Crash d’Air Moorea : les détails de l’ordonnance du juge d’instruction

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Publié le 14/03/2017 à 12:52 - Mise à jour le 14/03/2017 à 12:52

Le 9 août 2007, peu après midi, le Twin Otter d’Air Moorea s’abîmait en mer provoquant la mort du pilote et des 19 passagers. Près de 10 ans plus tard, le juge d’instruction en charge de l’affaire vient de rendre ses conclusions.

Il ressort du document que l’accident serait dû à la rupture du « câble à cabrer » de l’appareil en raison d’une usure importante non détectée par la compagnie qui aurait fait preuve de « graves négligences« .

Les experts judiciaires et les enquêteurs du Bureau d’Enquête et Analyses (BEA) ne sont toutefois pas tombés d’accord sur les raisons qui auraient pu précipiter cette casse. Les premiers évoquent de fortes turbulences rencontrées lors d’un vol, plus d’un mois avant le crash, et les second un « jet blast », le souffle des réacteurs d’un gros porteur qui aurait pu abîmer un peu plus le câble.

Reste que la maintenance des aéronefs par Air Moorea est particulièrement pointée du doigt comme en témoignent les auditions réalisées par les enquêteurs.

Un pilote décrit ainsi « une mauvaise ambiance portant préjudice à la sécurité ». Un  autre témoin évoque des « pannes à répétition sur certains appareils et la faible qualification du personnel », écrit le juge d’instruction. « Il faut absolument que la compagnie (…) change de philosophie. Nos avions étaient visuellement des poubelles, mal entretenues« , déclarait un autre pilote.

L’un de ses pairs disait ne pas être « étonné » de l’accident.  Un mécanicien décrivait, lui, un atelier où il y avait le « bordel partout« . 
Des pièces de rechange des appareils auraient également été usinées en Polynésie, au lieu d’être commandées au constructeur.

Le juge d’instruction demande donc le renvoi devant le tribunal correctionnel de l’ancien directeur général d’Air Moorea Freddy Chanseau. Il lui reproche de ne « pas avoir fait vérifier la tension du câble de gouverne de profondeur » et, « plus généralement », « de ne pas avoir exercé de contrôle effectif du travail de ses subordonnés pour la partie technique ». Ce qui aurait conduit à « l’usure excessive, puis à la rupture consécutive du câble à cabrer provoquant l’accident de l’aéronef« .

Le magistrat sollicite également le renvoi du directeur technique de la compagnie, du  » responsable production », du « responsable des études et de la documentation », du « contrôleur production et qualité » et, enfin, de la société Air Moorea elle-même.

En revanche, il prononce un non-lieu concernant l’ancien directeur de l’Aviation civile, un agent du Groupement pour la Sécurité de l’Aviation Civile (GSAC) et de cette entité estimant qu’il « n’existe pas de charges suffisantes » à leur encontre.

Une position inverse à celle du procureur de la République qui, dans son réquisitoire, en décembre 2015, demandait à ce que tous comparaissent devant le tribunal. Le juge d’instruction critique d’ailleurs le travail du représentant du parquet évoquant des « omissions », des « raccourcis » qui ne rendent « pas réellement compte de la complexité et des pans non-résolus du dossier« .

Du côté des proches des victimes de l’accident, cette ordonnance est très mal accueillie. Le président de l’association 9-8-7, Nikolaz Fourreau dénonce un « dossier extrêmement mal ficelé » et un « travail assez approximatif » du juge d’instruction. « Tout cela est scandaleux. Les services de l’Etat doivent être poursuivis parce que, sinon, ils sont là pour rien« , explique celui-ci.

L’association n’exclue pas de faire appel de l’ordonnance du magistrat. Elle appelle également à une manifestation, ce vendredi-midi, devant le palais de justice.

J-B. Calvas 

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