Est-ce que cet acte aurait pu être évité si l’administration pénitentiaire avait suivi les demandes de l’accusé, à savoir être placé en cellule individuelle ? Pour Me Sandra Boulleret, son avocate, il n’y a pas de doute. « Oui, tout à fait. Nous avons la preuve au dossier qu’il l’avait demandé lorsqu’il a été incarcéré à Nuutania. Par ailleurs, lorsque l’accusé a été remis en liberté à l’issue de sa première condamnation, il devait faire l’objet d’un suivi socio-judiciaire* compte tenu du risque de récidive et que cela n’a pas été fait parce qu’il n’existe pas en Polynésie de structure qui permette d’aider et de canaliser ces délinquants sexuels ».
Pointant du doigt les « carences » de l’administration pénitentiaire, elle enchaîne : « A mon sens il y a deux problématiques dans ce dossier. On a laissé l’accusé dans la nature et ensuite, l’administration pénitentiaire n’a pas fait le nécessaire pour l’isoler et ne pas le mettre en contact avec de jeunes détenus. D’ailleurs, après les faits qui lui sont reprochés, il a été placé en cellule individuelle jusqu’à ce jour. Donc, c’était possible ».
Sa victime, à l’enfance chaotique et souffrant de troubles psychologiques, avait été condamnée pour agression sexuelle sur un mineur, alors qu’il était âgé de 17 ans et placé dans un foyer d’accueil suite à la séparation de ses parents. Agé de 19 ans au moment de son calvaire, il n’a pas cherché à se défendre par peur de représailles et aussi, étant sous traitement, il était dans un état semi-comateux, annihilant toute résistance.
Pour Me Annick Allain-Sacault, qui s’occupe de la défense de la victime, interrogée sur le fait que l’accusé aurait commis le viol pour prolonger son séjour en prison, alors qu’il avoue qu’il aurait demandé à sa victime de ne rien dire : « Ce n’est pas vraiment un paradoxe. disons qu’il voulait sans doute se laisser un peu de temps pour digérer l’événement. Le prévenu souhaite rester en prison, c’est en quelque sorte de sa part une demande de mesure de protection, puisqu’il sait que pour être traiter pour les troubles dont il est atteint, ce n’est qu’en prison qu’il pourra suivre le traitement anti-androgénique* qui sera convenable. Il a déjà eu par le passé de nombreuses affaires de viols sur mineurs, il n’a pas de famille, pour lui, la prison c’est la solution. Ce dossier pose un problème beaucoup plus important qui est celui de la mixité à l’intérieur de Nuutania, entre des détenus qui sont jeunes, atteints de troubles mentaux et des personnes qui ont été condamnées pour viol sur mineurs ».
En condamnant l’accusé à trente années de réclusion, les jurés ont exaucé son souhait. Prolonger son séjour en prison, « le seul endroit ou il se sent en sécurité et où il ne pourra pas faire de mal à des enfants ».
*Les anti-androgènes sont des médicaments agissant au niveau du récepteur des androgènes, et sont utilisés pour le traitement du cancer de la prostate métastatique. Les effets secondaires sont perte de la libido, impuissance.