Sommet des îles du Pacifique : des enjeux géostratégiques pour la Polynésie

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À Washington, le Sommet des îles du Pacifique se déroule sur fond d’accroissement des tensions entre grandes puissances de la zone indo-pacifique. Dans ce contexte, quid de la position de la Polynésie française et de la France, qui prône officiellement la voie de la "neutralité".

Publié le 30/09/2022 à 11:13 - Mise à jour le 30/09/2022 à 13:50

À Washington, le Sommet des îles du Pacifique se déroule sur fond d’accroissement des tensions entre grandes puissances de la zone indo-pacifique. Dans ce contexte, quid de la position de la Polynésie française et de la France, qui prône officiellement la voie de la "neutralité".

Située entre l’Afrique et l’Indonésie, au sud de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde et des portes de la Chine, la zone Indo-Pacifique est devenue le centre de gravité stratégique, économique et financier du monde, où passe 25 % du trafic maritime mondial.

Jean-Marc Régnault, spécialiste de la question, a vu la situation géopolitique de la zone évoluer très fortement au cours des derniers mois. Pour l’historien, le sommet des îles du Pacifique à Washington montre que la Polynésie n’est plus à l’écart des conflits qui agitent les grandes puissances.

« Désormais, les conflits sont tels que plus aucun pays ne peut demeurer à l’écart et ne peut même être libre de ses choix, observe Jean-Marc Regnault. On se rend compte qu’il faut stopper cette avancée si on veut garder un certain nombre d’avantages que nous avons, à savoir une relative liberté… »

La politique expansionniste de Pékin

La mer de Chine fait l’objet de nombreuses rivalités notamment autour des archipels Spratleys et Paracels. La Chine, qui revendique le plus vaste espace, renforce sa présence dans les zones disputées (incursions militaires, bétonnage des récifs), tout comme ses voisins.

Ces dernières années, la Chine a multiplié les démonstrations de force en mer de Chine méridionale, mais également en Océanie. Les incidents sino-américains sont de plus en plus fréquents : interceptions régulières d’avions de surveillance américains par les chasseurs chinois, protestations systématiques lors de patrouilles de bâtiments américains, notamment quand ceux-ci pénètrent dans les 12 miles nautiques des îles artificielles bâties par la Chine…

Conséquences de ces tensions accrues dans la zone : le renforcement des moyens militaires en Polynésie a commencé. « Le fait de renforcer le côté militaire de l’indo-pacifique ici en Océanie et surtout sur les territoires français, c’est une logique qui répond justement à cette militarisation de la Chine, note Sémir Al Wardi, politologue. La Chine dispose aujourd’hui d’une marine extrêmement performante. C’est pour cela que les États indo-pacifiques doivent eux aussi démontrer qu’ils possèdent une force importante sur le terrain ».

Durcissement des positions américaines

Dans le Pacifique, les américains disposent eux de leur grande base navale de Pearl Harbor, dans l’île d’Oahu à Hawaï, siège de la Flotte du Pacifique. Parmi les autres bases de l’US Navy dans le Pacifique, on peut citer Yokosuka au Japon (7ème flotte), ou l’île de Guam (archipel des Mariannes). Les bâtiments américains peuvent également utiliser les infrastructures de la base de la marine singapourienne de Changi et relâcher dans les ports d’autres pays de la région.

Le 15 septembre 2021, les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni annonçaient une nouvelle alliance militaire pour contrer l’expansionnisme chinois, l’AUKUS (pour Australia – United Kingdom – United States). Un outil de renseignement puissant étendu aux pays anglo-saxons, notamment Canada et Nouvelle-Zélande.

Lire aussi : Face à la Chine, Washington accroît sa présence dans le Pacifique Sud

Le Sommet des îles du Pacifique de Washington s’inscrit dans cette lignée de présence militaire américaine accrue dans la zone. Avec le Sommet, le signal envoyé aux américains est celui de l’unité des pays membres du forum du Pacifique, qui ont signé une déclaration commune à Washington. Quant à la France, historiquement, elle ne s’aligne pas totalement avec les États-Unis en matière militaire.

Après Edouard Fritch et les membres du Forum du Pacifique, c’est Emmanuel Macron qui rencontrera Joe Biden à Washington début décembre : « Il y a deux visions de l’indo-pacifique. Les États-Unis dans une logique de surpuissance considèrent que ça ne peut se passer que dans une logique de blocs, alors que la France préfère une « troisième voie », rappelle Sémir Al Wardi. Les États-Unis ne l’entendent pas ainsi. C’est pour cela qu’ils ont l’AUKUS, une entente militaire. Il faudrait que Biden arrive à convaincre Macron, mais dans la tradition française de cette troisième voie, ce sera assez délicat ».

Au delà de cette tradition, la France s’inquiète. Officieusement, les amiraux de la marine française ne cachent pas leur inquiétude quant à l’avenir de l’Océanie : « Ils envisagent, comme les services secrets américains, un conflit qui se prépare entre la Chine et Taïwan pour 2025 », conclut Jean-Marc Regnault

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