Tearii Alpha non vacciné : « la loi prévoit ces cas » déclare Edouard Fritch

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Covid, obligation vaccinale, emploi, transition alimentaire, ONU : le président Edouard Fritch était l'invité de nos journaux jeudi. Son interview complète :

Publié le 15/10/2021 à 14:39 - Mise à jour le 15/10/2021 à 14:42

Covid, obligation vaccinale, emploi, transition alimentaire, ONU : le président Edouard Fritch était l'invité de nos journaux jeudi. Son interview complète :

Des allègements vont être appliqués. Cela annonce une stabilisation de la situation sanitaire ?
« C’est en tous les cas ce que nous indiquent les chiffres. il faut toujours déplorer ces décès (…) mais les chiffres sont dans une bonne tendance. C’est la raison pour laquelle, avec le haut-commissaire, nous avons estimé qu’il était peut-être aujourd’hui possible de libérer un petit peu plus les contraintes qui nous ont été imposées depuis le début de cette pandémie. Nous n’allons pas encore retrouver une vie normale. Il nous faut encore un petit peu de temps. J’espère que sous un mois nous pourrons vivre normalement. C’est aussi la raison pour laquelle nous pensons à ce pass sanitaire qui pourrait peut-être accélérer les choses et permettre que dans les restaurants il n’y ai plus de jauge. Aujourd’hui nous passons de 6 personnes à 8 personnes dans les restaurants avec les distanciations d’usage. Mais bien sûr que je suis comme vous. Je souhaite et j’ai envie de retrouver une vie comme on a toujours connu. Donc on va alléger un petit peu. Tout en observant l’évolution de la maladie. »

Avant d’en arriver à l’application du pass sanitaire, on revient sur l’obligation vaccinale. Vous avez annoncé le report de cette obligation. Vous parliez de la complexité de son application. Comment allez-vous mettre à profit ces deux mois de répit ?
« (…) Effectivement je crois que nous avons besoin, et nous allons commencer dès la semaine prochaine, de séances d’explication sur l’application de cette loi parce que c’est vrai qu’elle est non seulement difficile mais nous allons au travers de cette loi, être en contact avec des informations qui sont des informations protégées. Le dossier médical d’une personne est une information qui est secrète. Dans les circuits qui vont être mis en place, que nous avons adoptés la semaine passée, nous allons mieux expliquer, d’abord la portée de cette loi parce qu’on entend tout dire en ce moment, y compris que les enfants seraient vaccinés. C’est faux. C’est vraiment lié (la loi sur l’obligation vaccinale, NDLR) à ces salariés qui sont en contact le public. Nous dans l’administration, toutes ces personnes qui reçoivent le public pour la constitution de dossier, pour les informations, nous estimons qu’ils doivent être vaccinés, qu’ils ne soient pas les vecteurs de ce virus. »

Certaines personnes peuvent se soustraire à cette obligation ?
« Non, ils ne pourrons se soustraire. C’est l’obligation de la loi. Après c’est à nous, c’est à l’administration, c’est aux patrons à se réorganiser en fonction du fait qu’il a, au sein de son entreprise, quelqu’un qui n’est pas vacciné. Bien sûr qu’il y a des sanctions et c’est surtout cela que j’ai souhaité repousser puisque ces sanctions devaient débuter au 23 octobre. Ces sanctions sont repoussées au 23 décembre mais c’est plus pour mieux expliquer le fonctionnement de cette loi que nous l’avons fait. Je le rappelle ici : les amendes qui sont appliquées ne vont pas servir à venir soulager le budget du Pays. Ce n’est pas l’objectif. Ces amendes effectivement, qui sont lourdes je le reconnais, viennent plutôt stimuler les gens à aller se mettre en conformité par rapport à cette loi qui est applicable à tout le monde bien sûr, c’est-à-dire aux salariés qui sont en contact avec le public. »

Revenons à Tearii Alpha justement qui se soustrait à cette obligation en justifiant d’un statut biologique particulier…
« La loi prévoit ces cas. Comme on l’a dit et on le redit, il y a des personnes qui ne peuvent pas être vaccinées ou qui ne supportent pas le vaccin. Un certificat médical vient le prouver. Je pense que à terme, et c’est la même chose pour ceux qui ont été covidés, le délais de protection prévu lorsqu’on a été covidé est de 6 mois. Au-delà de 6 mois, les personnes sont contraintes et doivent aller se faire vacciner. La loi le prévoit comme tel. »

Malgré les déclarations de la veille, la population et les médias sont braqués sur les polémiques autour du pouvoir politique. Pensez-vous qu’il y a une crise politique aujourd’hui au fenua ?
« Non il n’y a pas de crise politique. Regardez le nombre de personnes qui sont allées se faire vacciner. On est à 155 000. Je crois que ça représente environ 70% des hommes et femmes majeurs de ce Pays. C’est vrai qu’il n’est pas suffisant. Il faut aller encore plus loin. (…) Je le rappelle ce n’est pas pour vous embêter, mais aujourd’hui c’est tout ce que la science peut nous fournir, c’est le moyen de se protéger le vaccin. Il y aurait eu autre chose, bien sûr on aurait ouvert les portes. Comme je n’ai jamais interdit que les médecins de ce pays utilisent des médicaments qui effectivement peuvent laisser des doutes dans l’esprit. Je n’ai rien interdit. Nous n’avons rien interdit. Ni le ra’au Tahiti d’ailleurs puisque moi même j’en ai pris lorsque j’étais covidé. Mais ce qu’il faut aujourd’hui c’est être réaliste. Qu’est-ce qui peut nous protéger ? Parce que comme vous le dites aussi, nous nous attendons à une nouvelle vague dans les mois à venir. Donc il nous faut aujourd’hui éviter ce que nous venons de connaître avec plus de 450 morts en l’espace d’un mois. C’est énorme. Je ne veux plus ce genre d’expérience donc il faut nous protéger. »

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Le budget pour l’emploi est passé de 5 milliards en 2019 à 15 milliards cette année. Le bus de l’emploi et de la création d’entreprise est une alternative pour soutenir l’emploi ?
« C’est un moyen supplémentaire pour faciliter l’accès à l’emploi à nos Polynésiens et Polynésiennes qui effectivement, et on s’en rend compte de plus en plus, ont du mal à accéder à l’information, ont du mal à accéder à ce qui est nécessaire et suffisant pour créer son emploi et créer son entreprise. Donc avec la Chambre de commerce (…), le Pays et la CPS, nous avons mis en place ce moyen d’aller vers les demandeurs d’emploi, d’aller vers ceux qui ont envie de s’en sortir et de se battre. »

L’emploi est en grande difficulté. l’enveloppe a triplé…
« Oui l’emploi est en grande difficulté mais il faut aussi être clair : ce budget a explosé du fait de nos confinements successifs. Vous savez que nous avons soutenu par le biais du Diese aussi certains salariés qui ont perdu tout ou partie de leur salaire. Nous avons créé environ 500 guides sanitaires. Nous avons multiplié les CAE parce que effectivement, les familles étaient dans l’attente de quelque chose et les familles avaient besoin de cet argent pour vivre. Donc, ce qu’il faut maintenant et c’est l’objet de notre réflexion et ce sont les moyens qui sont mis en place, c’est que nous ne pouvons pas indéfiniment accroitre cette enveloppe. Donc il faut maintenant optimiser l’utilisation de toutes ces aides qui sont données à nos compatriotes pour que ces aides soient effectives et soient efficientes, efficaces. Il faut que derrière toutes ces aides il y ai effectivement création d’emploi ou création d’entreprises. Mais on ne peut plus se permettre de soutenir 2 ans et de les abandonner au bout des deux années. »

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Dans quelques jours débuteront les débats sur le budget général du Pays. Vous y avez inclus des orientations pour changer en profondeur la société polynésienne. Quelles sont elles ?
« Un des sujet et c’est important, (…) c’est la transition alimentaire car effectivement, l’expérience du covid nous a montré que nos citoyens polynésiens sont en très mauvaise santé. 70% de personnes en situation de surpoids, je suis en situation de surpoids, plusieurs d’entre nous sont en situation de surpoids, et donc il nous faut aujourd’hui réviser notre alimentation, réviser nos comportements vis à vis de l’alimentation. Donc c’est la raison pour laquelle ces ateliers ont été ouverts mais ça fait maintenant 4 ans pratiquement que nous avons mis cette machine en route puisque vous le savez déjà, dans certaines cantines scolaires nous accompagnons les maires puisque c’est leur volonté avant tout de nourrir nos enfants en cantine de produits qui viennent du terroir. Il y a un ma’a Tahiti pratiquement dans toutes les cantines scolaires une fois par semaine. Donc il faut accélérer mais il faut surtout une forte volonté politique comme il vient d’être dit pour que ça devienne une réalité. (…)
Il y a le problème de la suffisance alimentaire, cette fameuse autonomie alimentaire qui est souhaitée par tous les politiques. Depuis des années on en parle. Mais il y a surtout la qualité de cette alimentation et la qualité de cette alimentation c’est le sujet qui a été développé (lors de la table ronde sur la transition alimentaire, NDLR) parce que, effectivement, les dégâts du covid nous ont mis en exergue ce véritable problème qui est celui de notre assiette. Notre assiette d’alimentation est devenue un poison. C’est lui qui aujourd’hui nous pose des problèmes. Donc il faut utiliser cette assiette pour que cela devienne un médicament, quelque chose qui peut nous aider à vivre plus longtemps et à éviter ces maladies non transmissibles et en particulier l’obésité. »

Dans le plan de relance on parle aussi d’autonomie énergétique. Ajouté à cela la suffisance alimentaire, quel est l’objectif final du gouvernement ?
« C’est un objectif qui est poursuivi, je ne l’ai pas inventé vous savez. Nous connaissons tous notre dépendance de l’extérieur. Et ça se traduit par l’alimentation. Mais ça se traduit aussi par les produits énergétiques. Nous vivons du pétrole qui nous ai livré de l’extérieur. Donc aujourd’hui il faut, et vous allez le voir dans les jours à venir, nous allons pousser franchement aujourd’hui la production photovoltaïque ici en Polynésie française puisque nous allons attribuer à certains opérateurs la possibilité, l’autorisation de construire des fermes solaires ici à Tahiti à hauteur de 30 Mégawatts. Mais aussi, parallèlement à ce programme qui est lancé, nous avons un programme pour transformer les centrales électriques de nos populations des îles avec des machines électrogènes en hybrides, ce qui leur permettra de réduire la note énergétique et surtout de ne pas dépendre uniquement du pétrole. On a le soleil, il faut en profiter. »

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Revenons à présent sur votre récent déplacement à New York. Vous vous êtes exprimé devant la 4e commission de l’assemblée générale de l’ONU. Vous avez notamment incité l’ONU à envoyer des émissaires pour faire un état des lieux de la Polynésie. Vous avez eu une réponse en retour ? Et qu’attendez-vous de cette mission ?
« Je ne vous cache pas qu’aller tous les ans parler là-bas, essayer de parler de cette autonomie dont nous jouissons aujourd’hui qui est à mon avis l’outil adapté à la gestion de notre Pays, qu’il faut faire évoluer j’en suis convaincue mais peut-être pas aller jusqu’à l’indépendance. Donc j’y vais pour donner un état des lieux de la Polynésie française, leur parler de nos relations par exemple avec la puissance administrante qui est la France aujourd’hui. Et surtout leur dire que nos relations de partenariat avec l’Etat français sont au beau fixe aujourd’hui. Il n’y a pas de sujet. L’Etat nous accompagne, l’Etat nous soutient et surtout dans la période que nous venons de passer, l’Etat a été présent en permanence à nos côtés. Donc effectivement je n’ai pas demandé à ce qu’on retire la Polynésie de la liste des pays à décoloniser, mais je leur ai dit que la Polynésie française n’est pas un pays à décoloniser parce que, effectivement, j’ai invité ces gens à venir chez nous parce que rien de tel que de venir toucher, de venir regarder de venir entendre sur le terrain. Et à la suite de cette mission qu’ils pourraient réaliser au titre de l’ONU, nous pourrions parler je pense sérieusement de la suite de l’inscription de la Polynésie. »

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