« L’abstention reste un avertissement qu’il ne faut pas négliger » prévient Semir Al Wardi

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Semoir Al Wardi, maitre de conférence en sciences politiques est revenu pour nous sur les résultats de ce premier tour de l'élection présidentielle. Il était notre invité lundi.

Publié le 12/04/2022 à 14:01 - Mise à jour le 12/04/2022 à 14:02

Semoir Al Wardi, maitre de conférence en sciences politiques est revenu pour nous sur les résultats de ce premier tour de l'élection présidentielle. Il était notre invité lundi.

On a entendu Eric Minardi expliquer que, au vu des résultats, Te Nati devient en quelque sorte le 2e parti de la Polynésie. Comment analysez-vous ces propos ?
« Pour être comptabilisé comme un parti politique de la Polynésie, l’élection principale c’est l’élection territoriale. Donc à mon avis il faut attendre l’année prochaine pour dire exactement quel est l’ordre des partis ici en Polynésie. »

Le vote Rassemblement National, comment l’explique-t-on alors que l’idéologie de ce parti se fonde sur une identité nationale très métropolitaine ?
« Je ne vais pas parler de tout l’outre-mer. Je vais parler de la Polynésie française. En Polynésie française, il y a trois aspects dans le vote. Le premier aspect c’est un vote qui va entre 10 et 30% des résidents en Polynésie qui votent selon les critères métropolitains, donc qui votent directement Macron, Le Pen etc. parce qu’ils ont des convictions personnelles. Deuxièmement, et ça c’est quand même la majorité des Polynésiens, ils vont voter en fonction des demandes des leaders politiques locaux c’est-à-dire les directives des tavana ou du président de la Polynésie.
Et puis le troisième élément qui est très important c’est l’abstention. parce que ici, l’abstention est quand même de 70%. En métropole c’est 70% de participation et on a ici 70% d’abstention. C’est un chiffre considérable, surtout quand on regarde par rapport aux autres élections. Et on voit que depuis 2007 en fait, où on avait quand même 69% de participation, eh bien en 2013 on descend à 49, 2017 38% et là 30% à peu près.
On voit qu’il y a, par rapport aux anciens scores dans les participations, moins de la moitié de la moyenne générale. »

Oscar temaru a appelé à l’abstention pour la présidentielle. Il traduit ce fort taux d’abstention par « le souhait du peuple polynésien de s’administrer souverainement ». Vous, comment est-ce que vous analysez cela ?
« Quand on regarde les abstentions, il y a peut-être une petite partie qui répond à l’appel d’Oscar Temaru. (…) L’abstention aujourd’hui est un outil, une réponse électorale à part entière, elle sert à exprimer un malaise, une sanction à l’encontre des gouvernements sortants. Si le score de 40% Macron est un excellent score, (…) le Tapura ne doit pas oublier qu’il peut y avoir aussi une sanction de la part de l’électorat et donc le Tapura a 15 jours pour rattraper cela. »

Donc ce n’est pas forcément un succès pour le Tapura ?
« C’est un succès parce qu’il a quand même le double de Marine Le Pen, mais l’abstention reste une menace et un avertissement qu’il ne faut pas négliger. »

En Polynésie, au second tour, les votes d’oppositions peuvent-ils s’additionner pour combler le retard de Marine Le Pen sur Emmanuel Macron ?
« Ce n’est pas comme cela que ça se joue. Quand Tauhiti Nena se présente pour Eric Zemmour il s’agit ici essentiellement de se compter, il n’y a pas véritablement de soutien pour la politique nationale de ladite personne. Evidemment ce n’est pas valable pour tout le monde. Lorsqu’on vote Marine Le Pen à 19% il s’agit d’un vote qui s’est fait en fonction de l’offre politique en métropole. Et quand il s’agit de 40% pour Macron il s’agit véritablement d’aller dans le sens du président de la Polynésie. »

Et ce soutien de certains leaders locaux comme Tauhiti Nena, pour un candidat aux idées diamétralement opposées aux leurs ?  
« C’est pour se compter comme je vous le disais. Se compter c’est très important, parce que c’est ce qui ça donner une idée de ce qu’il va se passer aux législatives et surtout aux territoriales. 

Emmanuel Macron a 11 000 voix en 2017 parce qu’il n’est pas soutenu en Polynésie par un grand leader local, il passe à 24 000 parce qu’il est soutenu par Edouard Fritch. Inversement, Marine Le Pen est soutenue par Gaston Flosse en 2017, elle décroche 24 000 voix. Et en 2022 elle n’est pas soutenue par un grand leader local et elle a 11 000. Donc vous voyez que les deux candidats ont 11 000 quand ils ne sont pas soutenu et ils passent tous les deux à 24 000 quand ils sont soutenus. »

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