Heremoana Maamaatuaiahutapu : « Je pense qu’il y a des sujets que nous seuls pouvons porter »

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Limite des abus en mer, ZEE, DCP dérivants... Après la conférence des Nations Unies sur les océans qui s’est achevée vendredi dernier à Lisbonne, le Ministre de la Culture et de l’Environnement chargé de la Jeunesse, des Sports et de l’Artisanat Heremoana Maamaatuaiahutapu était l'invité du journal.

Publié le 08/07/2022 à 12:53 - Mise à jour le 11/07/2022 à 15:12

Limite des abus en mer, ZEE, DCP dérivants... Après la conférence des Nations Unies sur les océans qui s’est achevée vendredi dernier à Lisbonne, le Ministre de la Culture et de l’Environnement chargé de la Jeunesse, des Sports et de l’Artisanat Heremoana Maamaatuaiahutapu était l'invité du journal.

TNTV : Ce n’est pas toujours évident pour les Polynésiens de comprendre les enjeux de ces rendez-vous sur la scène internationale, à l’instar de la conférence de l’ONU. Est-ce que vous pouvez nous les rappeler ?

Heremoana Maamaatuaiahutapu, Ministre de la Culture et de l’Environnement: Il faut rappeler que nous avons été invités à cette conférence, et nous avons donc accepté l’invitation parce qu’en 2015 ce sont les leaders polynésiens réunis  à Taputapuātea qui ont signé un pacte pour porter la question de la protection des océans au plus haut niveau dans l’agenda international, parce qu’on parlait avant tout, quand on parlait du changement climatique, de la protection des forêts et on oubliait plus de 70 % de la surface de la terre qui sont les océans.

Nous sommes à l’origine de cette prise de conscience autour de d’océan. Il fallait que le plus grand nombre possible de leaders du Pacifique soient présents. Is ont été sollicités sur cette conférence parce qu’il s’agit, encore une fois, d’enjeux importants pour nous. Pour nous, protéger les océans ce n’est pas seulement pour aujourd’hui, c’est pour demain aussi. Mais quand on parle du réchauffement climatique et des conséquences, elles ne sont pas pour les grands pays pollueurs, elles sont avant tout pour nous. Quand on parle de l’acidification de l’océan, quand on parle de l’augmentation de la puissance des cyclones, c’est déjà une réalité dans beaucoup de régions océaniques du monde. C’était important de participer à cette conférence et surtout d’apporter le message des leaders du Pacifique.

Lire aussi : Conférence de l’ONU sur les océans : la Polynésie a porté la voix des pays du Pacifique

Ce message, quel était-il ?

Principalement de dire que on est d’accord sur les objectifs de développement durable, notamment sur l’objectif de protéger 30 % des ZEE (Zone Économique Exclusive), mais ce n’est pas suffisant. Les ZEE ne représentent par exemple dans le Pacifique que 30 % de l’océan, que fait-on sur les 70 % qui restent et qui représentent une zone de non-droit ? Nous la Polynésie française nous avons demandé à ce que cette zone internationale ne soit plus une zone où l’on peut faire tout et n’importe quoi, et que ça devienne un classement, un héritage pour nos générations futures. Quand on parle d’aire marine protégée dans les ZEE, pourquoi ne pourrait-on pas surtout protéger la haute-mer ?

« Je pense qu’il y a des sujets que nous seuls pouvons porter »

Heremoana Maamaatuaiahutapu

Vous en parliez un peu plus tôt, c’est un message commun au peuple du Pacifique que vous avez diffusé à Lisbonne. La Polynésie fait partie du Forum des îles du Pacifique depuis 2016 seulement et c’ est en son nom également que vous avez pris la parole à Lisbonne. Pourquoi la Polynésie est la plus à même de le faire

Nous avons été plusieurs membres du forum à prendre la parole à différentes session de très haut niveau. Pour la première fois, effectivement, le forum a sollicité l’intervention de la Polynésie française. Je pense qu’il y a des sujets que nous seuls pouvons porter.

Nous avons une certaine liberté de parole sur certains sujets comme les DCP dérivants (dispositif de concentration de poissons utilisés dans la pêche industrielle). C’est nous qui avons porté ce sujet sur la scène internationale pour dire qu’il faut vraiment réglementer la pêche au DCP dérivant. Pourquoi? Parce que nous n’utilisons pas cette technique de pêche, nous n’utilisons que la pêche à l’hameçon d’une part et surtout nous ne vendons aucune licence de pêche à des flottes étrangères. Il n’y a que nous qui pêchons dans notre ZEE donc nous avons cette légitimité pour dénoncer ces pratiques qui se passent dans la haute mer. Ces DCP deviennent des déchets que nous récupérons et que nous traitons, nous avons nettoyé par exemple les DCP arrivant à Rangiroa, à Amanu… Nous avons un programme de nettoyage de nos îles mais qui coûte énormément d’argent. Pour e nettoyage, personne ne vient nous aider donc il est temps que ce message sois  porté sur la scène internationale. Arrêtons d’utiliser des techniques de pêche qui sont impactantes. Le président Fritch le dit depuis 2009n ce sont des techniques de pêche qu’il faut vraiment arriver interdire dans le Pacifique

« Il y a une vraie guerre stratégique, de géopolitique dans la région qui est en train de se jouer »

Heremoana Maamaatuaiahutapu

Vous parliez à l’instant de la liberté de parole de la Polynésie. Ailleurs, y a-t-il des pressions, notamment chinoises ?

C’est effectivement de plus en plus visible.

Vous l’avez ressenti, à Lisbonne ?

Très fortement, à tel point que dans la session de clôture où l’on devait voter les résolutions il y a eu un clash provoqué par le président de Palaos, parce qu’ il ne comprenait pas l’absence de Taiwan. Donc on voit bien que ce sont des enjeux géopolitiques entre les Chinois qui sont très présents (ils écrivent même parfois les discours de certains de nos leaders), entre Taiwan et les États-Unis aussi. Cela fait monter la pression pour certaines régions qui sont sous leur contrôle. Mais nous, nous n’avons aucun accord commercial ni avec la Chine, ni avec les États-Unis, ni avec Taiwan sur notre ZEE. C’est pour cela que nous avons parlé de cette problématique des DCP dérivants.

Les 3 pays que vous venez de citer, faut-il les considérer comme des partenaires ou comme des ennemis aujourd’hui ?

Je pense qu’il faut laisser les choses se clarifier. En tout cas, il y a une vraie guerre stratégique de géopolitique dans la région qui est en train de se jouer. Pour le moment nous ne sommes pas tout à fait concernés, mais il faut être très vigilant par rapport à ce qui se passe dans la région, par rapport aux investissements qui sont faits par les uns et par les autres. Je pense que la bonne nouvelle dans tout cela c’est aussi le retour de l’Australie autour de la table des pays du Pacifique.

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