« Qui êtes-vous pour décider pour l’Iran et le monde? L’époque de telles déclarations est révolue », a réagi le président iranien Hassan Rohani –un modéré que le ministre américain a tenu à mettre, dans son discours, sur le même plan que les durs du régime.
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Le « non » américain à l’accord conclu en 2015 par les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) avec le régime de Téhéran pour l’empêcher de se doter de la bombe atomique a suscité la colère des Européens, qui avaient tenté, en vain, de négocier avec Washington des solutions pour le « durcir » et s’attaquer aux autres comportements iraniens jugés « déstabilisateurs » dans la région.
Cette décision induit le rétablissement total des sanctions américaines, avec un effet collatéral dénoncé par le Vieux Continent: les entreprises européennes devront abandonner leur présence en Iran si elles veulent garder l’accès au marché américain.
L’Union européenne attendait donc le discours de Mike Pompeo. Or le secrétaire d’Etat américain, connu pour sa ligne dure, ne leur a pas vraiment tendu la main. Il a réclamé le « soutien » des alliés des Etats-Unis à sa stratégie, et, tout en reconnaissant les difficultés des entreprises européennes, il a prévenu: celles qui conserveront des investissements dans des secteurs iraniens interdits par les sanctions américaines « seront tenues responsables ».
« Il n’y a pas de solution alternative » à l’accord sur le nucléaire, a réaffirmé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, estimant que le discours de Mike Pompeo « n’a démontré en rien » comment le retrait américain pourrait rendre « la région plus sûre ».
Dans son discours, l’ex-directeur de la CIA a assuré que les Etats-Unis allaient exercer une « pression financière sans précédent sur le régime iranien », avec « les sanctions les plus fortes de l’Histoire ».
Il a aussi promis de « traquer les agents iraniens et leurs supplétifs du Hezbollah à travers le monde pour les écraser ». Le ministère américain de la Défense a parallèlement envisagé de « nouvelles mesures » pour contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient.
Mike Pompeo s’est certes dit prêt à négocier avec le régime iranien un « nouvel accord » pour qu’il « change d’attitude ». Mais il a émis douze conditions dont il a lui-même reconnu qu’elles « peuvent sembler irréalistes ».
Sur le volet nucléaire, les demandes américaines vont bien au-delà de l’accord de 2015: l’Iran doit reconnaître la dimension militaire passée de son programme; cesser tout enrichissement d’uranium et fermer son réacteur à eau lourde; donner aux inspecteurs internationaux accès sans conditions à tous les sites du pays.
Téhéran, a-t-il poursuivi, doit aussi mettre fin à la prolifération de missiles balistiques et aux développement et essais de missiles à capacité nucléaire.
Enfin, la République islamique doit se retirer de Syrie où elle soutient le régime de Bachar al-Assad, cesser de soutenir des groupes « terroristes » (Hezbollah libanais, talibans afghans…), de s’ingérer dans les conflits ou les affaires de ses voisins (Yémen, Irak, Liban…), ou d’en menacer d’autres, comme Israël ou l’Arabie saoudite, a énuméré Mike Pompeo.
« L’idée d’un traité iranien géant me semble très difficile », a prévenu son homologue britannique Boris Johnson. Israël, premier soutien des Etats-Unis face à l’Iran, a en revanche salué la position « ferme » et « juste » de l’administration Trump.
« En échange de changements majeurs en Iran » sur ces douze points, les Etats-Unis sont prêts à lever, à terme, leurs sanctions et à « rétablir l’ensemble des relations diplomatiques et commerciales », a assuré le secrétaire d’Etat américain. « Au bout du compte, le peuple iranien devra faire un choix sur ses dirigeants », a-t-il lancé.
Ces derniers propos « soulignent à quel point la stratégie américaine est explicitement celle d’un changement de régime », a commenté Suzanne Maloney, chercheuse à la Brookings Institution. Selon elle, l’administration Trump « pense pouvoir obtenir des concessions maximalistes en utilisant, de manière unilatérale et malgré l’opposition de nos alliés, les mêmes outils déployés avec un vaste soutien international » avant 2015.
Au contraire, cette « pression maximale », qui rappelle la stratégie pour la Corée du Nord, a été saluée par des analystes conservateurs comme Mark Dubowitz, du think tank Foundation for Defense of Democracies.