Vous avez annoncé votre participation à la marche en souvenir du premier tir nucléaire, organisée par Moruroa e Tatou et l’Eglise protestante ma’ohi. Faire cette annonce à la veille de la table ronde à Paris n’est pas anodin. Pourquoi ce revirement de position ?
« Il n’y a pas de revirement de position. Nous voulons interpeler le président de la République et lui dire « écoutez, 25 ans après la fin des expérimentations nucléaires, il y a encore des malades qui attendent d’être indemnisés. Je pense qu’il faut pas abuser de la patience des Polynésiens ». […] Ca, c’est le premier point. Deuxièmement, nous disons : « pourquoi la France ne reconnaît pas les conséquences génétiques de ces expériences nucléaires ? » Ca, ce sont les raisons et nous accompagnons et soutenons la démarche de l’Eglise protestante ma’ohi ».
C’est la proposition de loi qui a été présentée par Moetai Brotherson à l’Assemblée nationale, sur les problèmes transgéniques occasionnés par les essais nucléaires.
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« Oui mais la France n’approuve pas cette démarche-là. Deuxièmement, nous interpelons le président de la Polynésie française, Edouard Fritch, et lui demandons quelles sont les raisons pour lesquelles les deux responsables des deux partis les plus importants de l’opposition, pour quelles raisons sommes-nous exclus de cette réunion à Paris, de cette table ronde ? »
Edouard Fritch a confirmé qu’il avait lancé les invitations pour le Tahoeraa Huiraatira et le Tavini et ce sont les groupes qui ont refusé d’y participer.
« Faux ! Malgré tout le respect que j’ai pour lui, il a menti. Je n’ai jamais reçu d’invitation. Alors, peut-être qu’il a invité Teura Iriti mais Teura Iriti ne représente pas le Tahoeraa Huiraatira. Le président seul peut représenter le Tahoeraa Huiraatira et nous n’avons pas été invités ».
Pourtant Gaston Flosse, d’aucun pourrait y voir dans cette démarche une intention de récupération politique, comme pour le statut d’Etat associé, l’équivalent de la souveraineté, que vous prônez aujourd’hui. Comment montrer votre bonne foi pour le combat du nucléaire aujourd’hui ?
« Pour le statut de souveraineté, il nous fallait attendre et nous former et prouver aux yeux de la France que nous sommes capables d’être un Etat souverain. 36 ans d’autonomie, là également, il n’y a plus rien à prouver. Mais pourquoi la France nous refuserait cette souveraineté ? Nous sommes arrivés au point où ça suffit. C’est comme le disait Jacques Chirac, ne serait-ce que pas reconnaissance envers nous, Jacques Chirac disait « la France a une dette envers la Polynésie ». Alors il y a l’indemnisation des malades, il y a également la reconnaissance de notre revendication pour la souveraineté. La souveraineté, c’est l’aboutissement de ces 36 années d’autonomie ».
« En tout cas, moi je n’ai pas menti à la population comme le dit le président Fritch. Moi je n’ai fait que répéter ce qui m’a été dit ».
Gaston Flosse, président de Tahoeraa Huiraatira et ancien président de la Polynésie française
Vous avez été complice Gaston Flosse durant toutes ses années sur les expérimentations nucléaires de l’Etat, à l’époque. Vous étiez complice.
« Oui. Moi j’ai cru aux engagements pris par les deux présidents de la République avec qui je me suis entretenu sur cette question. A savoir François Mitterrand, qui m’avait dit qu’il n’y avait rien à craindre, qu’il n’y avait aucun danger pour la santé des populations. Et également Jacques Chirac, lorsqu’il a voulu reprendre ces expérimentations, je suis allé à sa rencontre à Paris, et lui également m’a confirmé qu’il n’y avait aucun danger. Nous avons été trompés. Peut-être même que ces présidents ont été trompés par les experts du CEA, ou par les ingénieurs. Mais en tout cas, moi je n’ai pas menti à la population comme le dit le président Fritch. Moi je n’ai fait que répéter ce qui m’a été dit. Et aujourd’hui, force est de constater qu’il y a des malades, des atteints du cancer. Et, ce que je dis n’est pas digne de la France, ils [ndlr : le gouvernement français] n’acceptent pas les indemnisations comme ça devrait être. Ca devrait couler de source, ça devrait être des choses faciles ».
Comment comptez-vous faire accepter votre présence vendredi, au milieu des anti-nucléaires, auxquels vous vous êtes fortement opposé durant toutes ces années, devant le monument aux victimes nucléaires que vous avez eu l’intention une année de faire retirer ?
« C’est parce qu’au bout de 25 ans, nous disons à la France : « vous devez indemniser ces malades ». On peut presque dire ces martyres de la bombe atomique, qui sont morts pour la bombe. Quelle est la reconnaissance de la France envers eux ? Ils ne sont pas exigeants, ils demandent simplement à être indemnisés. Et je soutiens cette démarche de l’Eglise protestant ma’ohi, et j’interpelle le président de la République française pour lui dire « ça suffit. 25 ans, ça a assez duré. Indemnisez ces malades et reconnaissez les conséquences génétiques de cela ». Et la deuxième démarche, c’est pour interpeler le président Edouard Fritch : « pourquoi nous avez-vous exclu de cette table ronde ? quel est le motif ? » ».