et 2022, 125 morsures de requins sur des humains ont été recensées en Polynésie. Quatre d’entre-elles se sont révélées mortelles.

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