Nouvelle-Calédonie : Macron, contre un « passage en force », donne « quelques semaines » de plus pour négocier

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Emmanuel Macron, à l'issue d'une série de rencontres entre loyalistes et indépendantistes, a promis jeudi de ne pas faire passer "en force" la réforme constitutionnelle à l'origine de violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, donnant aux parties "quelques semaines de plus pour négocier" un accord politique global et exigeant avant tout le retour à l'ordre.

Publié le 23/05/2024 à 8:26 - Mise à jour le 23/05/2024 à 16:29

Emmanuel Macron, à l'issue d'une série de rencontres entre loyalistes et indépendantistes, a promis jeudi de ne pas faire passer "en force" la réforme constitutionnelle à l'origine de violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, donnant aux parties "quelques semaines de plus pour négocier" un accord politique global et exigeant avant tout le retour à l'ordre.

Avant de reprendre l’avion pour Paris à l’issue d’une visite de quelques heures sur le Caillou, le chef de l’État a semblé temporiser sur la question politique, mais s’est montré intraitable sur un nécessaire retour de l’ordre dans l’archipel.

« Je me suis engagé à ce que cette réforme (du dégel du corps électoral, NDLR) ne passe pas en force aujourd’hui », a-t-il déclaré lors d’un point presse.

Il faut que « nous nous donnions quelques semaines afin de permettre l’apaisement, la reprise du dialogue en vue d’un accord global » sur l’avenir institutionnel de l’archipel, qui soit plus large que la question du corps électoral, a-t-il ajouté.

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Le président de la République s’est engagé à faire un point d’étape « d’ici un mois », semblant ainsi temporiser sur un vote définitif de la réforme électorale, à condition toutefois que l’ordre soit rétabli. 

Emmanuel Macron semble ainsi adoucir quelque peu sa position sur cette question qui a cristallisé une partie du débat ces derniers jours.

Il avait initialement averti que le Congrès serait convoqué « d’ici la fin juin » pour adopter définitivement le texte sur le corps électoral si un accord global sur le statut institutionnel de l’archipel n’était pas trouvé.

« Mon souhait est que cet accord puisse être soumis au vote des Calédoniens » par voie référendaire, a-t-il ajouté.

La question d’un report voire d’une suspension de cette réforme constitutionnelle est centrale: ce texte, qui vise à « dégeler », c’est-à-dire à élargir le corps électoral, est rejeté par les Kanaks et a mis le feu aux poudres.

Le chef de l’État s’est de nouveau montré intransigeant sur le retour à l’ordre dans l’archipel, exigeant une levée des barrages « dans les heures qui viennent » pour mettre fin à l’état d’urgence.

Les émeutes ont causé, depuis le 13 mai, la mort de six personnes, dont deux gendarmes mobiles, ainsi que la destruction et le pillage de nombreux bâtiments et commerces.

Ce « mouvement d’insurrection est absolument inédit », « personne ne l’avait vu venir avec ce niveau d’organisation et de violence », a jugé, dans la matinée à Nouméa, le président de la République lors de la visite d’un commissariat du centre de Nouméa. 

Il a promis une « aide d’urgence » pour réparer les dommages « colossaux » provoqués par les émeutiers.

Ses déclarations interviennent après une série de rencontres avec les forces politiques locales. 

À la nuit tombée, Emmanuel Macron a d’abord reçu les non-indépendantistes, dont Sonia Backès, cheffe de file de la branche radicale des loyalistes, et Philippe Dunoyer, figure de Calédonie Ensemble.

Puis il s’est entretenu avec toutes les composantes des partis favorables à l’indépendance. Étaient notamment autour de la table plusieurs dirigeants de l’Union calédonienne (UC) et des cadres du parti Palika. Assigné à résidence, Christian Tein, membre de l’UC et chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, était aussi présent. 

Au niveau sécuritaire, le président a assuré que les quelque 3.000 membres des forces de sécurité déployés « resteront aussi longtemps que nécessaire, même durant les Jeux olympiques et paralympiques » de Paris organisés de fin juillet à début septembre.

Calme précaire

Le chef de l’État était accompagné des trois hauts fonctionnaires qui auront pour mission de renouer le dialogue avec les indépendantistes et non indépendantistes.

Sur le terrain, « la nuit a été calme », a indiqué le Haut-commissaire Louis Le Franc à l’AFP. 

« Il n’y a pas eu de dégâts supplémentaires mais il y a tellement de choses qui sont détruites », a-t-il encore fait valoir. 281 personnes ont été placées en garde à vue depuis le 12 mai, à une écrasante majorité pour des atteintes aux biens, selon une source judiciaire.

Le retour au calme reste précaire. Dans le quartier populaire de Montravel, majoritairement peuplé par les communautés kanak et océanienne, des groupes de jeunes circulaient le visage masqué, avec en main des lance-pierres faits de bric et de broc, a constaté un journaliste de l’AFP.

Sur la route qui relie Dumbéa, au nord de la capitale, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation.

« Darmanin assassin »

Dans le Grand Nouméa, ces barrages se sont même renforcés dans la nuit. 

Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles : « Non au dégel », « Darmanin assassin ».

« Le texte (de réforme du corps électoral, NDLR) pour nous, il n’existe plus puisqu’il y a des morts, ce n’est même plus un sujet de discussion », explique à l’AFP Lélé, une mère de famille indépendantiste de 41 ans.

Un retour à la vie normale s’est amorcé dans le centre de Nouméa, quadrillé par une forte présence policière, où de nombreux magasins ont rouvert leurs portes. Pour ajouter à l’instabilité, l’archipel a aussi été visé par une cyberattaque « d’une force inédite » visant à « saturer le réseau calédonien », mais qui a été stoppée, a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.

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