Archipel de près de 300 kilomètres composé d’une dizaine d’îles dont la principale, Mangareva, compte 1384 habitants, la commune des îles Gambier est la plus éloignée de Polynésie. Un isolement qui l’a poussé à prendre des « initiatives multiples » qui ont pu « prospérer » mais qui, selon la Chambre, « ne doivent pas occulter des difficultés constatées en matière de pilotage de projets, de gestions administrative et budgétaire et de coordination des services ».
« Sans sous-estimer les difficultés liées à son éloignement de Tahiti et en considérant la taille modeste de la commune, les méthodes observées se situent parfois en effet en-deçà des standards attendus », notent les magistrats financiers.
Cet isolement a conduit la commune à créer, avec 16 de ses pairs des Tuamotu, « le syndicat à vocation multiple des Tuamotu-Gambier (SIVMTG) en lui confiant des compétences administratives (budgets et marchés publics formalisés) ».
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« Toutefois, cette architecture originale mais adaptée ne peut pas justifier l’ensemble des manques observés dans les conditions d’exercice des missions. La maîtrise insuffisante des outils juridiques et comptables, le manque d’anticipation des contraintes techniques et règlementaires, et la rareté des procédures internes écrites, peuvent être sources dans les cas les plus sévères d’irrégularités. À tout le moins, les élus municipaux ne bénéficient pas d’une vision d’ensemble adéquate de l’action publique qu’ils entendent mener, renforçant les réflexes d’une gestion au coup par coup », constate la CTC.
L’équipage de la navette maritime communale n’a pas les « titres » exigés
La Chambre consacre un des chapitres du rapport au projet de nouvelle navette maritime communale : le Toapere II. Un navire d’une capacité de 72 personnes, et d’un coût de 170 millions de francs, mis en service en janvier dernier. Or, les officiers du bateau « n’ont pas les titres » exigés. « Le capitaine n’est titulaire que du CPL, qui permet le commandement de navires professionnels de moins de 17 mètres dans les eaux lagonnaires. Le chef mécanicien prévu est mécanicien terrestre et n’a aucun brevet maritime », souligne la CTC qui « rappelle au maire », qu’en sa qualité d’armateur, celui-ci « pourrait voir sa responsabilité personnelle engagée en cas de dommage aux personnes, passagers et équipage ».
La juridiction s’intéresse également aux différents services que la mairie a créés ces dernières années ou qu’elle envisage de créer : production d’agrégats, une scierie, une pépinière et une station-service. Des projets qui démontrent que « la commune fait preuve d’un réel dynamisme » pour « atténuer les effets de son isolement », mais elle « ne formalise pas suffisamment le cadre de son action ».
« L’absence de document d’orientations budgétaires adéquat, de comptes rendus détaillés des réunions de conseil municipal et des réunions entre le maire et les agents chefs de service, expliquent en grande partie le déficit de pilotage des projets d’investissement de la commune », note les magistrats financiers.
Des déchets « source de pollution directe du milieu »
Pour ce qui est des services environnementaux (déchets, eau potable, assainissement), ceux-ci « restent limités ». Un « défaut d’entretien (…) des installations d’eau potable (…) a notamment été constaté ». Concernant les eaux usées, « aucun suivi n’est réalisé s’agissant des constructions existantes ». « Le maire comme les élus de la commune n’ont pas pris la mesure de l’importance de l’enjeu que représente un assainissement efficace des eaux usées qui apporte la garantie de ne pas polluer le milieu naturel, et en particulier les lentilles d’eau douce présentes dans le sous-sol de l’île », souligne la CTC.
Concernant les déchets, ils sont dirigés vers trois sites de stockage. Notamment le dépotoir du Sud-Ouest de l’île de Mangareva qui accueille « un mélange de déchets de nature diverses : épaves de véhicules roulants, électroménager, structures métalliques, fûts, tôles ondulées ». « L’ensemble du site ne répond ainsi à aucune prescription de protection environnementale, les déchets sont posés à même le sol, source de pollution directe du milieu naturel terrestre et lagonnaire par les eaux de ruissellement », constate, sur ce point, la juridiction.
Pour remédier à cette situation, la Chambre conclut son rapport en émettant 6 recommandations (voir ci-dessous) que le maire s’est « engagé » à suivre « en collaboration avec les services communaux et le conseil municipal ».
Les recommandations de la CTC :
Recommandation n°1 : se conformer au plus tôt à la règlementation relative au transport maritime professionnel de passagers concernant le navire Toapere II.
Recommandation n°2 : formaliser, dès 2023, un document pluriannuel de planification et de suivi, même simple, des investissements à présenter en conseil municipal au moins une fois par an.
Recommandation n°3 : émettre, avant la fin du premier semestre 2023, des titres de recettes concernant les factures de régies antérieures à 2023 non recouvrées, y compris pour les agents et les élus.
Recommandation n°4 : conduire, dès 2023, un contrôle annuel de la régie de recettes.
Recommandation n°5 : mettre en place des entretiens annuels d’évaluation du personnel adaptés.
Recommandation n°6 : formaliser, au plus tard avant fin 2024, un schéma d’organisation du service public des déchets.
Le rapport complet de la CTC: