L’interview de Makau Foster à la veille du record

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Publié le 28/01/2016 à 11:38 - Mise à jour le 28/01/2016 à 11:38

Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de battre ce record du monde ?
« J’ai fait des masterclass pendant des années, et tout ça, c’est pour qu’il y ait des traces. Si aujourd’hui je veux faire des recherches sur le ori, il n’y a pas de traces, rien qui puisse nous nourrir, dans ce qu’on a besoin d’apprendre, donc j’ai voulu faire quelque chose à ma façon pour sauvegarder non pas tout le patrimoine, mais ce que moi je connais.
Parce que quand je fais des recherches, c’est compliqué : il n’y a rien. Ce que je trouve, c’est ce qui a été écrit par les Américains, par les Popa’a, mais moi je voudrais que les Polynésiens eux-mêmes écrivent cette trace. »

 
Craignez-vous que l’on ne sache plus où sont nées ces danses, que la culture polynésienne s’éparpille ?
« Le mot oritahiti, c’est un seul mot, ce n’est pas la « danse de Tahiti », c’est danse-Tahiti. Si cette danse est déposée, brevetée par un autre pays, elle ne sera plus à nous. J’aimerais que mes enfants, mes petits-enfants, sachent que j’ai défendu cette cause : sauvegarder la culture, non pas du bout des lèvres, mais la labelliser, bien l’ancrer ici. Ce que je veux faire, c’est fédérer tout le monde, que pendant un moment, on mette la culture au-dessus de nos individualités, qu’on soit tous là les uns pour les autres, et qu’on contribue tous en dansant ou en regardant les autres. Et que ça soit écrit dans des livres que le monde entier va lire. »
 
L’intérêt des autres pays pour nos danses, c’est un danger ?
« Tous les Pays s’approprient notre culture : la langue, la danse, les instruments, l’artisanat. Les Américains par exemple sont excellents, ils sont même venus gagner un concours de ori Tahiti ici, à Tahiti ! Il faut qu’on se réveille, qu’on bouge un peu plus. On ne va pas les laisser tout le temps faire ça. Ca devient trop sportif, on oublie les racines, ça devient folklorique. On a besoin de la tradition même pour danser dans le contemporain.  J’encourage chacun à sauvegarder ce qu’il a au plus profond de son coeur. »
 
En Europe, la danse tahitienne est surtout connue sous le nom de Tamure ; ici, on dit plutôt Ori, parfois Hura. Pourquoi toutes ces appellations ?
« Le tamure, c’est la danse des bringues, des boîtes de nuit. Un ancien m’avait dit que c’était le nom de quelqu’un qui aimait tellement danser qu’on a donné son nom à la danse, mais je ne suis pas sûre que c’est vrai. Le vieux nom, c’est hura, ça ne fait que quelques années qu’on emploie ori Tahiti. Le ori, c’est la danse typique d’un pays, comme on dit ori Tapone, ori Hawaii, ori Tinito.
C’est un mot qu’on emploie depuis peu. Avant, sur les marae, on parlait du Hura, et c’était seulement pour les tapairu, les vierges. »

 
Comment avez-vous choisi la chorégraphie ?
« C’est varié tout en restant dans la tradition, avec des enchaînements de pas et de gestes, comme le puarata, tariaria, paea, takoto, hitoto. On essaie de les danser toujours de la même manière pour préserver l’héritage des ancêtres. Dix garçons et dix filles sont meneurs pour donner la cadence. Mes deux enfants, mais aussi de bons danseurs issus de plusieurs autres groupes. »
 
Le lieu choisi a fait polémique. Pourquoi Atimaono ?
« Par rapport à la terre, par rapport à la montagne, il fallait que tout le monde soit connecté à la terre, et pas les pieds sur du ciment. Je ne voulais pas le faire à To’ata. A Atimaono, on est proches de la mer, chaque chose à un sens, et les éléments seront réunis. Tout a un sens, la position de la lune, chaque geste, il faut que tout soit connecté. D’ailleurs je me suis basée sur la disposition d’un marae, avec la même orientation par rapport à la montagne. »
 

Propos recueillis par Mike Leyral

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