La chambre territoriale des comptes enjoint l’hôpital d’engager des réformes indispensables

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Publié le 27/01/2019 à 0:04 - Mise à jour le 27/01/2019 à 0:04

Le rapport d’observations définitives de la chambre territoriale des comptes est un document de 70 pages qui pointent sans concession la gestion de l’hôpital de Taaone entre 2013 et 2018. La chambre regrette notamment que ses recommandations publiées lors du précédente rapport « ont été, dans l’ensemble peu suivies ».
Sur toutes les questions soulevées par les magistrats enquêteurs, la direction de l’hôpital et le président du Pays ont répondu point par point, souvent d’accord avec les constats, et s’engageant à réaliser les réformes nécessaire au bon fonctionnement du CHPF. Ce dont la chambre « prend le plus grand acte » dans sa conclusion.
 
Capacité d’accueil en baisse. Le premier constat dressé par le rapport fait état d’une progression sensible de l’activité du CHPF depuis son déménagement au Taaone alors même que sa capacité d’accueil n’a augmenté « que » de 18% par rapport à Mamao tandis que sa surface a plus que triplé (de 30 000 m2 on est passé à 100 000). Selon les juges ce résultat « résulte du parti architectural retenu avec une conception du bâtiment en longueur. » Surtout, le taux de remplissage du CHPF augmente du fait du peu de développement des filières d’accueil post-hôpital et « d’interactions largement perfectibles avec les autres acteurs de santé du territoire ». Amené à prendre en charge des pathologies mineures et des « soins de suite » le CHPF, selon le rapport, ne parvient pas à réduire sa durée moyenne de séjour dans des proportions qui permettraient de préserver sa capacité d’accueil et son plateau technique aux pathologies aigues nécessitant son expertise ». En conséquence certains services, comme la psychiatrie, souffrent d’une capacité d’accueil sous tension.
 
Une situation financière en dégradation constante. Alors que les projets stratégiques rendent impératifs que le CHPF investisse (renouvellement des équipements, projet de SWAC,  gestion des ressources humaines, développement de l’activité ambulatoire…) la chambre constate « une situation financière défavorablement orientée et en dégradation constante de plus en plus rapide sur la période observée ». En 2017 le CHPF présentait un budget de 22 milliards de francs avec un résultat d’exploitation déficitaire de 874 millions qui devrait grimper à 1,5 milliard en 2018. La CTC enjoint l’hôpital à adopter un outil comptable des établissement publics de santé… ce qu’elle recommandait déjà dans le précédent rapport. La chambre pointe du doigt l’absence d’une comptabilité analytique fiable. Elle dénonce aussi de nombreuses légèretés dans les comptes, comme ces 714 millions de francs de factures à payer, mais non parvenues, qui, au fil des années, faussent les comptes. La chambre regrette également que le Pays doivent régulièrement faire des avances de trésorerie à cause du retard des paiements de la dotation globale de fonctionnement par la CPS.
 
Une organisation des ressources humaines largement perfectible. Parmi les défaillances de gestion, celle des ressources humaine est largement dénoncée par le rapport. Au premier rang desquelles la difficulté de recruter des médecins dans d’autres hôpitaux de France ou des DOM pour des problèmes de statut. « Il est inconcevable, note la chambre, que (ce problème) n’ait connu aucune avancée alors que le CHPF souffre de difficultés de recrutement ». Le rapport dénonce également la petite taille des services (défendue bec et ongles par les chefs de services), qui empêche toutes mutualisations et économies et engendre des dépenses inutiles, comme un déploiement quasi identiques des effectifs de jour et de nuit dans tous les services, souvent sans aucune pertinence médicale. Ce système, ainsi que celui de la journée continue (abandonné dans la plupart des établissements hospitaliers) engendre une hémorragie des heures supplémentaires pour un montant moyen de 564 millions de francs sur la période de l’enquête. Côté recrutement, le rapport dénonce également des pratiques illégales comme ces praticiens régulièrement embauchés en CDD alors qu’ils continuent d’être rémunérés par leur hôpital d’origine ! Le temps de leur congés, ils viennent en Polynésie et perçoivent donc un double salaire… La chambre déplore également l’explosion du nombre de gardes et d’astreintes (déjà dénoncée dans le précédent rapport) : « Quatre ans après les conclusions de la CTC, aucun travail d’optimisation des lignes de gardes et d’astreintes n’a été soumis au conseil d’administration ». La CTC dénonce ce système mis en place « dont l’optimisation n’est pas tournée vers la santé mais vers une augmentation injustifiée de la rémunération de quelques médecins ». D’une manière générale, le rapport estime que « l’architecture institutionnelle du CHPF donne aux chefs de service un pouvoir ne permettant pas à l’établissement de se réformer comme il le devrait. » La chambre regrette par ailleurs que le CHPF ne soit pas doté d’une commission de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts.
 
Un bâtiment qui vieillit prématurément. « Alors qu’il n’a pas encore dix ans, écrit la CTC, le bâtiment occupé par le CHPF présente un vieillissement prématuré (…) et de nombreuses malfaçons », sans compter son caractère énergivore. A ce propos la CTC regrette que le projet du SWAC ait mit autant de temps à se mettre en route alors qu’il était prévu dès la conception du bâtiment. « Le bâtiment présente une usure rapide résultant d’erreurs majeures de conception pour un patrimoine immobilier en milieu tropical, détaille le rapport. Le bloc opératoire et la réanimation subissent des infiltrations (…), c’est également le cas des toitures terrasses, d’ordinaire bannies des constructions en Polynésie française du fait des fortes précipitations. Leur couverture partielle représenterait un coût estimé à 221 millions de francs. » Dans les sous-sols, le rapport révèle que les pompes de relevage vident quotidiennement 300 m3 d’eau. Une action contentieuse sur toutes les malfaçons par le Pays n’a été introduite qu’en 2018. Selon un audit de 2017, « le traitement de l’ensemble des éléments de structure représenterait un montant autour de 200 à 300 millions de francs. » Le rapport revient aussi sur la fragilité de la dalle de béton sur laquelle est construit le « centre 15 ». Aujourd’hui vide, son coût de démolition se monterait à 1,3 milliards de francs, tandis que le CHPF paye aujourd’hui 1,8 millions de francs par mois en dépense d’entretien…
 
Étendre le périmètre du centre de traitement de l’alerte – En Polynésie, seules 28 communes sur les 48 sont dotés d’un centre de secours. Quelle que soit la gravité de l’urgence médicale, la plupart des patients sont orientés vers le CHPF. En 2006, note la CTC, une ordonnance prévoyait la création d’un établissement de gestion des urgences. Douze ans plus tard, seules Arue et Pirae ont mutualisé leurs SAMU et leurs pompiers au sein du CHPF. La CTC recommande d’étendre au plus grand nombre possible de communes cette mutualisation pour rationaliser le traitement des appels et désengorger ainsi les urgences.  
 
Un statut inadapté – Établissement public à caractère administratif, le CHPF est « gouverné » par son conseil d’administration. Ce dernier est présidé par le ministre de la Santé et plusieurs membres du gouvernement y siègent. Une anomalie pour la CTC qui recommande de « clarifier les rôles du CA et de l’autorité de tutelle » et de ne plus voir siéger des membres du gouvernement au CA. La CTC recommande d’adopter pour l’hôpital un statut d’établissement public de santé afin « d’améliorer sa gestion au travers d’une gouvernance plus adaptée et à un financement enfin normalisé. »
 

Bertrand Parent 

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