Les élus polynésiens vent debout contre la réduction du nombre de parlementaires

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Publié le 06/06/2018 à 14:50 - Mise à jour le 06/06/2018 à 14:50

Paris souhaite rénover le fonctionnement de la démocratie et la rendre « plus représentative, plus responsable et plus efficace ». Pour réaliser ces objectifs, trois mesures ont été présentées par le gouvernement d’Emmanuel Macron.

La première consiste à réduire le nombre de parlementaires. Ainsi, le nombre de députés passerait de 577 à 404. Chez les sénateurs, ils ne seraient plus que 255 contre 348 à l’heure actuelle.

« Un Parlement aux effectifs resserrés mais plus efficace et plus représentatif de la diversité des sensibilités politiques de la Nation, une respiration démocratique permise par le renouvellement des responsables politiques, voici donc les objectifs de la présente réforme. »

La deuxième mesure concerne le mode de scrutin. Une partie des députés serait élue au scrutin de liste à la représentation proportionnelle.

La dernière mesure prévoit de limiter le nombre de mandats consécutifs et identiques à trois.

PAS D’ETUDE D’IMPACT

Ce projet de loi a été examiné par les représentants de l’assemblée de Polynésie française. Le texte leur a été transmis pour avis à la fin du mois d’avril.

Dans le rapport de la commission des institutions, des affaires internationales et européennes et des relations avec les communes, les élus regrettent que cette saisine soit intervenue durant la période de renouvellement intégral de l’institution.

Autre point d’accroche : aucune étude d’impact n’accompagne les projets de texte. Pour les membres de la commission, ceci empêche « de cerner leur incidence et les mesures d’application nécessaires. »

AU MOINS UN SENATEUR ET UN DEPUTE

Ce jeudi, lors de la session administrative, les élus de l’assemblée ont émis un avis défavorable à ces textes. Pour eux, ces textes ne tiennent pas compte des spécificités du fenua. Philip Schyle, président de la commission en charge du rapport, explique :

« Le principe de la moralisation, tous les élus y sont favorables. En revanche, à partir du moment où ces projets de loi peuvent impacter la démocratie exercée localement en Polynésie française c’est là où il y a des réactions et cela justifie l’avis défavorable. Je pense à la réduction du nombre de parlementaires, nous estimons tous que cela n’est pas possible. Il ne faut pas seulement retenir le critère démographique, il faut aussi prendre en compte le critère géographique… »

Le texte ne prévoit pas de nombre précis de parlementaire en Polynésie. Seule chose certaine : il y a aura au moins un député et un parlementaire.

La redistribution des sièges et le redécoupage des circonscriptions pourra être redéfinie par le gouvernement central par voie d’ordonnance. Le maire de Arue s’en inquiète :

« C’est vrai que cette possibilité qui sera donnée au gouvernement de prendre des ordonnances alors que nous n’avons aucune idée de son contenu nous préoccupe énormément. »

Tous les élus de Tarahoi se sont rangés derrière l’avis de la commission.

EMPIETER SUR LES COMPETENCES DE LA POLYNESIE

Si le Tavini Huira’atira a lui aussi voté pour l’avis défavorable, ses motivations diffèrent des autres partis. Richard Tuheiava, sénateur de 2008 à 2014, précise :

« Nous ne sommes pas parfaitement d’accord avec la majorité. Nous sommes parfaitement d’accord avec cet avis défavorable sur ce texte de loi qui consiste encore à laisser le gouvernement central s’immiscer dans la démocratie en Polynésie postérieurement à notre réinscription du 17 mai 2013 sur la liste de l’Onu. C’est la logique du Tavini. Cette décision vaut force de loi au niveau international : la France a été appelée à ne plus s‘immiscer comme elle le faisait par le passé dans le système électoral polynésien […] »  

TROIS MANDATS MAXIMUM

Le Tavini en veut pour preuve la limitation à trois mandats consécutifs. Lana Tetuanui rejoint le parti indépendantiste sur ce point. La sénatrice va plus loin.

« C’est un muselage de la démocratie ! Comment on peut aller demander à nos Polynésiens qui ont décidé ad vitam aeternam que quelqu’un devrait être leur maire, comme par exemple le maire de Faa’a… Comment on peut aller limiter ça dans le temps ? On ne respecte plus la démocratie ! »

De nombreux maires de Polynésie pourraient être concernés par cette réforme. Philip Schyle ne partage pas l’avis de sa collègue. Maire de Arue, il arrive à la fin de son troisième mandat. Il tempère :

« J’ai plutôt tendance à dire : il y a un temps pour chaque chose. Limiter le nombre de mandats est une bonne chose. Après, quel est le nombre de mandats successifs, là, c’est à discuter… »

Le texte fait le mécontentement unanime des élus de Tarahoi. Reste qu’il n’a été soumis aux représentants que pour avis. C’est le parlement français qui aura le dernier mot.

Rédaction web avec Tamara Sentis et Jeanne Tinorua-Tehuritaua

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