Nuisances sonores : « Que veut-on faire de notre Heiva? » s’interroge Patrick Amaru

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Publié le 10/05/2017 à 20:44 - Mise à jour le 10/05/2017 à 20:44

Elle se lance dans l’arène… et n’a pas tardé à rencontrer ses premiers assaillants : Hi’o Atea est une nouvelle formation située à La Mission à Papeete. Elle participera, en juillet, au Heiva en catégorie Hura Ava Tau. La troupe de danse répète depuis le début de l’année à Fare Ute. Faute de notorité et d’autorisations, c’est confinée sur le parking de Wing Chong qu’elle met en forme sa prestation. Depuis un mois, Hi’o Atea peut répéter une fois par semaine à Excelsior : un site plus grand où la troupe peut organiser ses filages. Mais ce jeudi, à 19h, danseurs et musiciens ont été contraints d’écourter la répétition :  les forces de l’ordre menaçant d’une amende si l’orchestre poursuivait son « vacarme »… 
Taiau Peretau, le chef de groupe, déplore la situation : « On était en pleine répétition avec le groupe, on avait l’autorisation pour jouer entre 18h et 20h, et là, la brigade est venue pour nous dire qu’on risquait d’être verbalisés si on continuait à faire du bruit… Lorsque le Heiva commence, les plaintes tombent, mais les gens ne comprennent pas toujours que c’est pour eux et non contre eux que l’on monte nos spectacles. Ils sont heureux de venir au Heiva, de voir un beau spectacle, mais ils nous empêchent de le réaliser en amont! »

Il poursuit : « J’ai des danseurs qui viennent de loin, de Papara à Papenoo. Certains viennent de l’université après les cours, d’autres viennent à pied, en vélo, tout le monde se donne à fond pour faire en sorte que vous faire rêver sur To’ata… »

Un danseur ajoute : « Je trouve que le quartier est nul de nous faire ça. J’habite à la Mission, c’est mon quartier ici! Il n’est pas 19h, mon quartier se plaint du bruit! Comment les jeunes peuvent apprendre leur patrimoine? »
 

Pour Patrick Amaru, auteur du thème de Hi’o Atea :  » C’est malheureux! On a des jeunes qui se débrouillent pour venir répéter pendant 6 mois. Pendant ces 6 mois, ils ne traînent pas au bord des routes. Ils ne font pas de bêtises. Et on vient tout de même les embêter ! On les empêche de vivre cette culture qu’on dit vouloir leur transmettre. Il faudrait réfléchir à ce que l’on veut! Qu’il y ait le Heiva ? Pour échapper aux nuisances qu’on fasse des salles insonorisées! Mais on n’a pas les moyens! Alors que fait-on? Les dispositions qui ont été prises l’année dernière sont bonnes, à mon avis. Pendant la période de préparation du Heiva, jusqu’en juillet, les groupes peuvent répéter jusqu’à 20h. C’est une heure raisonnable. Ca fait plus de 10 ans que je participe à cet événement, et chaque année c’est la même chose. Et après, on est fiers de voir nos danseurs, de les voir porter haut notre culture à l’étranger, on fait des concours…. mais on coupe la branche sur laquelle on est assis »!  

L’auteur dénonce la schizophrénie des autorités qui à la fois souhaitent renforcer les traditions et leur transmission, tout en sanctionnant leur pratique. Il plaisante : « Cela pourrait bien être le thème de l’un de mes prochains textes ! »

« Samedi, nous rencontrons le maire avec la Maison de la Culture, qui organise le Heiva. C’est un sujet que je vais soulever et je ne serai pas le seul. Tout le monde a des problèmes pour trouver un lieu pour répéter. Qu’est-ce qu’on veut ? Qu’il n’y ait plus de Heiva? On débute, on n’est pas connus, c’est difficile de trouver un lieu pour répéter. Il faut que l’on trouve des solutions », conclut le chef de la jeune troupe. 

En 2016, José Thorel, alors procureur de la République, avait tranché la question indiquant que vivre en Polynésie, c’était aussi vivre avec ses traditions. Alors que les nuisances sonores étaient reconnues et intégrées au code de l’environnement polynésien, des dispositions devaient permettre aux « nuisances culturelles » de bénéficier d’une dérogation de février à juillet, le temps de préparer le Heiva. Les forces de l’ordre auraient indiqué aux danseurs et musiciens ce jeudi que la loi ne s’appliquant qu’à partir du 1er juin prochain, ils étaient donc hors cadre…

Les 29 formations inscrites cette année ont encore deux mois pour se préparer. Hi’o Atea, comme son nom l’indique, regarde vers l’avenir en espérant offrir un beau spectacle, le 7 juillet, aux spectateurs de To’ata. 

Laure Philiber
 

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