Corps gisant au sol, carcasses de voitures et entrepôts aplatis. Au port de Beyrouth, deux énormes explosions ont provoqué mardi des scènes de dévastation, fait 73 morts et 3700 blessés, semant la panique dans la capitale libanaise.
Dans une première déclaration d’un responsable au sujet de l’origine des déflagrations, le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, a indiqué qu’elles étaient peut-être dues à des « matières explosives confisquées depuis des années », mais ajouté attendre la fin de l’enquête.
En Israël, pays voisin qui a mené plusieurs opérations militaires ces dernières décennies contre le Liban, un responsable du gouvernement a affirmé à l’AFP sous couvert d’anonymat que son pays n’avait « rien à voir avec l’incident ».
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En fin d’après-midi, une première explosion a été entendue suivie d’une autre très puissante qui provoque un gigantesque champignon dans le ciel. Les immeubles ont tremblé et les vitres ont été brisées à des kilomètres à la ronde. Le souffle a été ressenti jusqu’à l’île de Chypre à environ 200 km de là.
Dans les rues, des soldats évacuaient des habitants abasourdis, certains couverts de sang, leur T-shirt autour du crâne pour panser leurs blessures. Des volontaires aidaient d’autres à trouver de l’assistance.
Au port, des carcasses de voitures les unes sur les autres, l’ossature d’entrepôts au sol.
« C’est une catastrophe à l’intérieur. Il y a des cadavres par terre. Des ambulances emmènent les corps », a indiqué à l’AFP un soldat aux abords du port. Un homme en pleurs tentait d’avoir auprès d’un soldat des nouvelles de son fils qui était au port.
Plusieurs heures après le drame, des hélicoptères continuaient de déverser des trombes d’eau pour tenter d’éteindre les flammes.
Le président Michel Aoun a convoqué une « réunion urgente » du Conseil supérieur de la Défense et le Premier ministre Hassan Diab a décrété un jour de deuil national.
Sans mentionner les causes exactes du drame, M. Diab a affirmé que les responsables de cette « catastrophe » devraient « rendre des comptes ».
Selon les dernières informations, 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium à l’origine des explosions.
« Comme une bombe atomique »
« C’était comme une bombe atomique. J’ai tout vu, mais rien de tel », a déclaré à l’AFP Makrouhie Yerganian, un professeur à la retraite, qui vit depuis plus de 60 ans en face du port. « Tous les immeubles environnants se sont écroulés », a-t-il dit.
D’après l’Agence nationale d’information, les explosions ont provoqué des dégâts importants au Palais présidentiel de Baabda, situé à une quinzaine km du centre de Beyrouth : vitres brisées et fenêtres et portes soufflées.
Le secteur du port a été bouclé par les forces de sécurité, qui ne laissent passer que la défense civile, les ambulances aux sirènes hurlantes et pompiers, selon des correspondants de l’AFP à l’entrée du port.
« Nous avons vu un peu de fumée et ensuite une explosion. Puis le champignon. La force de l’explosion nous a propulsés en arrière dans l’appartement », a raconté un habitant du quartier de Manssouriyeh, à plusieurs kilomètres du port.
Des voitures, avec leurs airbags gonflés, mais aussi des bus ont été abandonnés au beau milieu des routes. Des maisons proches du port ont été fortement endommagées par les explosions.
Nouveau drame
Un navire arrimé face au port de Beyrouth a pris feu après les explosions, mais il n’était pas possible de déterminer s’il y avait à son bord des passagers.
Selon des témoins, les déflagrations ont été entendues jusqu’à la ville côtière de Larnaca, à Chypre, distante d’un peu plus de 200 km des côtes libanaises.
« J’ai senti comme un tremblement de terre et puis après une énorme déflagration et les vitres se sont cassées. J’ai senti que c’était plus fort que l’explosion lors de l’assassinat de Rafic Hariri », a déclaré une Libanaise à Beyrouth.
Le 14 février 2005, un attentat spectaculaire provoqué par une camionnette bourrée d’explosifs avait ciblé le convoi de Rafic Hariri, le tuant ainsi que 21 autres personnes et faisant plus de 200 blessés. La déflagration avait provoqué des flammes hautes de plusieurs mètres, soufflant les vitres des bâtiments dans un rayon d’un demi-kilomètre.
Vendredi, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), basé au Pays-Bas, doit rendre son verdict dans le procès de quatre hommes, tous membres présumés du puissant mouvement libanais Hezbollah, accusés d’avoir participé à l’assassinat.
Le drame de mardi vient s’ajouter à la détresse des Libanais. Leurs pays connaît sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par une dépréciation monétaire inédite, une hyperinflation, des licenciements massifs et des restrictions bancaires drastiques, qui alimentent depuis plusieurs mois la grogne sociale.
À l’étranger, la France a annoncé l’acheminement des « secours et moyens français » à Beyrouth et les Etats-Unis se sont dit prêts à proposer « toute aide possible ».