Établissements publics de santé : le CESEC dit non à une réforme jugée précipitée

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Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) de la Polynésie française a rendu un avis défavorable, ce mercredi 11 juin, au projet de loi du pays portant création des établissements publics de santé (EPS). Si les objectifs poursuivis par ces EPS sont jugés pertinents - attractivité des structures hospitalières, complémentarité public-privé, développement de la recherche et mutualisation des ressources via le Groupement Hospitalier - , le CESEC estime que le projet est précipité.

Publié le 11/06/2025 à 15:13 - Mise à jour le 12/06/2025 à 7:45

Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) de la Polynésie française a rendu un avis défavorable, ce mercredi 11 juin, au projet de loi du pays portant création des établissements publics de santé (EPS). Si les objectifs poursuivis par ces EPS sont jugés pertinents - attractivité des structures hospitalières, complémentarité public-privé, développement de la recherche et mutualisation des ressources via le Groupement Hospitalier - , le CESEC estime que le projet est précipité.

Le projet de loi du pays relatif aux établissements publics de santé (EPSà, porté par le gouvernement polynésien, s’est vu signifier, l’avis défavorable du CESEC, ce mercredi. Les conseillers se sont, dans leur très large majorité (31 votes), prononcé contre les termes actuels de cette réforme visant à moderniser en profondeur le système hospitalier polynésien, en regroupant et en organisant les structures existantes – CHPF, hôpitaux périphériques et pôles spécialisés – sous un statut commun (les EPS), pour une meilleure efficience, coordination et mutualisation.

S’il salue des intentions « pertinentes » , le Conseil économique, social, environnemental et culturel souligne de nombreuses lacunes dans le dispositif envisagé et estime qu’il « ne peut être adopté en l’état, faute de préparation suffisante et de garanties sur son application » . 

Une réforme précipitée et un CHPF saturé

La principale critique formulée dans l’avis concerne l’absence d’analyse capacitaire préalable, pourtant indispensable pour fonder une telle réorganisation aussi lourde. Le CESEC rappelle que les divers services du Centre Hospitalier de la Polynésie française sont déjà saturés, avec des taux d’occupation de 101 % en médecine, 105 % en cardiologie ou encore 179 % en oncologie, selon des chiffres remontant, certes, à 2021. Fin 2024, ce sont les médecins anesthésistes du fenua qui pointaient la dégradation de leurs conditions de travail, la grève ayant finalement été évitée de justesse.

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En parallèle, certaines infrastructures sont sous-utilisées, comme les blocs opératoires, dont seuls cinq à six sur douze sont fonctionnels, en raison du manque d’effectifs qualifiés.

La réforme «  ne peut qu’accentuer ces déséquilibres  » si elle est appliquée sans avoir d’abord résolu ces points, craint le CESEC. À cela s’ajoutent des critiques sur la planification budgétaire, l’absence de cartographie sanitaire et le flou sur la gouvernance.

Recentrer le CHPF sur son activité MCO

Sur le fond, le CESEC propose une redéfinition du rôle du CHPF, qu’il estime trop polyvalent. Il recommande de recentrer l’établissement sur les soins « aigus, les spécialités médicales de pointe et la coordination des parcours de soins complexes » , notamment en ce qui concerne la MCO (médecine, chirurgie, obstétrique). Le CESEC propose de confier les soins de suite, convalescence et hospitalisations courantes aux établissements périphériques de Taravao, Uturoa et Nuku Hiva.

Par ailleurs, le CHPF ne doit « pas se voir confier d’autres spécialités telles que le Pôle de Santé Mentale (PSM) et l’Institut du Cancer de Polynésie française (ICPF) » , ajoutent les conseillers.

L’enjeu est double : désengorger le CHPF et améliorer l’accessibilité aux soins sur l’ensemble du territoire, y compris dans les archipels.

Autre volet de critique : la gouvernance des futurs EPS. Le CESEC s’inquiète d’une gouvernance trop centralisée et trop dépendante du politique. Il demande une représentation renforcée des professionnels de santé et des patients dans les conseils de surveillance, une désignation indépendante du directoire, pour éviter une « politisation excessive » , et une présence assurée de la Caisse de Prévoyance Sociale (CPS) pour un meilleur pilotage budgétaire.

GHPF : un outil flou

Le CESEC se montre particulièrement réservé sur le Groupement Hospitalier de Polynésie française, présenté comme l’instrument de mutualisation entre structures publiques et privées.

Selon l’avis, ce groupement souffre de flous majeurs : absence d’organisme pilote clairement désigné, absence de cadre budgétaire, méfiance du secteur privé et manque d’adhésion des soignants. « Une mise en œuvre précipitée risquerait de générer des résistances et de nuire à l’efficacité du dispositif » , dit le CESEC. 

Dispensaires : les oubliés de la réforme

Enfin, le CESEC regrette que la réforme n’accorde qu’une place marginale aux dispensaires, pourtant essentiels dans les îles éloignées. Il recommande leur intégration pleine et entière aux futurs EPS, avec des moyens, des personnels et des missions clairement définis.

Le Conseil invite à renforcer la formation locale dans les métiers paramédicaux et médicaux, et à cartographier les besoins pour mieux planifier les recrutements.

Vous pouvez lire cet avis dans son intégralité ICI

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