Pas de réanimation à l’hôpital de Moorea, ni de personnel spécialisé, mais deux lits de soin intensifs équipés depuis peu de respirateurs. De quoi optimiser l’oxygénation « non invasive » des patients, mais pas de prendre en charge la ventilation des poumons. En cas de détresse respiratoire sévère, il faut donc évacuer vers l’hôpital du Taaone.
Mais avec ses 210 hospitalisations en filière Covid, le CHPF n’est plus en mesure d’accueillir d’evasan, si ce n’est au compte-goutte. « Certains patients ne pourront pas être transférés en réanimation à Papeete, comme cette dame que nous avons accueillie » déplore le médecin chef Philippe Biarez.
Ici aussi, le taote a tenté de repousser les murs pour gagner quelques lits : de 13 en temps normal, la petite structure en a gagné six de plus pour un total de 19 lits. « On ne pouvait pas faire plus parce que l’hôpital est en chantier depuis un an » justifie le médecin chef.
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Preuve d’un afflux des patients, les dix lits consacrés au seul secteur Covid sont déjà tous occupés. « Sur ces dix patients-là, nous en avons deux qui sont dans une situation critique -voire très critique- pour lesquelles nous sommes en négociation avec la réanimation du CHPF. » indique taote Biarez.
Et la liste d’attente des candidats au service de réanimation s’allonge. Une priorisation qui pèse sur les chances de survie. « Ça veut dire qu’on va mettre certains en premier et d’autres après. Mais l’après peut durer très longtemps et à un moment donné des gens peuvent décéder bien sûr. (…) Certains ne pourront probablement pas être transférés » reconnaît le médecin. « On va essayer de suppléer au besoin de réanimation en faisant du soin intensif le plus possible mais avec du personnel non spécialisé ».
« Il ne faut pas se voiler la face. La qualité du soin a déjà diminué un peu, voire beaucoup dans certaines situations ».
– Dr. Philippe Biarez
Car ici aussi le personnel vient à manquer. Une quinzaine d’infirmières et d’aides-soignants encadré de trois médecins se relaient 24H/24 à l’hôpital. Et ce n’est pas tout puisqu’en parallèle, il faut poursuivre la vaccination et les prélèvements. « Il faut faire tout ça en même temps » sourit le médecin, derrière son masque et sa visière de protection.
Alors que le pic épidémique n’est pas encore atteint, Philippe Biarez n’écarte pas une saturation de son service dès les prochains jours. Le cas échéant, il envisage déjà de déployer des « hôpitaux de campagne », comme dans une salle omnisport, pour accueillir les patients non covid en particulier. Mais le docteur le sait : si l’hôpital devait déborder sur des postes de soin provisoire, la qualité de la prise en charge devrait mécaniquement se dégrader.
« Bien évidemment, on ne pourra pas être aussi optimum pour soigner les gens à ce moment-là » prévient le médecin. « Il ne faut pas se voiler la face. La qualité du soin a déjà diminué un peu, voire beaucoup dans certaines situations. Et si les besoins augmentent et que l’afflux de patients continue, la dégradation aussi va continuer. Il faudra encore du monde et on sera obligé de faire appel à des bénévoles là encore, très sérieusement, pour pouvoir tenir le coup ».
« Ce n’est pas juste une crise du covid, c’est une crise pour tous les autres malades, tous les autres risques ».
– Dr. Philippe Biarez
Pour éviter d’en arriver là, l’hôpital tente de fluidifier les entrées et sorties des patients Covid. Une fois stabilisés, les convalescents sont donc renvoyés chez eux, mais à deux conditions : pouvoir se passer d’oxygène, sinon en petite quantité. « Nous avons la possibilité de prescrire de l’oxygène à domicile » précise Philippe Biarez.
Le rétablissement à domicile implique surtout de pouvoir s’isoler, afin de ne pas contaminer ses proches à leur tour. Dans le cas contraire, l’hôpital a monté avec l’aide de la commune de Moorea un « centre communautaire de soin » de 20 places, dont 16 sont déjà occupées. « Nous pouvons y placer des personnes en sortie d’hospitalisation qui auraient besoin d’oxygène ou qui ne pourraient pas être isolés à domicile sans mettre les autres, et notamment des personnes fragiles, en danger » souligne le médecin.
Pas de doute pour lui, ce type de structures permettraient non seulement de soulager les hôpitaux de Tahiti, mais surtout de freiner la propagation. « Du fait de la précarité sociale, beaucoup de familles en difficulté se retrouvent avec beaucoup de monde dans la maison avec l’impossibilité de s’isoler, la contamination se fait alors très rapidement ».
« Si toutes les familles sont vaccinées, on va pouvoir s’occuper des gens malades, de leur proche ».
– Dr. Philippe Biarez
Afin de soulager ses effectifs, l’hôpital de Moorea lance un appel aux bénévoles sur la page internet de la commune pour venir en renfort notamment sur la partie logistique et administration. Le médecin chef insiste plus que jamais sur l’importance de soigner sa santé par les temps qui courent.
« C’est un des messages forts à faire passer : cette crise, ce n’est pas juste une crise du covid, c’est une crise pour tous les autres malades, tous les autres risques. Faisons attention, ne prenons pas de risques, pour ne pas avoir d’accident par exemple », assène le médecin. « On ne peut plus se permettre d’être malade. C’est ça le vrai message et c’est un message positif parce que ça rappelle à tout le monde qu’être en bonne santé, ça fonctionne ».
Une seule personne vaccinée s’est retrouvée à ce jour aux urgences de Moorea : le médecin encourage la population à se rendre dans les centres de vaccination. « Ce que je demande aux gens de Moorea, c’est d’avoir du courage pour passer au-dessus de cette peur pour venir se faire vacciner. Et je les remercie pour ça, parce que c’est comme ça qu’on va s’en sortir » poursuit le taote.
« Je le rappelle : si toutes les familles sont vaccinées, on va pouvoir s’occuper des gens malades, de leur proche. C’est ça qu’il faut comprendre. Qu’on ne va pas pouvoir s’occuper correctement des gens malades pour d’autres raisons que le covid ».
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