C’est par une affaire d’homicide qu’a débuté la seconde session des assises de 2023, ce lundi matin à Papeete. Pour le premier jour sur les trois que va durer le procès, les juges et jurés de la cour d’appel de Papeete se sont penchés sur le cas d’un homme de 31 ans poursuivi pour le meurtre de son ex-beau-frère, le soir du 11 septembre 2020. Frappé de quatre coups de couteau au niveau de la nuque, ce dernier s’était vidé de son sang et était décédé peu de temps après l’altercation.
Condamné à plusieurs reprises pour des faits de violence sur la sœur de l’accusé, l’ex-compagnon avait passé l’après-midi avec elle chez un voisin, malgré une mesure d’éloignement ordonnée par les autorités judiciaires. Alcoolisé, il s’était ensuite rendu devant chez elle pour lui parler, prétextant vouloir récupérer des affaires. Elle s’était exécuté avec l’un de ses jeunes frère, qui avait ramené à l’homme sa barre d’haltères et ses poids. Celui-ci s’était alors énervé, suspectant son ex-compagne d’avoir un amant. Il avait sauté par dessus le portail pour la poursuivre chez elle, l’avait attrapée par la nuque, jetée par terre, puis s’était allongé sur elle pour l’étrangler.
L’accusé, deuxième frère impliqué, était intervenu pour le maîtriser et y était parvenu. La suite était allée très vite. Alors que l’ex-compagnon s’apprêtait à quitter les lieux, il s’était retrouvé, avec son haltère dans les mains, face à un troisième frère. Pensant que l’homme allait s’en prendre à son petit frère, l’accusé l’avait frappé de 4 coups de couteau au niveau de la nuque, sectionnant la carotide. L’ex-compagnon, poursuivi par les trois frères, s’était enfui chez un voisin, où les pompiers et le Smur avaient rapidement constaté son décès.
Un geste inexpliqué
Devant le tribunal, l’enquête de personnalité de l’accusé a pourtant décrit un homme calme, de nature réservée. Un homme qui n’a « jamais posé de problèmes » et qui est « aimé et respecté de sa famille » , a expliqué sa mère, appelée à la barre pour témoigner. « Le plus doux » de la famille, a soutenu la sœur, « le plus tranquille des trois frères » , selon le voisin. Incarcéré depuis septembre 2020 à Nuutania, il y fait preuve d’une bonne conduite et y occupe un poste de cantinier, qui lui permet d’indemniser mensuellement les parties civiles.
À la question « Comment expliquez-vous ce geste ? » , la même incompréhension est donc revenue en guise de réponse. La force et la profondeur des coups, tels que le quatrième a brisé la lame, et le fait que l’accusé ait vécu deux ans par le passé avec sa sœur et son ex-compagnon sans qu’il n’y ait « aucun problème » renforcent l’incrédulité de la famille.
« Il ne va plus t’emmerder »
Longuement interrogée, la sœur de l’accusé est revenue sur sa relation avec la victime, connue des forces de l’ordre et de la justice. Mère de deux jumeaux âgés de dix ans, elle avait en effet plusieurs fois porté plainte pour des faits de violence conjugale. Elle avait ainsi été équipée d’un Téléphone Grand Danger, outil attribué par le procureur de la République aux victimes de violence pour qu’elles puissent appeler à l’aide à n’importe quel moment.
Expliquant être paralysée par la peur de son ex-compagnon et décrite à plusieurs reprises comme influençable, elle n’avait pas réagi lors des visites nocturnes quasi-quotidiennes de l’homme, malgré une interdiction de contact, pas plus qu’elle n’avait réagi l’après-midi du meurtre quand il l’avait invitée à boire chez son voisin. C’est sa mère qui, sachant l’homme violent, était alors allée la chercher.
De cette relation violente, elle n’a en effet jamais parlé directement à sa famille, qui avait toutefois compris l’enfer conjugal qu’elle subissait. Selon l’enquête, l’accusé aurait ainsi déclaré à sa sœur, tout juste remise de son agression le soir du meurtre, que son ex-compagnon n’allait « plus l’emmerder » .
L’audience est prévue sur trois jours, avec l’examen des faits, l’audition des témoins et des experts ce mardi. La cour rendra sa décision mercredi. L’homme encourt 30 ans de réclusion criminelle.