La scène d’affrontements rappelle forcément de mauvais souvenirs dans un pays qui a connu des événements sanglants. Mercredi, près de 500 manifestants ont répondu à l’appel de l’Union calédonienne, le parti indépendantiste le plus important du Caillou. Ils demandaient le retrait du projet de loi constitutionnelle de Gérald Darmanin. Car celui-ci promet d’ouvrir le corps électoral en vue des provinciales de 2024.
« Depuis les accords de Matignon et les accords de Nouméa, il s’agissait de préserver le vote de ce qu’on appelle le peuple premier, les Kanak. On s’était débrouillé pour que le corps électoral soit limité à ceux qui ont vécu plus de 20 ans en Nouvelle-Calédonie et qui étaient donc concernés par le futur. C’est là où l’on peut reconnaitre au FNLKS cette ouverture, puisqu’ils acceptent, par exemple, que tous les autres puissent voter avec eux. Mais ils refusent que tous ceux qui sont arrivés après puissent voter puisqu’ils ne représentent selon les statistiques plus que 41% de la population », explique le politologue Sémir Al Wardi.
A l’image des Territoriales en Polynésie, les provinciales de Calédonie sont un scrutin majeur qui détermine les rapports de force entre indépendantistes et loyalistes, au Congrès et au sein du gouvernement. « Il est évident que le gouvernement a l’intention d’ouvrir le plus possible ce système électoral. Or, le FLNKS ne se laissera pas faire. Tout va se jouer aujourd’hui et ce qu’on voit, ce sont les prémices de ce qu’il peut se passer », analyse Sémir Al Wardi.
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En signe de solidarité avec ses homologues du Caillou, Oscar Temaru a d’ailleurs hissé le drapeau kanak en pleine commission permanente, jeudi, à l’Assemblée. « Ce sont encore des moyens de l’Etat d’utiliser le temps. Le temps joue en sa faveur », estime le leader du Tavini. « Je veux dire à la France, à l’Etat français, de changer sa politique mondiale. Cette politique date du début du 18e siècle. C’est fini cette époque. Il faut rendre à César ce qui appartient à César », ajoute-t-il.
Des compromis encore possibles
Si la tension est palpable aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, les discussions se poursuivent tout de même entre les partis politiques calédoniens. Et selon l’historien Ismet Kurtovitch, des compromis sont encore possibles : « Il y a un contexte de discussions qui continuent, mais, évidemment, les délais se raccourcissent. On parle de fin mars, ou mois de mai, pour conclure un accord politique, au moins dans les grandes lignes ».
Du côté de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), plus ouvert au dialogue, on ne voit pas forcément d’un bon œil la méthode de l’Union calédonienne. Mais le projet de réforme ne convient à aucun parti indépendantiste en l’état.
« Les indépendantistes de l’Union calédonienne ne veulent pas du projet de réforme de la constitution à l’instant T. parce que les discussions ne sont pas terminées. Le Palika est d’accord pour le gel du corps électoral à dix ans, moyennant certaines conditions. Là, on est en pleines négociations sur cette question et aussi sur les conditions pour déclencher un nouveau référendum d’autodétermination », ajoute Ismet Kurtovitch.
Actuellement ouvert aux seuls natifs et résidents arrivés avant 1998, le corps électoral devrait être revu fin mars par l’Assemblée nationale.