Les étranges créatures de Margaux Bigou, illustratrice au fenua

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Après une dizaine d’années passées dans la jungle parisienne, Margaux Bigou est revenue à ses origines sud-océaniennes. Des fonds de la capitale à ceux de la mer calédonienne, portrait de cette illustratrice installée à Tahiti.

Publié le 30/08/2022 à 14:42 - Mise à jour le 31/08/2022 à 17:07

Après une dizaine d’années passées dans la jungle parisienne, Margaux Bigou est revenue à ses origines sud-océaniennes. Des fonds de la capitale à ceux de la mer calédonienne, portrait de cette illustratrice installée à Tahiti.

« Mon père était une limace, ma mère était un papillon de nuit ». En parcourant les planches de Jérémiades, un fanzine aux allures de roman graphique qui raconte les états d’âme d’une chenille plaintive, on découvre un monde utopique fait de drôles de créatures. Un fourmillement de matière organique en quelques pages aux couleurs vives.

(Margaux Bigou: Jérémiades (Crédit : Margaux Bigou, 2022)

Ces couleurs sont caractéristiques de la risographie, procédé qu’utilise Margaux Bigou pour exprimer son besoin de retour à la nature. « La nature est tellement détaillée, on y trouve des formes très spéciales, psychédéliques, que ce soit dans les végétaux, ou les fonds marins avec les anémones». Difficile de compter sur la biosphère de la Seine ou du Trocadéro. Alors, elle retourne chez elle, en Nouvelle-Calédonie, et y retrouve ce qui fait le corps de ses illustrations, « des éléments qu’il n’y a nulle part ailleurs ». Un environnement sauvage, entre mythes traditionnels et excroissances de la nature, loin de l’asphalte grise des grandes villes.

Fascinée par les cultures océaniennes, elle les intègre volontiers dans ses éditions. Son zine Looooops, qu’elle conçoit avec le collectif Riso sur Mer, est un livret qui se lit à l’infini, s’inspirant de la connaissance polynésienne du cosmos, par rapport aux calendriers lunaires, des pêches, ou au lever des pléiades.

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À l’image de ses inspirations Ian Mackay, Charles Burns côté américain ou Moebius côté français, Margaux conçoit des univers rêveurs, parsemés des humeurs bien réelles des créatures qui y habitent.   

À Tahiti, elle est d’abord intervenue dans l’école Mairipehe, à Mataiea. Aux abords de l’établissement, on peut voir une boîte à livres décorée par ses soins, posée là comme une capsule extra-terrestre. L’objet est intrigant et invite à en découvrir le contenu :

Au gré des voyages, elle élargit sa palette à la sculpture ou la peinture sur bois. Si elle a suivi un cursus de cinéma d’animation à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (« Arts-décos », pour les initiés), elle ne se tourne finalement pas vers ce format. C’est bien dans l’édition qu’elle exprime le mieux ses idées.

Dans Jérémiades, Margaux plie des coins de page, qui, une fois soulevés, donnent à ses personnages une nouvelle ampleur, comme libérés de leurs cases. Coïncidence ou démarche réfléchie, lorsqu’elle était encore à Paris, Margaux a écrit son mémoire sur le referendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Elle a ainsi créé une installation immersive où elle projetait des images et des sons rappelant l’océan. La cabane était recouverte de bambou et végétaux récupérés dans les serres calédoniennes… et dans le jardin d’acclimatation à Paris. « On fait avec ce qu’on a ».

Aujourd’hui, elle est en résidence artistique portée par les ateliers Médicis. À Taapuna, avec une dizaine d’enfants, elle travaille à la création d’un livre pour le salon du livre qui aura lieu en novembre. Elle intervient ponctuellement dans d’autres établissements pour montrer son travail et inspirer les jeunes polynésiens, comme les élèves de Première Communication visuelle au Lycée Don Bosco de Pirae. Une source de motivation pour avancer sur leur projet de fin d’année, à savoir réaliser collectivement une édition de visuels scénarisés.

Parallèlement à cette activité, elle participe à une exposition virtuelle, le fanzineist Vienna, et prépare un festival à New-York (ndlr : la Printed Matter’s New York Art Book Fair) une ville qu’elle connaît déjà pour avoir étudié à l’école de Design de la Parsons.

Quant à son avenir sur le fenua, elle cherche à mener d’autres projets collaboratifs et imagine un endroit rassemblant les artistes de Polynésie et du Pacifique, afin de donner un élan concret au créateurs locaux.

Pour les curieux : Qu’est-ce que la risographie ?

C’est un mélange entre impression numérique et sérigraphie qui offre une esthétique unique grâce à la superposition des couleurs. Avec une machine d’origine japonaise qui fonctionne au laser, on peut convertir les fichiers en niveau de gris, ce qui permet d’obtenir de superbes dégradés.

Pour les (très) curieux : comment ça marche ?

En passant dans le tambour, le master, un fin papier de riz, fait passer l’encre en très petite quantité. L’effet est proche de celui d’un pochoir et donne un résultat caractéristique de la risographie.

Les créations de Margaux Bigou sont à retrouver
au détour d’une session de plongée sous-marine,
sur sa page instagram ou sur son site internet.

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