José Thorel :  » le cours de la justice ne s’interrompt jamais »

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Figure de la justice polynésienne, l'ancien procureur de la République José Thorel prend sa retraite. Il était l'invité de notre journal en français :

Publié le 20/07/2019 à 11:19 - Mise à jour le 25/07/2019 à 15:36

Figure de la justice polynésienne, l'ancien procureur de la République José Thorel prend sa retraite. Il était l'invité de notre journal en français :

Vous avez siégé pour la dernière fois lors d’une audience pénale de la Cour d’appel hier (jeudi NDLR). C’est avec un pincement au coeur que vous vous apprêtez à prendre votre retraite ?
« Tout à fait oui. Lorsqu’on a passé comme moi 32 années au service de la justice, ça fait quelque chose quand même que de raccrocher la robe comme on dit mais c’est pour arriver à la retraite, me rapprocher de ma famille et m’adonner à des activités sportives. J’espère continuer le va’a en Bretagne et l’apiculture. »

Vous avez donc été en fonction durant plus de 15 ans en Polynésie comme juge d’application des peines, puis procureur de la République avant d’être nommé substitut général. Avez-vous constaté une évolution significative de la délinquance au fenua durant cette période ?
« Il est évident qu’entre 1995, mon premier poste en Polynésie comme juge d’application des peines et aujourd’hui, 2019, la Polynésie et notamment Tahiti ont beaucoup changé. La justice s’est modernisée, s’est informatisée. Les choses vont plus vite. Et puis la délinquance elle aussi a changé. On assiste à l’émergence des drogues dures, de l’ice notamment qui fait des des ravages. Chose qui n’existait pas avant. »

Justement, vous le dites, l’ice n’existait pas il y a 10 ans. Il occupe aujourd’hui une grosse part du travail des forces de l’ordre. C’est une situation qui vous inquiète ?
« C’est une situation qui inquiète toutes les autorités que ce soit sanitaires, judiciaires, les forces de sécurité puisque l’ice est une drogue qui fait des ravages de santé publique puisque les personnes qui le consomment régulièrement connaissent des problèmes de santé notamment de santé mentale, et puis c’est un trafic qui alimente une sorte de banditisme contre lequel il faut lutter. On a vu le démantèlement ces dernières années de bandes organisées qui importaient cette drogue et qui la revendait sur le fenua. La lutte doit être extrêmement sévère. »

José Thorel vous étiez procureur de la République lorsque l’enquête sur le dossier Haddad Flosse portant sur un pacte de corruption présumé a été lancé. Près de 10 ans plus tard, l’affaire n’a toujours pas été jugée. Comment expliquer ces délais et est-ce qu’ils sont acceptables ?
« Vous savez, le cours de la justice ne s’interrompt jamais, il ne s’interrompt que lorsqu’une décision de justice définitive a été rendue. La justice c’est un peu comme une course de va’a. C’est parfois long, c’est difficile, parfois on chavire, il y a des aléas mais on finit toujours par franchir la ligne d’arrivée. ce dossier a subi des recours, des annulations, il est actuellement devant la Chambre de l’instruction et il devrait normalement être rejugé en première instance je l’espère prochainement. »

De nombreuses affaires ont impliqué des élus ces dernières années. Est-ce qu’elles ont servi d’exemple selon vous ?
« Il s’agit de la lutte contre les atteintes à la probité : la corruption, le trafic d’influence, le favoritisme dans l’attribution des marché publics. C’est une priorité nationale. Il ne faut pas oublier que le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a rappelé plusieurs fois qu’il était important en France de lutter contre ces dérives de certains élus, certains fonctionnaires, que ce soit en Polynésie ou en métropole où des affaires récentes l’ont encore prouvé. Je pense qu’à Tahiti, le tribunal de première instance et la Cour d’appel ont rendu des décisions fortes dans ce domaines qui ont je le pense servi sinon d’exemple en tout cas ont eu des vertus qui peuvent permettre d’empêcher la récidive. »

Vous vous apprêtez à prendre votre retraite. Avez-vous des regrets concernant certains dossiers ?
« Des regrets on en a toujours : des affaires non élucidées… Mais comme je vous le disais, le cours de la justice ne s’interrompt que lorsqu’une décision définitive est rendue. J’en veux pour exemple l’affaire de cette pauvre jeune fille Rachelle Aberos qui avait été enlevée, violée, tuée. Nous avons réussi à l’élucider 23 ans après grâce au code génétique. C’est dans ce sens là qu’il faut travailler : ne jamais refermer un dossier tant qu’une décision définitive n’est pas prise. »

Vous partez en août pour des vacances, vous revenez en Polynésie en octobre. Vous comptez rester en Polynésie encore longtemps ?
« Je passerais la première partie de ma retraite en métropole où j’ai de la famille notamment ma vieille maman. Il faut bien qu’on s’occupe de nos anciens. mais je laisse en Polynésie ma fille aînée qui est institutrice, mes mootua. J’y ai donc des liens de sang. Donc je reviendrais. »

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