Grève : Plus d’un millier de manifestants à Papeete, le mouvement suivi dans les îles

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Ils étaient des centaines à défiler dans les rues de Papeete, menées par trois grandes formations syndicales, pour exprimer leurs inquiétudes face à l’augmentation du coût de la vie. Mise en place de la TVA Sociale, gel de l’ITR... les ménages polynésiens redoutent de ne plus pouvoir faire face à leurs dépenses du quotidien.

Publié le 17/03/2022 à 15:52 - Mise à jour le 18/03/2022 à 14:16

Ils étaient des centaines à défiler dans les rues de Papeete, menées par trois grandes formations syndicales, pour exprimer leurs inquiétudes face à l’augmentation du coût de la vie. Mise en place de la TVA Sociale, gel de l’ITR... les ménages polynésiens redoutent de ne plus pouvoir faire face à leurs dépenses du quotidien.

« On se lève, on ne peut pas se taire » déclarait ce matin Diana Yieng Kow, secrétaire générale du STIP/AEP-UNSA Education. Plusieurs établissements scolaires de Tahiti et des îles étaient fermés ce jeudi. La baisse du pouvoir d’achat est déjà effective, mais la perspective de la mise en place de la TVA sociale, dans 15 jours, fait craindre, aux syndicats, une envolée du coût de la vie.

Dans les rues de Papeete, ils étaient plus d’un millier à avoir répondu à l’appel des syndicats. « Je remercie les manifestants car tout se passe calmement, dans une bonne ambiance. La manifestation est bien organisée de la part des syndicats, avec leur service de sécurité.  Il y a environ 1 500 personnes » a déclaré Mario Banner, directeur de la sécurité publique. « J’estime qu’on est au moins 3 000 personnes à s’être mobilisées ici aujourd’hui, sans compter ceux qui sont restés chez eux, ou ceux dans les îles. Pour une intersyndicale qui s’est formée il y a une semaine, je trouve que c’est vraiment pas mal. Si on obtient pas satisfaction, je pense qu’on va aller crescendo, et je pense que les autres collègues qui n’ont pas pu se joindre à nous viendront à ce moment-là. On va parler au haut-commissaire de l’ITR, de la problématique de la paupérisation des fonctionnaires de catégorie C, de la retraite à moins d’un Smic, et d’une aide possible de l’Etat pour compenser cette TVA sociale. Je compte sur le haut-commissaire pour être un porte-parole au niveau du gouvernement » a ajouté Diana Yieng Kow.

Vers une deuxième manifestation ?

« Pour nous, cette TVA sociale n’en est pas une, c’est plus une taxe qui vient s’ajouter à toutes les taxes déjà mises en place. On a rencontré les patrons hier qui s’accordent tous pour dire que ça va flinguer l’économie du pays. Il faudrait la faire sauter ou la faire baisser. (…) Avec l’inflation, avec la hausse des prix qu’on a subi dernièrement… cette taxe va venir alourdir les ménages et appauvrir nos familles. Avec 1 000 Fcfp, on achète plus la même chose au mois de décembre qu’au moins de mars. (…) C’est une première manifestation, et ça ne sera peut-être pas la dernière » indique Temarama Varney, secrétaire général du syndicat des enseignants de l’UNSA.

« Depuis octobre, on discute avec Raffin, à chaque fois, on a fait des propositions écrites, mais il n’écoute pas… (…) Si jamais il ne nous écoute toujours, il y aura d’autres mobilisations, car il y a des solutions, on demande pas de faire ce qu’on veut mais juste de travailler ensemble » a déclaré Piko Tu Yan, secrétaire général de A Tia I Mua.

« Le pouvoir d’achat baisse. On est tous inquiets. Il faut se mobiliser » confie Arsène, l’un des manifestants. « Je suis là pour défendre mon droit de grève déjà, et surtout car on pense à tous ces gens qui travaillent dans l’éducation depuis des années et n’auront plus d’ITR. Nous, on a eu la chance de le savoir en entrant dans l’éducation et de préparer notre retraite, mais par solidarité pour les autres, on est là. On contribue nous aussi à l’économie, on fait des prêts, on paie des études à nos enfants… et c’est vrai que pour l’instant on est des privilégiés et on a des salaires que tout le monde considère haut, mais on travaille aussi beaucoup, même pendant les vacances, et c’est mérité. Et plus tard, notre retraite sera calculée non pas sur notre salaire entier, mais sur celui de la France qui est à peu près de la moitié » ajoute Ariimihi, une autre manifestante. « Ce qui m’inquiète, c’est l’avenir de nos enfants. Jusqu’où le gouvernement actuel veut qu’on aille ? Je crains qu’on revive 1995. J’ai l’impression qu’on s’en fout de nous. Ils disent, ils imposent, et nous écoutent pas » admet une autre manifestante.

Le SPCHDT/CSTP-FO, la FGF FO Polynésie et le SNETAA FO Polynésie avaient quant à eux choisi de ne pas participer, estimant qu’une » journée de grève “c’est limiter l’action syndicale revendicative pour l’intérêt collectif” » et qu’il vaut mieux « se fédérer » avec d’autres syndicats d’outre-mer.

Le mouvement a également été suivi dans les îles. À Raiatea, 80 manifestants sont descendus dans les rues de Uturoa pour manifester contre la taxe sociale et la cherté de la vie. Le mouvement de grève, encadré par les différents délégués syndicaux de l’île sacrée, a démarré place Tamatoa direction les locaux de l’Etat en passant par le centre-ville. Pour les manifestants, l’impact d’une hausse des prix aura d’autant plus d’effet dans les îles, éloignées de Tahiti.

Selon les représentants syndicaux, plus de 80% des enseignants des écoles élémentaires de l’île ont suivi la grève.

Des grévistes ont été recensés à Takaroa, Hao, Mataiva, Tubuai, Bora Bora, Rikitea, Tahaa, Ua Huka, Ua Pou, Raiatea, Puka Puka, Rimatara ou encore Hiva Oa.

Le gouvernement reçoit l’intersyndicale

D’abord accueillis par le haut-commissaire, l’intersyndicale a au moins reçu la garantie d’un suivi du dossier ITR. Mais les syndicats ont également sollicité la solidarité nationale pour compenser la pression inflationniste à l’horizon. Elle a ensuite été reçue par le vice-président Jean Christophe Bouissou, le ministre des Finances et de l’Économie en charge de la PSG, Yvonnick Raffin, la ministre de l’Éducation et de la Modernisation de l’administration, Christelle Lehartel, et Virginie Bruant, ministre du Travail et des Solidarités.

Le gouvernement a écouté les revendications des grévistes : soit le report de la TVA sociale, sinon une TVA à 1,5% mais déductible, ou encore la révision des tranches de taux pour les non-salariés. Mais ils se sont, une nouvelle fois, étonnés d’un mouvement arrivant sur le tard, alors que la loi a été votée à l’Assemblée au mois de décembre. Les ministres ont rappelé que : « le seul souci du gouvernement est de protéger les acquis sociaux et de préserver le pacte social que constitue la PSG, rappelant que le dispositif fiscal n’avait pas d’autres objectifs que d’assurer la continuité des prestations, le maintien des retraites, du minimum vieillesse et des prestations de santé qui sont aujourd’hui menacés, et de ne pas porter atteinte au niveau de soin ».

Concernant l’inflation, le gouvernement a rappelé que l‘inflation est importée car la Polynésie subit l’augmentation des coûts du pétrole, du transport, et des matières premières, comme tous les pays du monde actuellement. L’inflation subie n’est donc pas la conséquence des décisions du gouvernement. Pour rappel, le gouvernement a décidé d’exonérer les matériaux de construction pour ne pas impacter le BTP, et a décidé d’un bouclier tarifaire en ne répercutant pas à la pompe les récentes hausses des carburants consécutives à la guerre en Ukraine. C’est ainsi que l’essence et le gasoil en Polynésie française sont bien moins chers qu’en métropole ou en Nouvelle Calédonie, par exemple.

La hausse des prix résulte de l’inflation importée et non de la TVA sociale comme on l’entend à tort, puisque celle-ci n’est pas encore applicable. Le gouvernement a indiqué à la délégation syndicale qu’il souhaitait vérifier que la hausse des prix constatée n’est pas aggravée par certains commerçants peu scrupuleux qui seraient tentés d’anticiper l’application de la CPS en augmentant leurs marges avant son entrée en application. Comme cela a été rappelé hier à l’issue du conseil des ministres, le gouvernement a indiqué aux responsables du mouvement syndical qu’il était déterminé à accentuer les contrôles, et que les effectifs des contrôleurs de la Direction générale des affaires économiques (DGAE) seront renforcés pour pouvoir les déployer à plus grande échelle. Les abus seront sanctionnés et poursuivis, a rappelé le ministre des Finances. Yvonnick Raffin a également rappelé que le gouvernement prévoyait un « plan Marshall » sur les prix, une série de mesures et de boucliers pour contrer les effets de l’inflation, en complément des dispositions déjà prises.

Il a enfin demandé aux responsables syndicaux présents, ce qu’eux-mêmes avaient à proposer comme solution pour lutter à la fois contre l’inflation constatée et maintenir à flot les comptes de la PSG. L’intersyndicale a assuré qu’elle n’était pas opposée à la Contribution Pour la Solidarité, mais elle souhaite que cette TVA sociale soit déductible afin d’en limiter les effets inflationnistes.

« Le ministre en charge de la PSG campe sur ses positions. Le vice-président semble avoir une décision différente. Mais comme c’est une décision collective du conseil des ministres, on attend qu’ils débattent entre eux et qu’ils prennent une décision collective » a indiqué Dimitri Pitoeff, du syndicat A ti’a i mua, à la sortie de la réunion.

Un conseil des ministres extraordinaire aura bientôt lieu : « ils nous ont dit d’attendre les annonces » a déclaré Diana Yieng Kow. En fonction des décisions prises lors de ce futur conseil des ministres, l’intersyndicale décidera de la suite des actions à mener.

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