Meurtre sous influences

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Publié le 21/02/2017 à 15:50 - Mise à jour le 21/06/2019 à 12:21

Sébastien T., 42 ans, filiforme et peu loquace, est un habitué du box des accusés. Condamné à 16 ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’un commerçant en 1995, il est resté plus de neuf ans en prison. En 2005, il est également condamné pour menaces de mort à l’encontre de son ex-compagne.

L’affaire qui l’a mené ce jour devant la cour d’assises de Papeete remonte au 12 juin 2015 à Raiatea. Sébastien, considéré par son voisinage comme un être « illuminé » se rend dans la cabane de son cousin Loïc située au fond de la vallée de Punamoe. Endroit, selon les dires de l’accusé, où plane un mauvais « mana ». « C’était un endroit programmé pour la guerre » a t-il déclaré durant ses dépositions et ses multiples versions des faits.

Selon lui, ce jour fatidique, les deux hommes s’adonnaient à une séance de vaudou lorsque le drame est arrivé. Sébastien s’empare d’un marteau et frappe violemment Loïc à la tête, parce que « c’était un sorcier et qu’il allait faire la même chose avec moi. » Expliquant, « On vit dans un monde de sorcellerie, et Loïc avait une mauvaise énergie ».

Que Loïc ait « une mauvaise énergie », c’est possible. Décrit comme une personne vivant seule, ayant des problèmes psychiatriques et « des rapports difficiles au sexe », il avait été incarcéré pour viol. Mais Loïc renvoyait une image différente à ses enfants.

« Mon père était un bon grand-père. Dès qu’il voyait nos enfants, il était content, il les serrait dans ses bras et il a tatoué le nom de ma fille sur lui. » explique son fils. Le voyant rarement, il s’est rendu compte que son père avait beaucoup d’amis, lors de la veillée du corps. « il y avait beaucoup de gens qui disait du bien de lui. » Pour ce fils, l’important dans ce procès est que son assassin paie et que les gens aient de son père, « une bonne image ». « Il a payé sa dette à la société, et depuis il n’a plus jamais fait de conneries. »

Titania est la sœur de Loïc. Elle le décrit comme instable psychologiquement, « mais cela est dû à une carence affective que j’ai essayé au mieux de combler.. Mais voila, je ne suis pas sa mère » constate-elle amèrement. Elle qui a essayé de s’en occuper comme l’un de ses enfants, alors que leur mère les a abandonnés. Sébastien, le meurtrier de son frère, elle le connait. « c’est quelqu’un qui m’a cherché pas mal de noises. Mais lui aussi est victime de manipulations… de la part de toute sa famille » précise t’elle.

Quant à savoir ce qui, d’après elle, s’est passé ce 12 juin: « je n’en sais rien, tout ce que je peux dire c’est mon frère était sous influence, il ne me parlait plus, me tournait le dos. Mais je connais mon frère et je savais que tôt ou tard il retournerait vers moi. » Quant à la thèse selon laquelle Loïc aurait fait peur à Sébastien, « c’est du pipeau. » Pour elle on cherche à faire passer pour fou l’assassin de son frère.

Pour Maître Anabelle Roy Cross, l’avocate de la famille de la victime, ce que l’on retient de Loïc « c’est qu’il a fait de la prison il y a quarante ans, qu’il avait des problèmes mentaux et que finalement, il a fini assassiné seul dans une cabane. Mais c’était un homme qui avait une famille. (…) C’est cela que l’on oublie. Derrière son passé, dans le présent, c’était une personne à part entière. »

Quant au profil de son bourreau: il est décrit comme potentiellement « psychotique » selon les experts.  Fragile, sensible et ne supportant pas les quolibets à son égard. Il n’a pas connu son père, un militaire marié, et sa mère a quitté ce monde alors qu’il avait 10 mois. Il a été élevé par sa tante.

Toute sa vie à la recherche de ses racines, il avait le sentiment d’avoir été enlevé petit, et qu’on lui voulait du mal. Ses problèmes psychiques ne l’ont pas empêché d’exercer plusieurs professions dont celles de jardinier et de guide.

Pour Me Aureille, l’avocat de Sébastien, son client est irresponsable. « Le psychiatre qui est loin d’être complaisant reconnaît que mon client a le discernement altéré ». Abondant dans le sens de l’accusé, à savoir le mauvais mana de la vallée de Punamoe, qui l’aurait poussé à agir « le mana, ce n’est pas simplement des superstitions, ce sont des énergies, des vibrations. Quand on a fait la reconstitution des faits, j’ai ressenti un profond malaise sur ce lieu. »

Sébastien encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Responsable de ses actes ou sous le coup de troubles psychiatriques ? La cour se prononcera demain.
 

Rédaction Web avec Laure Philiber et Esther Parau-Cordette

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