Procès de l’attaque d’un Parata : « Je me souviens juste de la fin, quand il m’a lâchée »

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Une guide d’excursions en mer était convoquée, ce jeudi, devant la cour d’appel, pour répondre de blessures involontaires. Le 21 octobre 2019, lors d’une sortie au large de Moorea pour observer des baleines et autres globicéphales, une touriste avait été attaquée par un Parata, ou requin longimane. Grièvement blessée, cette jeune mère de famille conserve aujourd’hui d’importantes séquelles.

Publié le 05/05/2023 à 10:04 - Mise à jour le 05/05/2023 à 21:47

Une guide d’excursions en mer était convoquée, ce jeudi, devant la cour d’appel, pour répondre de blessures involontaires. Le 21 octobre 2019, lors d’une sortie au large de Moorea pour observer des baleines et autres globicéphales, une touriste avait été attaquée par un Parata, ou requin longimane. Grièvement blessée, cette jeune mère de famille conserve aujourd’hui d’importantes séquelles.

Renvoyée pour blessures involontaires, cette guide de plongée, également patentée, avait été relaxée en première instance de ces faits mais condamnée à une amende de 150 000 F avec sursis pour ne pas avoir été en conformité avec la règlementation d’approche des baleines.

Le 21 octobre 2019, elle avait loué le bateau de son employeur habituel, pour organiser une excursion au large de Moorea, à la demande de certaines de ses connaissances et d’amis à elles. Une prestation facturée. Dès la première mise à l’eau, un Parata avait été repéré dans le sillage de globicéphales. À la troisième, la victime, une jeune mère de famille, avait été la dernière à se mettre à l’eau avec son jeune fils. Tous deux s’étaient retrouvés isolés du groupe.

Elle raconte la suite : « J’ai nagé. Je ne voyais pas le danger. J’ai enlevé mon masque car il y avait un peu d’eau dedans. J’ai remis la tête dans l’eau, c’est mon dernier souvenir. Après, il y a eu l’attaque. J’ai eu un blackout. Je ne m’en souviens pas du tout. Je me souviens juste de la fin, quand il m’a lâchée. J’avais tellement d’adrénaline que je pensais que je n’avais rien« .

Aujourd’hui, après 15 interventions chirurgicales, en Polynésie et en métropole, elle conserve de profondes séquelles de ce face à face avec le squale. « Je suis considérée comme consolidée mais avec un bras fragile et des risques d’infection. Ma main n’est plus du tout fonctionnelle. Ecrire, c’est impossible. Mais ma vie professionnelle a pu reprendre. Ma société m’a reprise avec mon handicap », a expliqué la jeune femme, désormais contrainte d’utiliser un logiciel pour écrire.

« C’est une nouvelle vie. On s’adapte. Il y a eu des moments très difficiles », a pour sa part témoigné son mari qui était présent, sur le bateau, lors de l’attaque.

« On n’est pas dans les Dents de la mer »

Selon le couple, la guide n’avait pas donné de consignes de sécurité particulières relatives aux requins. Le requin longimane représente pourtant, aux dires des spécialistes, un danger potentiel pour l’homme. L’une des personnes à bord de l’embarcation n’était d’ailleurs pas rassurée par leur présence. « Ne t’inquiète pas. On n’est pas dans les Dents de la mer. On n’est pas dans leur chaîne alimentaire », lui avait lancé la guide qui a estimé, à l’audience, que tout était en règle pour cette sortie.

« Certains ont voulu retourner à l’eau. Je n’y voyais aucun inconvénient. Je n’ai jamais vu ça« , a expliqué l’excursionniste qui a elle aussi été attaquée par le squale, sans être blessée : « il m’a mordu la palme. Je lui ai mis un coup de pied« . Aujourd’hui, elle dit ne plus être capable de retourner dans l’eau, en mer. « Je continue les sorties mais en tant que capitaine -de bateau, NDLR« .

À l’issue de son témoignage, la victime a déploré que la guide n’ait « jamais eu un mot pour » elle et ses proches depuis le drame. « J’ai vraiment cherché à discuter avec toi mais on m’a déconseillé de le faire. Je pense à toi et ta famille tous les jours », lui a répondu celle-ci, l’air abattu.

Au plan pénal, l’avocat général a estimé que la guide avait bel et bien manqué à son obligation de sécurité. D’une part, en ne faisant pas preuve d’assez de vigilance à l’égard de ses clients et, d’autre part, en ne les ayant pas informés de la dangerosité des requins présents et du comportement à avoir. Le ministère public a également considéré qu’elle ne disposait pas des documents en bonne et due forme l’autorisant à l’observation des baleines. Il a requis, à son encontre, une peine de six mois de prison avec sursis, ainsi qu’une interdiction d’exercer pour une durée d’une année. Il a également demandé la confirmation de l’amende de 150 000 F avec sursis.

L’avocat de la prévenue a plaidé la relaxe : « même si le bateau n’était pas forcément dans les règles, ce n’est pas ça qui a créé le dommage. C’est une causalité indirecte. Et la loi exige que cette faute soit d’une particulière gravité et que l’auteur avait conscience de mettre délibérément en danger quelqu’un, ce qui n’est pas le cas », à déclaré Me Smain Bennouar en marge de l’audience.

L’avocat a également cité un expert des squales selon qui il était « parfaitement acceptable de faire une mise à l’eau ». « L’expert a dit : ‘c’est la faute à pas de chance’. La dernière attaque d’un Parata en Polynésie remontait à 1972 », a-t-il conclu.

La cour d’appel rendra son délibéré le 17 août.

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