Durant 3 ans, de 2014 à 2017, Wilfrid Atapo a sévi sur Internet. Doué en informatique, ce disc-jockey des boites de nuit de Papeete, avait créé un site de phishing grâce auquel il récupérait les identifiants et mots de passe de nombreuses jeunes femmes.
Il se faisait ensuite passer pour elles pour contacter ses victimes. Des fillettes pour certaines, la plus jeune étant âgée d’à peine 9 ans.
Il leur réclamait des photos et vidéos pornographiques allant parfois jusqu’à les menacer de dévoiler des clichés compromettants sur Internet si elles ne le faisaient pas.
Au total, il avait obtenu des images intimes de près de 80 adolescentes. Quelques-unes étaient présentes ce mardi matin, accompagnées de leurs parents. Comme cette mère, qui tenait à faire face au trentenaire. « J’avais ce besoin de venir sur place et de voir qui était derrière tout ça. Je ne pouvais pas mettre une image sur la personne qui a pu faire ça à ma fille et pas seulement à elle, à toutes les autres petites filles, aux garçons qui ont été victimes de cet individu. »
Des nombreuses victimes sont encore meurtries par l’emprise que DJ Fred était parvenu à avoir sur elles. Et les séquelles psychologiques mettront du temps à s’estomper, à supposer que ce soit possible. « Elle était pleine de vie, une petite qui avait beaucoup d’activités. Et du jour au lendemain, plus rien. Elle se sent coupable, alors qu’elle est victime. Coupable de ne pas nous avoir dit quoi que ce soit parce qu’elle était menacée. On la menaçait de s’en prendre à nous. Pour une petite fille de son âge, qu’est-ce qu’elle pouvait faire de plus que de faire ce qu’on lui demandait ? »
Mais pour l’avocat d’un grand nombre de victimes, ce procès permettra aussi mettre des mots sur les maux au sein des familles concernées. « Dans les familles, ça a été parfois difficile d’évoquer ces faits pour les jeunes mineurs. Je rappelle qu’il y a des victimes très jeunes au moment des faits : 10 ans 11 ans 12 ans… Donc il y a beaucoup d’incompréhension qui a résulté de la non révélation des faits ou d’une révélation tardive. Ce ne sont pas des petits faits ou de petites infractions. Il y a des répercussions qui sont importantes et qui sont à mon avis difficilement mesurables. Dans un avenir proche, il pourrait y avoir des répercussions importantes », estime Me Loris Peytavit.
Wilfrid Atapo, lui, n’a pas vraiment exprimé de regrets depuis le box des accusés. Interrogé avec insistance par le président du tribunal sur les souffrances psychologiques de ses victimes, dont certaines ont pensé à mettre fin à leurs jours, le trentenaire a botté en touche : « je ne me rendais pas compte de ce que ça pouvait générer sur ces jeunes personnes. Je ne pensais pas que ça pouvait aller aussi loin », a-t-il dit.
Le procès se poursuit demain. DJ Fred avait déjà été condamné en 2015 pour tentative de corruption de mineurs. Ce n’est donc plus dix, mais 20 ans de prison qu’il encourt désormais.