Les députés ont ajouté une précision sémantique à ce projet de loi organique, déjà adopté par le Sénat, qui permet d’avancer « sur un chemin plus apaisé », selon Maina Sage (UDI-Agir).
L’élue polynésienne a obtenu de souligner, dans l’article 1er, que la collectivité ultramarine avait été « mise à contribution » par la France dans « la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et à la défense nationale », actant ainsi « qu’en aucun cas (cette) contribution a été volontaire ».
La ministre des Outre-mer Annick Girardin n’était d’abord pas favorable à cette proposition, estimant que le texte induisait déjà que les 193 essais nucléaires effectués entre 1966 et 1996 sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, relevaient d’un « choix de la France » et « pas d’une volonté des Polynésiens ».
Mais elle a finalement émis un avis de « sagesse » à l’égard de cet amendement après avoir écouté les arguments des oppositions, Philippe Gosselin (LR) plaidant pour trouver « les bons termes » et Frédérique Dumas (UDI-Agir) pointant « une ambiguïté ».
« J’ai voté contre (le texte) parce que c’est ma conviction politique mais j’ai voté pour cet amendement parce que j’estime qu’on le doit aux Polynésiens et aux générations futures », a déclaré le député Moetai Brotherson, rattaché au groupe communiste à l’Assemblée et par ailleurs représentant du Tavini Huiraatira.
Pour Paul Molac (Libertés et territoires), c’est au contraire un « pas dans la bonne direction ». « L’autonomie se construit tous les jours, nous y apportons une petite pierre », a estimé Maina Sage. L’ex-ministre des Outre-mer George Pau-Langevin (PS) a salué des « dispositions originales » qui résultent d’un « dialogue approfondi et confiant ».
Outre la reconnaissance du fait nucléaire et de ses conséquences, notamment sanitaires, le texte prévoit de moderniser le statut de la Polynésie adopté en 2004 et déjà réformé à deux reprises en 2007 et 2011, et la législation applicable sur le territoire.
Il vise aussi à encourager la coopération entre les communes et la collectivité de la Polynésie française, notamment pour le recouvrement des impôts locaux.
Les députés ont voté aussi un second projet de loi, portant « diverses dispositions institutionnelles » en Polynésie. Les textes doivent maintenant faire l’objet d’une procédure de conciliation entre les deux Chambres.
Sur la précision de contribution « involontaire » de la Polynésie, Edouard Fritch explique qu’il trouvait « positif le fait qu’on reconnaisse la contribution de la Polynésie française. Qu’elle soit volontaire ou involontaire, on peut ouvrir un débat qui va ouvrir quelques années sur le fait qu’on reconnaisse ou pas que l’assemblée ici de Polynésie française n’ai pas été droguée le jour où ils ont donné les autorisations. Moi j’ai beaucoup d’estime pour le président de l’assemblée, pour nos représentants. J’estime que lorsqu’ils prennent une décision, c’est en conscience et avec responsabilité. C’est toute la discussion sur l’acte volontaire ou non. »
Dans l’opposition, Tony Géros estime que « les seuls articles qui ont été retenus dans le cadre de cette modification statutaire, ce sont les articles défendus par l’Etat. Sur l’ensemble des articles proposés par le Pays, j’ai l’impression qu’une grande partie des propositions faites par le Pays sont passées à la trappe. Seules ont été retenues celles qui corroboraient les intentions de l’Etat d’effectuer des modifications à l’intérieur de ce statut. J’en veux pour preuve l’article 1er qui était une forte demande du Pays (…) L’écriture de cet article 1er est un non sens, est un mensonge parce que le peuple polynésien n’a jamais voulu contribuer à la mise en place des essais nucléaires en Polynésie (…) » Quant à la modification apportée : « On vient dire qu’on veut le repentir et on fait tout pour éviter qu’on aboutisse à cet objectif. »