Jonas, espoir polynésien du jeu vidéo

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Passionné de jeux vidéo depuis petit, Jonas est le premier Tahitien à s’être qualifié pour la demi-finale des régionales de l’Intel Open World. L’événement, en partenariat avec les Jeux Olympiques de Tokyo, rassemble les plus grands gamers du monde entier autour des jeux Street Fighter 5 et Rocket League. Portrait.

Publié le 10/06/2021 à 17:40 - Mise à jour le 10/06/2021 à 17:40

Passionné de jeux vidéo depuis petit, Jonas est le premier Tahitien à s’être qualifié pour la demi-finale des régionales de l’Intel Open World. L’événement, en partenariat avec les Jeux Olympiques de Tokyo, rassemble les plus grands gamers du monde entier autour des jeux Street Fighter 5 et Rocket League. Portrait.

C’est timidement que Jonas, plus d’1m90, nous déclare s’être qualifié pour la demi-finale des régionales de l’Intel Open World en jouant à Street Fighters 5. Dans la région Océanie, il est le seul Tahitien à s’être démarqué lors des qualifications en ligne face aux Néo-Zélandais, aux Australiens ou encore au Tongiens.

« Dès que j’ai vu que la Polynésie française était éligible, je me suis dit « aller on y va ». Un peu aussi pour voir à quel niveau on est par rapport au reste du monde, parce qu’on jouait entre nous […] N’importe qui pouvait s’inscrire », explique le joueur.  

« Les Néo-Zélandais étaient verts ! […] Il a un niveau monstrueux […]. Il les a massacrés », s’esclaffe de son côté Junior, le gérant de la salle de jeux vidéo dans laquelle Jonas se rend souvent avec ses amis.

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L’Intel Open World réunit les meilleurs joueurs du monde entier autour des jeux Street Fighters 5 et Rocket League. Jonas, lui, fait partie des 16 meilleurs joueurs dans la région Océanie. Un classement qu’il mérite d’autant plus quand on sait que le temps de latence (NDLR : l’écart de temps entre l’action réalisée par le joueur et l’action effectuée en ligne) au fenua est 10 fois plus élevé que chez nos cousins maori.

« À cause de la distance, ce temps-là est plus important. Nous, on est en plein milieu du Pacifique. On joue sur les serveurs US donc on est relié à Hawaii. […] Chez nous, le temps de latence est de 200 millisecondes. Aux Etats-Unis, il est quasi-nul », explique Junior.

« J’ai fait un test avec un des joueurs néo-zélandais. Quand j’ai vu, c’était à 20-25 millisecondes », enchaîne Jonas. « En tournoi, c’est super important. Surtout dans les jeux de combats où tu dois réagir, être précis dans tes mouvements ».

Deux câbles sous-marins permettent à la Polynésie de bénéficier de l’internet haut-débit : le câble Honotua, qui nous relie effectivement à Hawaii et dont les serveurs se situent aux Etats-Unis, et le câble Manatua, qui s’arrête aux Samoa américaines. Selon Junior, il suffirait d’une passerelle avec les Samoa indépendants pour pouvoir nous connecter aux serveurs situés en Australie, bien plus proche du fenua que le Pays de l’oncle Sam, ce qui permettrait à la Polynésie de bénéficier d’une connexion plus rapide.

Les jeux vidéo pour cadrer la jeunesse en créant du lien

À l’origine de la passion de Jonas, il faut remonter à la sortie de la toute première Play Station, il y a plus de 20 ans, quand il n’était encore qu’un jeune garçon. « J’adorais ça. En plus, on avait les jeux en anglais donc ça m’aidait aussi à apprendre l’anglais. […] On arrive à s’évader. Tu sens plus l’espace autour de toi, tu joues à ton jeu, t’es complètement dedans. C’est bien aussi pour avoir le sens de l’objectif. »

Aux Etats-Unis, alors que les fusillades se font monnaie courante, des élus républicains pointaient du doigt la responsabilité des jeux vidéo dans les tueries qui ont eu lieu à El Paso et à Dayton respectivement les 3 et 4 août 2019. Interviewé par Fox News à ce sujet, le chef de file des représentants républicains à la Chambre, Kevin McCarthy, faisait un parallèle entre le mode opératoire des tireurs et les jeux vidéo, convaincu que ces derniers familiarisaient les joueurs à l’utilisation des armes à feu dont le port est légal aux Etats-Unis.

Un rapprochement de cause à effet complètement infondé pour Junior. Selon lui, les jeux vidéo permettent au contraire de développer des qualités, de transmettre des valeurs et de cadrer la jeunesse.

« L’ordre premier, c’est le respect. Et surtout, qu’ils [les joueurs] travaillent le mental. Pour le jeu vidéo, c’est énormément de travail mental […]. Ça renforce les réflexes, l’intuition, les actions, les réactions ». « Quand tu es jeune, tu as besoin de te sentir exister », rajoute Junior. « C’est pour ça qu’ils [les jeunes] se tapent dessus, parce qu’ils ont besoin de cette reconnaissance. Et le jeu vidéo, c’est le meilleur moyen. Au moins là, ils vont jouer, ils vont créer des liens ».

Un avis partagé par Jonas. « Je connaissais pas du tout le monde, je jouais avec mon frère à la maison. On en a entendu parler sur la page de TNA [NDLR : Tahiti Nui Arena, une association de gamers]. On s’est dit « eh il y a un tournoi Tekken [ndlr : jeu de combat], on va aller tester ». On est allé et c’est comme ça qu’on a connu le reste de mes amis qui sont ici ». « C’est un très grand réseau social en soi. Quand tu joues avec quelqu’un, tu interagis avec lui. C’est une interaction sociale comme une autre ».

Et si certains pointent du doigt la dépendance aux jeux vidéo, Jonas, qui travaille à temps-plein et doit trouver du temps pour sa passion, contredit les détracteurs du gaming.

« C’est généralement le week-end et quelques fois le soir, mais pas tout le temps. […] Je travaille dans une société de construction navale. Je fais du secrétariat, du commercial et de la comptabilité. Et ça me prend tout le temps de ma journée ».

S’il remporte la finale de la région Océanie qui comporte à sa clé un prize money, Jonas devrait automatiquement se qualifier pour la grande finale internationale qui devrait se dérouler en même temps que les Jeux Olympiques de Tokyo, dans la capitale japonaise. Et si le jeune homme attend de voir ce que l’avenir lui réserve, il confie ne pas dire non à une carrière de gamer professionnel si l’opportunité se présente à lui un jour.

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