Annick Girardin aux Marquises : « Ce que je ressens ici, je saurai le transmettre »

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Publié le 22/01/2018 à 8:26 - Mise à jour le 22/01/2018 à 8:26

Hiva Oa est l’île la plus peuplée des Marquises Sud (2243 habitants). Arrivée à la mi-journée, la ministre des Outre-mer a rapidement souhaité échanger directement avec la population. Après le traditionnel lever des couleurs et un accueil musical des enfants et des autorités locales, elle a inauguré la cantine scolaire et la cuisine centrale d’Atuona. Destinée aux élèves du primaire et du secondaire de l’île, elle a été réalisée par plusieurs jeunes de la commune.

Annick Girardin a ensuite déjeuné avec la population de Hiva Oa. Un moment d’échange et de découverte…
« C’est un accueil qui me va droit au cœur », lance la ministre. « Moi je souhaitais pouvoir venir dans les territoires les plus isolés, et voir les différentes réalités de ces archipels, puisqu’ils ne se ressemblent pas. Ici, aux Marquises, il y a un autre sentiment, une autre force, qui sort de cette île que l’on ressent à travers ses paysages, à travers les danses que je viens de voir. Des danses d’accueil dans lesquelles on sent que l’on est bien accueilli, mais aussi, bien regardé ».

Annick Girardin sait que les doléances seront nombreuses… « Il y a plusieurs attentes, et c’est important pour moi de venir dans ces territoires entendre les élus, entendre la population, parce-que la ministre des Outre mer, il faut qu’elle défende son budget, il faut qu’elle fasse comprendre aux autres ministères quels sont ses combats. Pour faire entendre la voix des territoires d’outre-mer à Paris, j’ai besoin de connaître la réalité et d’être au plus près des gens. Cette continuité territoriale, cet isolement, je les connais en tant qu’ultramarine, mais pas à la dimension du Pacifique, il faut être très honnête, et là, on voit bien dans quel contexte on est et quelles sont les priorités. Quand on le vit, on n’en parle pas de la même manière, parce-qu’il y a de l’émotion. Ce que je ressens ici, je saurai le transmettre »

C’est la cinquième fois que Hiva Oa accueille des ministres de l’Outre mer. Le maire, Etienne Tehaamoana, espère recevoir un jour le Président de la République… Avec les autres maires du Sud – Félix Barsinas et Henri Tuieinui – il a préparé cette visite : « On a prévu, lundi soir, une rencontre avec les trois maires du Sud, où on va parler de nos problématiques. Notamment la continuité territoriale. Elle ne va pas jusqu’aux Marquises, ce n’est pas le cas dans les départements d’outre-mer. Il y a une inégalité totale. Il y a beaucoup de fractures en terme de santé, d’éducation, de transports… Ce serait bien que l’on applique cette loi sur l’Egalité réelle jusqu’à l’autre bout de la France : les Marquises. Avec la communauté de communes on propose beaucoup de choses, mais il faut savoir que ce sont des compétences récupérées par le Pays. »

Félix Barsinas, président de la Codim, a évoqué en priorité deux questions. En premier lieu, celle de la pêche, qui a éveillé les passions dans l’archipel il y a quelques mois…  « Les tensions ont beaucoup diminué. Je maintiens que la volonté des élus communaux n’est pas de développer la pêche industrielle, bien au contraire, nous sommes soucieux de préserver notre patrimoine, c’est la raison pour laquelle nous travaillons de pied ferme avec le Pays et l’Etat. Nous sommes d’ailleurs satisfaits de la volonté de classement en aire marine gérée. Maintenant, il faut aborder le contenu de ce projet, à savoir, faire en sorte que les thoniers ne puissent pas venir pêcher près de nos côtes, et même pourquoi pas, au-delà des 50 miles nautiques, autrement dit, l’ensemble de l’archipel. Cela diminuerait les tensions qui existent. Ensuite, nous verrons pour la pêche de développement, avec l’intérêt de développer la pêche fraîche. Nous visons aussi Clipperton, qui est devenu un enjeu stratégique, parce-que l’état mexicain revendique ce caillou. »
 

Félix Barsinas souhaitait également aborder la question du statut de l’archipel : « Ce n’est, à mon avis, pas un dossier épineux. Nous souhaitons trouver un compromis, de manière collégiale, avec le Pays et l’Etat, pour que l’archipel soit accompagné dans son évolution statutaire. Nous sommes tous des gens intelligents, nous sommes arrivés à une fin de cycle au niveau politique, maintenant, nous sommes tous des élus matures pour prendre des décisions, et responsables pour le devenir de notre archipel. Nous sommes conscients aujourd’hui que les vallées se dépeuplent, les écoles se ferment… avec la communauté de communes, on a l’espoir qu’en développant des projets, on puisse faire venir les jeunes. »

Si les maires des Marquises Sud semblent unanimes, au Nord, Benoît Kautai aurait fait entendre son désaccord avec les autres élus de la Codim sur la question de l’évolution statutaire. Avant de s’exprimer sur la question, Annick Girardin souhaite entendre l’ensemble des tavanas.

Le président du Pays, lui aussi directement interpellé sur ce point, apporte des réponses : « Contrairement à mes prédécesseurs, je ne suis pas jaloux de mes prérogatives. L’exemple le plus criant est celui de la pêche. J’ai toujours été d’accord, ils sont venus me voir, j’ai donné mon feu vert pour que ce projet puisse se développer (…) les choses se sont mal passées, on se rend compte aujourd’hui que la population était mal informée, mais le projet est bon. Nous allons fortement soutenir cette industrie. Je ne suis pas du tout opposé au fait que les communes ou les archipels développent eux-mêmes leurs activités. Mais ceci démontre que faire de l’économie, du développement, c’est pas si facile que ça (…) Le discours est ouvert pour ma part. Ce qu’il faut simplement c’est que je ne veux pas que la Polynésie se divise. Nous sommes forts aujourd’hui, nous vivons bien parce-que nous sommes un. Détacher les Marquises ou les Tuamotu : ce n’est plus la Polynésie. Je pense que nous aurons plus à perdre qu’à gagner si on part chacun de notre côté. D’autre part, le soutien de Tahiti dans tout ce qui concerne la peréquation, est important. Cette solidarité fait que nous arrivons à nous développer. Le vrai problème qui se pose derrière est que les Marquisiens ont l’impression que l’on ne tient pas compte de leur point de vue. Il faut (et ça tombe bien avec les élections qui arrivent) que les relations entre le gouvernement et les élus de ces archipels, soient organisées autrement. Je ne crois pas en l’idée de faire des assemblées un peu secondaires à l’image de ce qu’il se passe en Nouvelle Calédonie, nous n’en avons pas les moyens, mais nous pouvons agir sur la méthodologie, sur le facteur humain, pour favoriser les échanges ».

 

Une dérogation au programme a permis aux autorités de l’Etat et du Pays de se recueillir sur les tombes de Paul Gauguin et de Jacques Brel, au cimetière communal.
Cette 1ère journée de visite s’est poursuivie à la compagnie du Régiment du service militaire adapté de Hiva Oa : la toute première installée en Polynésie. Elle date de 1989. Ce qui caractérise cette compagnie, c’est son taux d’insertion inégalé dans les outre-mer : plus de 80%. Agents d’entretien des bâtiments, de restauration, mécaniciens, agriculteurs : le RSMA propose des formations à une vingtaines de métiers. A noter : la féminisation des effectifs : près d’1/3.

Pour terminer, Annick Girardin et sa délégation ont visité la toute jeune usine expérimentale Tahiti Bio, à Atuona, inaugurée le mois dernier. Cette usine de transformation de fruits et d’huile vierge de coco, bio, appuie largement son activité sur les énergies renouvelables. Elle emploie 8 personnes et ambitionne de se développer, notamment grâce à l’export de fruits séchés sur le marché américain. 

Laure Philiber 

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