Covid-19 : étudiant en métropole, Aymeric Wong se confie sur son dur quotidien

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Direction la métropole avec ce témoignage d’un étudiant polynésien résidant à Pau, dans le sud de la France. Aymeric Wong est arrivé l’année dernière pour y effectuer sa 3e année de licence éco-gestion. Une arrivée difficile en pleine crise sanitaire et économique. Mais ce qui pèse le plus, ce sont les cours à distance qui enferment les étudiants dans la solitude de leur appartement, sans compter l’hiver et le manque du fenua.

Publié le 20/02/2021 à 11:38 - Mise à jour le 20/02/2021 à 11:40

Direction la métropole avec ce témoignage d’un étudiant polynésien résidant à Pau, dans le sud de la France. Aymeric Wong est arrivé l’année dernière pour y effectuer sa 3e année de licence éco-gestion. Une arrivée difficile en pleine crise sanitaire et économique. Mais ce qui pèse le plus, ce sont les cours à distance qui enferment les étudiants dans la solitude de leur appartement, sans compter l’hiver et le manque du fenua.

S’il s’était préparé à vivre un chamboulement en quittant Tahiti pour poursuivre ses études en métropole, Aymeric Wong ne s’attendait pas forcément à tout ce qu’il a vécu jusqu’ici. Installé à Pau, dans le sud de la France, depuis août dernier, il suit tant bien que mal une 3e année de licence en éco-gestion.

Tant bien que mal car dès sa rentrée, la covid-19 a joué les trouble-fête dans ses études. « J’ai pu aller deux semaines en cours et suite à l’épidémie, ils ont pris les précautions d’avance. Ils ont commencé à fermer et on s’est tous réunis via un logiciel. Donc tous nos cours se font en distanciel, il n’y a plus rien en présentiel, mis à part quelques examens que j’ai passé en décembre », explique-t-il.

Et suivre des cours en distanciel apporte son lot de difficultés. « Il y a plein de paramètres qui font que t’es « fiu » comme on dit au fenua, poursuit le jeune homme. Par exemple, le prof il parle, il parle, mais ça te tilte pas, donc forcément tu fais autre chose à côté, donc t’écoute pas, t’apprends pas. Ensuite ils ne veulent plus mettre à disposition les cours sur la plateforme parce qu’ils estiment que les élèves doivent être devant leurs écrans pour suivre les cours et prendre des notes. C’est fatiguant physiquement, psychologiquement et mentalement car on ne sort pas du tout. On reste enfermé, on mange tout seul et j’ai vu les résultats de mon semestre qui sont en baisse… »

Surtout que le couvre-feu en vigueur et son emploi du temps ne lui laissent pas vraiment le temps de souffler. « Le matin je commence à 8 heures et trois jours dans la semaine je termine à 21 heures, détaille-t-il. Ma pause est d’une heure, donc si je veux aller faire des courses ou me faire à manger, ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour manger. »

Son appartement, censé être un lieu « pour travailler à côté, dormir, manger » est en quelque sorte devenu sa cage dorée. « Tout faire de chez toi, c’est quelque chose, surtout que t’as plus de vie sociale, tu sors plus, tu vois plus personne, t’as plus aucun contact. Là où je suis, j’ai un seul copain et on ne se réunit pas forcément parce qu’on est tout le temps en cours. Et puis il y a le couvre-feu. Donc c’est dur et on ne peut pas se soutenir mutuellement. C’est que par message, mais par message c’est que des mots, la solitude on la ressent dans l’appartement. T’as beau avoir un appartement de 50 m2, si t’es seul, la solitude c’est dans les 50 m2… »

« J’espère fortement que ça va s’améliorer, parce que si ça ne s’améliore pas, je ne pense pas que je tiendrai une deuxième année tout seul enfermé dans un appart avec peu d’amis, sans sortir et sans faire de sport… »

« L’ambiance dans ma région, franchement, elle est « morte » parce qu’il n’y a rien à faire. Les salles de sport sont fermées, tu ne peux plus rien pratiquer. J’ai une application pour le sport et par jour, je fais généralement 200 mètres quand je ne sors pas de chez moi. 200 mètres, c’est rien, souffle-t-il. Pour moi qui pratique énormément de sport, c’est un choc de faire 200 mètres dans une journée. J’essaie d’aller courir le week-end, mais en ce moment c’est l’hiver, donc il fait froid, il neige, il pleut, il fait pas beau. Donc je prends des packs d’eau et je fais comme je peux, des pompes et tout ce qui est poids de corps, mais c’est très déprimant. »

Son père, avec qui Aymeric reste en contact régulier, essaie de le motiver à distance. « Il me dit : ‘Allez mon fils, courage, tiens bon, je ne t’ai pas envoyé pour rien, tu sais ce que tu dois faire’. Et pour ne pas le décevoir, forcément, j’essaie de m’accrocher, mais on ne va pas se mentir, c’est très compliqué. » D’autant que l’espoir d’amélioration s’amenuise concernant la possibilité de reprendre les cours en présentiel.

« Cette année 2021 commence très mal. En décembre, on a eu des mails de l’établissement qui disaient qu’on va reprendre les cours en présentiel une semaine sur 2 à la mi-janvier. Début janvier, on nous dit début février. Début février, on nous dit fin-février et fin-février on nous dit mars. Mars on va nous dire quoi ? Avril ? Mai ?, s’interroge le jeune homme de 20 ans. T’es là, t’as de l’espoir et au final ça casse le moral. T’es pas bien, tu te demandes quand tu vas retourner à l’école parce que le distanciel c’est très compliqué. Je serai le plus heureux de retourner en cours dès demain. »

Le projet de départ d’Aymeric est de poursuivre sur un master après sa licence. « Donc j’espère fortement que ça va s’améliorer, parce que si ça ne s’améliore pas, je ne pense pas que je tiendrai une deuxième année tout seul enfermé dans un appart avec peu d’amis, sans sortir et sans faire de sport… », admet-il en commençant tout bas à évoquer un éventuel retour à Tahiti. Même si « ce n’est pas la meilleure chose à faire pour mes études », estime-t-il.

Il lance donc ce conseil aux jeunes qui comptent partir en métropole à la prochaine rentrée : « préparez-vous mentalement ». « Si vous serez en collocation avec votre copain, votre copine ou des amis, ça sera mieux déjà, mais pour ceux qui comptent partir tout seul, forgez-vous déjà mentalement, psychologiquement, parce que ça va être la base. Et pour ceux qui sont actuellement dans mon cas, ben les gars, fa’aitoito. On a qu’une mission, rentrer avec des diplômes, donc fa’aitoito », conclut-il.

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