Lors de son discours devant les membres du Comité des 24, au Timor-Leste, Mareva Kitalong-Lechat a dénoncé le « colonialisme » qui « incarne une vision du monde dépassée, incompatible avec les valeurs actuelles de justice, d’égalité et de respect des peuples ».
« Il produit une violence sourde : déracinement culturel et intériorisation de l’infériorité. Cette spirale de dépendance altère la dignité des peuples. Certains en viennent même à justifier leur propre soumission selon une logique que l’on pourrait comparer au syndrome de Stockholm : la victime éprouvant de la compassion pour son bourreau », a asséné la représentante officielle du gouvernement Brotherson.
« Les nouvelles générations veulent encore moins que les générations précédentes hériter d’un monde fondé sur la domination (…) Elles aspirent au bien-être, au partage et à l’équilibre. Dans cette vision d’un monde juste, égalitaire et connecté, le colonialisme n’a définitivement plus sa place » a-t-elle ajouté, en réaffirmant la volonté du gouvernement d’aboutir à un « véritable processus de décolonisation et d’autodétermination, sous la supervision des Nations Unies ».
– PUBLICITE –
Mareva Kitalong-Lechat a aussi pointé du doigt les conséquences des « 193 explosions nucléaires » au fenua, et celles d’une « économie de dépendance » et d’une « politique française culturelle jacobine au détriment des langues régionales et de nos identités ».
« Il ne peut y avoir de développement durable sans souveraineté politique », mais aussi sans « la maîtrise pleine et entière de nos ressources, notamment stratégiques, la définition de nos propres priorités de développement, l’émancipation politique et culturelle du peuple ma’ohi, et enfin le respect de l’intégrité territoriale de la Polynésie française », a encore martelé la représentante du gouvernement, selon laquelle « il est temps d’engager, avec courage, un dialogue responsable entre partenaires égaux ». Un processus qu’elle souhaite voir « mis en œuvre très rapidement » sous la houlette du C24.
Lors de cette même réunion, les élus autonomistes Tepuaraurii Teriitahi et Benoît Kautai ont, eux aussi, pris la parole, pour prendre le contre-pied de la position du gouvernement polynésien.
« Nous sommes un Pays qui se gouverne librement au sein de la République française. Nous vivons pleinement nos traditions et notre culture. Nous parlons nos langues régionales au quotidien, y compris dans notre Assemblée », a fait valoir l’élue Tapura.
Revenant sur les dernières élections territoriales, elle a souligné que « 65% des électeurs ont voté pour un parti autonomiste ». « Parce qu’ils sont au pouvoir, les indépendantistes laissent entendre qu’ils parlent au nom de tous les polynésiens, il n’en est rien. Ils parlent au nom d’une minorité », a-t-elle dit.
Puis l’élue d’ajouter : « C’est aux polynésiens seuls de décider de l’avenir institutionnel de la Polynésie Française. Pas à un parti politique, encore moins minoritaire, pas à la France et pas aux Nations unies avec tout le respect que je dois à votre commission ».
Quant à Benoît Kautai, le maire de Nuku Hiva, il a soulevé « une réalité paradoxale : il est souvent plus facile d’obtenir écoute et soutien de l’État français que du pouvoir exécutif polynésien ».
« La France est géographiquement plus loin (…) et pourtant elle nous entend mieux. Elle se soucie du bien-être de nos populations et nous donne à nous, les maires, les moyens d’agir », a ajouté l’édile.
« Le pouvoir, dans toutes ses composantes, est entre les mains des Polynésiens autochtones. Alors (…) pourquoi parler de décolonisation dans un pays entièrement gouverné par ses propres enfants ? Où est la logique, où est la nécessité, lorsqu’un peuple se gouverne déjà librement sur son territoire, débat de son avenir, et élit démocratiquement ses représentants ? », a conclu Benoît Kautai.