Conflit ukrainien et TVA sociale : L’industrie polynésienne face au mur de l’inflation

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Si le plan de relance avait donné une visibilité au secteur du BTP, la hausse cumulée des prix portée par le conflit ukrainien et l’entrée en vigueur le 1er avril de la CPS (contribution pour la solidarité), font craindre au secteur et à l’industrie polynésienne de manière générale une explosion sans précédent des coûts. L'exonération d'une nouvelle série de matériaux de constructions est déjà sur la table.

Publié le 16/03/2022 à 7:00 - Mise à jour le 16/03/2022 à 11:36

Si le plan de relance avait donné une visibilité au secteur du BTP, la hausse cumulée des prix portée par le conflit ukrainien et l’entrée en vigueur le 1er avril de la CPS (contribution pour la solidarité), font craindre au secteur et à l’industrie polynésienne de manière générale une explosion sans précédent des coûts. L'exonération d'une nouvelle série de matériaux de constructions est déjà sur la table.

« On a du travail, la question c’est dans quelle condition on va réaliser ces commandes ». Le président de la Chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP), Thierry Chansin, espérait lui aussi une accalmie après deux ans de pandémie, assortie de perturbations du trafic maritime mondial et d’une explosion du prix du fret. Et puis, le conflit ukrainien est arrivé. Exit le net sentiment de rebond qui dominait jusque-là. Bitume, plastique, métaux : la forte hausse des prix des carburants a entraîné par ricochet une flambée de tous les matériaux dérivés des produits pétroliers. Outre le coût des transports, les délais d’approvisionnement s’allongent partout dans le monde.

Et à 20 000 kilomètres du vieux continent, le fenua est loin d’être prioritaire sur les marchés internationaux. « C’est une situation exceptionnelle, voire un cas de force majeur » alerte le professionnel du BTP. « On a déjà plusieurs phénomènes qui s’accumulent et la TVA sociale va en remettre une couche ». Assise sur la consommation, la contribution pour la solidarité (anciennement TVA sociale) sera non-déductible contrairement à une TVA classique et prélevée sur toutes les transactions. Une assiette particulièrement large pour un rendement estimé à 12 milliards de Fcfp, afin de renflouer les comptes sociaux.

Thierry Chansin, président de la Chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP) (Crédit photo/TNTV)

« A partir d’un moment, il sera très cher de construire et on ne pourra pas appréhender les mois de retard que nous allons devoir subir »

Thierry Chansin, président de la Chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP)

Impossible d’estimer les hausses à ce stade et difficile d’anticiper sur les stocks. « Ça va être compliqué pour nous d’appréhender. On aura très vite un problème de coût non maîtrisés, mais aussi de délais ». De quoi remettre en cause la viabilité de certains projets et de certaines entreprises selon le responsable. « A partir d’un moment, il sera très cher de construire et on ne pourra pas prévoir les mois de retard que nous allons devoir subir ». Des retards d’ailleurs souvent assortis de pénalités.      

Dans ce contexte, les discussions croisées entre le syndicat, le gouvernement et l’ISPF se multiplient. Des pistes sont d’ailleurs sur la table afin d’amortir le choc. On évoque ainsi la révision des indices de variations (indices de révision de prix dans les marchés publics), ou encore d’exonérer une nouvelle série de matériaux de constructions. Reste à les identifier. « C’est en cours. Mais ça ne va faire qu’atténuer le phénomène, ça ne gommera pas toutes les hausses » nuance Thierry Chansin.

« L’impact sera absorbé en partie par les entreprises parce qu’on ne pourra pas augmenter indéfiniment les devis »

Se pose dès lors la question de l’impact sur les consommateurs, déjà soumis selon l’ISPF, à une hausse des prix de 1,8% en janvier, puis de 1,1% en février. « L’impact sera absorbé en partie par les entreprises parce qu’on ne pourra pas augmenter indéfiniment les devis », reconnaît Thierry Chansin. « La question sera alors de savoir jusqu’où les entreprises peuvent discuter avec les clients pour que cet impact soit acceptable ».

Gaël Lamisse, administrateur du syndicat de l’industrie. Crédit photo/TNTV

Mais en dehors du BTP et contrairement à ce qu’on peut croire, ce sont les industries polynésiennes qui ont une longue chaîne de production et qui s’approvisionnent essentiellement localement qui seront les plus touchées. Car plus les filières sont profondes et donc basées sur plusieurs corps de métiers spécialisés, plus elles seront impactées. C’est le cas des produits cosmétiques ou des jus de fruits produits localement.

« Une filière qui importe l’ensemble de ses matières première sera frappée une fois à l’entrée en douane »

Gaël Lamisse, administrateur du syndicat de l’industrie.

« Une industrie qui achète un produit à des agriculteurs et qui le transforme en jus avant de le vendre à une brasserie qui le distribue à son tour aux grandes surfaces, c’est un circuit long qui sera énormément impacté » développe un administrateur du syndicat de l’industrie, Gaël Lamisse.

D’où l’importance de ne pas confondre « circuit court transactionnel », avec « circuit court géographique ». « Le fait de s’approvisionner à proximité ne change rien au nombre de transactions qui ont amené le produit jusqu’au consommateur » résume Gaël Lamisse. Les produits qui passent entre les mains de plusieurs intermédiaires seront ainsi frappés plusieurs fois par cette nouvelle contribution. En revanche, « une filière qui importe l’ensemble de ses matières première sera frappée une fois à l’entrée en douane ». Et si les PPN seront bien exonérées, les matières premières qui les constituent seront elles aussi frappées par la CPS. Pas de doute pour le syndicat de l’industrie, tout le monde sera impacté à différent degré. Seule certitude : la hausse minimum devrait se situer autour de 4%.  

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