C’est après une grosse journée de travail, la veille de la rentrée du Bataclan, que Caroline Teriipaia prend un petit moment dans son quotidien parisien pour nous raconter son parcours. Nous convenons d’un entretien d’une quinzaine de minutes : elle prend son poste avec le concert de Teyana Taylor le lendemain, et soyons clairs, elle n’a pas beaucoup de temps.
« Franchement, après cette journée, tout va bien. Mais il y a deux jours, j’aurais pas dit ça ! « . Pendant l’été, la canicule était si intense que les douze caméras de surveillance du lieu se sont stoppées net. Il a fallu contacter les réparateurs et les remettre en état de fonctionnement, sans quoi il était impossible d’organiser le concert. « On a à peine eu les caméras fonctionnelles aujourd’hui« . Un coup de chaud classique du métier.
Entre stress de la rentrée et organisation huilée, son rôle de régisseuse générale est un sacerdoce. Le régisseur général, ce n’est pas que celui qui fait venir des repas exotiques dans les loges des stars capricieuses. C’est tout simplement celui qui organise matériellement et logistiquement le bon déroulement d’un spectacle.
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Coordonner les équipes techniques et de sécurité ? Appelez Caro. Problème de matériel de lumière ? Appelez Caro. Problème de son ? Même numéro, c’est elle ou son collègue et duo Jean-Henri Ortet, dit « J.H », qu’il faut contacter.
Avec J.H, elle forme un binôme qui fonctionne bien, très bien même. Ils ont commencé à travailler ensemble sur le MaMA festival, à Pigalle. Un évènement où la phase de rodage n’existe pas, avec 120 concerts en 3 jours, sur 12 salles de spectacle. Ils s’en sortent si bien qu’ils décident de monter leur société de production, Soupe Miso Productions. Leurs coups d’éclat arrivent aux oreilles de l’ancien régisseur du Bataclan, qui est parti vers d’autres horizons le 20 juin et a donc confié la suite à « Caro et J.H « . L’aventure parisienne de Caroline prend un nouveau tournant.
Née à Paofai en 1985, elle part après son bac obtenu au fenua, direction Toulouse et un cursus en Histoire de l’Art. Pendant ses années fac, elle monte une association avec ses amis. Ils organisent d’abord quelques événements, des concerts, puis un festival… Elle comprend que c’est dans la musique et le spectacle vivant que s’écrira son futur.
Elle prend ainsi la casquette de tourneuse, ou bookeuse (organisatrice de tournée) pour des artistes en développement pendant 5 ans. Forte de cette expérience, elle entend revenir l’appel du terrain, où elle retourne en tant que chargée de production et en régie. Parmi les artistes qu’elle accompagne, Pomme et Tayc, pour ne citer qu’eux.
Bleu Citron, société de production de spectacles toulousaine avec laquelle elle travaille, lui a permis d’organiser des dates en Polynésie, à laquelle elle reste très attachée. Quand l’occasion s’y prête, elle n’hésite pas à faire venir ses artistes jusqu’à Tahiti, où toute la famille du côté de son papa est restée.
Tout roule pour Caroline en France, même si, forcément, le covid a laissé des traces. Elle qui est habituée à gambader partout et donner de sa personne n’a pas pu travailler pendant un an et demi. « J’étais parmi les gens non-essentiels de notre société », préfère-t-elle en rire. Son statut d’intermittente sécurisé, elle a tout de même pu s’en sortir avec les mesures exceptionnelles de l’année blanche. En 2020, l’État avait ouvert des droits aux allocations ce régime spécifique de l’Assurance chômage, ce qui n’avait pas suffi à sauver tout le monde.
C’est au cœur des ces moments d’incertitude qu’elle garde l’un de ses plus beaux souvenirs. Le 6 septembre 2020, elle était en régie de production avec Bleu Citron pour la venue de Brigitte Fontaine, à l’occasion de la réouverture de l’Olympia. « Tout était à l’arrêt, on ne savait pas ce que le monde allait devenir. Rouvrir cette salle mythique, remettre les lettes sur la façade où il était écrit « Prenez soin de vous » pendant 6 mois, on avait les larmes aux yeux« .
Depuis septembre 2021 et la levée progressive des restrictions sanitaires, le nombre de projets de spectacles explose, et les intermittents bien installés comme elle croulent sous le travail.
Prestataires du Bataclan, géré par l’Accor Arena (on préfère dire Bercy), elle et son équipe sont sollicités. Ce sont les productions des artistes qui les contactent pour y organiser un concert. La salle est louée à chaque évènement, et ensuite gérée par l’équipe permanente du Bataclan dont Caroline fait partie.
Mais la paire Caro – J.H a justement trouvé un équilibre, qui permet à chacun de s’exprimer dans autre chose que le seul Bataclan. Caroline n’a pas délaissé son passé de bookeuse, et elle a pu continuer ses activités avec Bleu Citron. Avec son amie Kora et la boîte de prod Ulysse Maison d’artistes, elle a aussi en tête la création d’un festival dans le Lot, le Mirza festival, du nom du chien fugace de Nino Ferrer. Un endroit réservé à la découverte d’artistes émergents et à la gastronomie française.
L’effervescence culturelle de la machine parisienne ne s’arrête jamais. Dans la capitale, Caroline concède vivre à un rythme effréné, certes grisant, mais bien loin de la douceur des îles. Elle prévoit déjà de revenir avec l’un de ses artistes en 2023. Avant de, peut-être, rentrer pour de bon avec son tane.