La propriété foncière, un sujet de douleur et de conflit familial en Polynésie

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"La terre en Polynésie et la propriété foncière à l’épreuve des liens de parenté" : le colloque de l’UPF affichait complet vendredi matin pour sa deuxième journée. C’est que le sujet concerne presque tous les Polynésiens dans un contexte de raréfaction du foncier. Pour les organisateurs, il s’agissait d’expliquer et d’échanger sur les questions de terres et de parentés. Des questions particulièrement sensibles au fenua.

Publié le 25/09/2021 à 17:11 - Mise à jour le 26/09/2021 à 10:51

"La terre en Polynésie et la propriété foncière à l’épreuve des liens de parenté" : le colloque de l’UPF affichait complet vendredi matin pour sa deuxième journée. C’est que le sujet concerne presque tous les Polynésiens dans un contexte de raréfaction du foncier. Pour les organisateurs, il s’agissait d’expliquer et d’échanger sur les questions de terres et de parentés. Des questions particulièrement sensibles au fenua.

Universitaires, magistrats, notaires, géomètres, avocats et généalogistes… C’est sous l’angle juridique que la question sensible des terres a été abordée. Source de conflits, les droits sur les terres se heurtent aujourd’hui à la difficulté de reconstituer une généalogie en Polynésie. « En fait, il n’y a pas de problèmes de terres en Polynésie, il y a des problèmes de parentés » indique Tamatoa Bambridge, directeur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Des problèmes et un parcours du combattant qui s’avère douloureux pour les familles, d’où l’intérêt d’un éclairage historique, sociologique et culturel. « La principale difficulté, en réalité, c’est de refaire le lien entre l’ancêtre revendiquant au 19ème siècle et les revendiquants d’aujourd’hui. Et notamment de refaire le lien de filiation. Après il y a d’autres difficultés qui sont les différents statuts qu’accorde le code civil : enfant naturel, enfant biologique, enfant du terrain… et la manière culturelle de considérer les enfants et les enfants faamu » explique le directeur au CNRS.

C’est que dans le Tahiti d’antan, les Polynésiens n’avaient pas de conception patronymique du nom. Le nom étant associé à un statut, on pouvait en porter plusieurs au cours de sa vie : « Les gens peuvent naître sous un nom, et décider sous un autre, et on n’arrive pas à savoir si c’est la même personne. Donc là, c’est un choc culturel entre l’état civil et les pratiques anciennes » précise Tamatoa Bambridge. Et d’ajouter : « On a un problème des années 1880 à 1900. On n’a pas les éléments de l’état civil. Donc les juges essaient de reconstituer tout ça. Le fait que ça passe devant la justice, ça offre une garantie d’impartialité, mais cela reste difficile ».

« il faut aussi comprendre et se demander pourquoi on fait le partage ? Pour qui on va faire le partage ? Quel est le but du partage ? Aujourd’hui, on est dans un système qui est ancré dans un système européen de l’individualisme. Cet individualisme, à mon avis, n’est pas compatible avec la pensée, la philosophie polynésienne. Et c’est ce qui provoque des tensions » déclare Maxime, participant au colloque, académicien des Tuamotu et membre de plusieurs associations.

Si dans son élan, la modernité a entraîné la Polynésie dans une démarche de propriété individuelle, Rapa veut s’inscrire à contre-courant. Pour l’association Oparu Paururu ia Rapa de Roti Make, il n’est plus question de sortir de l’indivision : « Je réfléchis à un moyen de pouvoir satisfaire toute ma famille, parce ce qu’il y a à dire, c’est que Rapa appartient à un clan et à plusieurs tribus. (…) En 1999, je suis allée un peu partout et j’ai distribué à ma famille une pétition, une sollicitation de signatures, pour que nous revendiquons notre patrimoine. Ce n’est pas un patrimoine individuel, mais collectif. Donc c’est une revendication collective qui fait que nous ne voulons pas sortir de l’indivision.Nous voulons préserver cette indivision, nous voulons renoncer au cadastre, renoncer à la vente des terres, renoncer au bail parce que nous ne voulons pas louer nos terres ».

Pour construire sa maison, la démarche consiste ainsi à demander l’usufruit d’une parcelle au « tauhitu », le conseiller des sages. « Dans cet accord, il n’est pas propriétaire individuel de la terre, il est ayant-droit d’une propriété collective. Il a l’usufruit. Là où il construit, il devient usufruitier » rappelle la présidente de l’association. Un système qui ne laisse pas de place aux transactions de foncier pour une gestion plus familiale des terres en indivision : « Lorsque les personnes s’octroient une terre avec un titre de propriété, ils ont donc le droit de vendre la terre, mais à Rapa, on ne peut pas. Et si tu as des problèmes financiers, la banque ne peut pas venir saisir ta terre. Si tu as des dettes financières, tu ne peux pas donner ta terre en garantie. Donc nous ne pouvons pas hypothéquer nos terres. Si nous allons déclarer nos terres et que nous sommes dans le cadastre, nous devenons donc des hypothécaires. C’est-à-dire que nous hypothéquons pour avoir de l’argent. Et donc nous pouvons faire des transactions. Chez nous, on ne peut pas faire de transaction avec notre terre ».

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