Violences sexuelles dans l’Église : un cardinal au cœur d’une nouvelle affaire

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Tsunami dans l'Église : l'épiscopat a révélé lundi que 11 anciens évêques avaient eu affaire à la justice civile ou la justice de l'Église pour des violences sexuelles ou de la "non dénonciation", et révélé une conduite "répréhensible" de l'ancien archevêque de Bordeaux, le cardinal Ricard.

Publié le 07/11/2022 à 15:20 - Mise à jour le 07/11/2022 à 15:31

Tsunami dans l'Église : l'épiscopat a révélé lundi que 11 anciens évêques avaient eu affaire à la justice civile ou la justice de l'Église pour des violences sexuelles ou de la "non dénonciation", et révélé une conduite "répréhensible" de l'ancien archevêque de Bordeaux, le cardinal Ricard.

À la surprise générale, le président de la Conférence des évêques de France Eric de Moulins-Beaufort, qui tenait un point presse sur le thème des abus sexuels et de leur gestion à la veille de la clôture de l’assemblée plénière de la CEF à Lourdes, a lu un message envoyé par le cardinal Jean-Pierre Ricard.

« Il y a 35 ans, alors que j’étais curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans. Mon comportement a nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables », y écrit le cardinal. « J’ai décidé de me mettre à la disposition de la justice tant sur le plan de la société que de celui de l’Église », a-t-il ajouté, affirmant avoir demandé « pardon » à cette victime, toujours selon ses propos rapportés.

Cet aveu du cardinal Ricard, 78 ans, qui fut notamment évêque de Coutances, Montpellier puis de Bordeaux de 2001 à 2019, et qui a pris sa retraite en octobre 2019, a été accueilli « comme un choc » par les 120 évêques réunis dans la cité mariale depuis jeudi, a souligné le président de la CEF. Mgr Ricard, ancien président de la CEF, est cardinal depuis 2006.

Le président de la CEF a par ailleurs détaillé les cas d’autres prélats ayant eu affaire à la justice. « Il y a aujourd’hui six cas d’(anciens, ndlr) évêques qui ont été mis en cause devant la justice de notre pays ou devant la justice canonique », a-t-il déclaré, soulignant que ces cas étaient « connus » de la presse. L’un d’entre eux est toutefois « décédé » depuis, a indiqué ultérieurement la CEF à la presse, précisant qu’il s’agissait de Pierre Pican, décédé en 2018, condamné pour non dénonciation.

S’ajoute « désormais Mgr Ricard », a-t-il dit. Ainsi que Mgr Michel Santier, sanctionné en 2021 par les autorités du Vatican pour des « abus spirituels ayant mené à du voyeurisme sur deux hommes majeurs » et dont la sanction a été révélée mi-octobre par la presse.

Deux autres évêques à la retraite « font l’objet d’enquêtes aujourd’hui de la part de la justice de notre pays après des signalements faits par un évêque et d’une procédure canonique ».

Un dernier « fait l’objet d’un signalement au procureur auquel aucune réponse n’a été donnée à ce jour et a reçu du Saint-Siège des mesures de restriction de son ministère », a ajouté l’archevêque de Reims.

Au total, dix anciens évêques sont donc concernés : « huit actuellement mis en cause pour abus, dont Mgr Ricard et Santier ». Deux sont « mis en cause pour non dénonciation », selon la CEF. L’un a été condamné en 2018 – il s’agit d’André Fort, condamné à huit mois de prison avec sursis – et l’autre, le cardinal Philippe Barbarin, a été relaxé en 2020. 

« Sentiment de trahison »

Sur l’affaire Santier proprement dite, dont le silence sur la sanction a choqué les catholiques, Mgr de Moulins-Beaufort a admis avoir été « mis au courant de (sa) situation » en tant que « président de la Conférence des évêques » mais a précisé que la CEF n’était pas « partie prenante de la procédure ».

Il a aussi reconnu qu’en « novembre 2021, pendant l’assemblée » d’automne de l’épiscopat, il avait informé les évêques « que des mesures disciplinaires avaient été prises contre Mgr Santier, mais sans donner d’indication sur les faits (…) commis ».

Il a admis « à la relecture de cette histoire », « des insuffisances graves et des dysfonctionnements à tous les niveaux ».  « C’est un nouveau tsunami. On ne pensait pas qu’autant d’évêques pouvaient être concernés », a réagi Marie-Jo Thiel, professeure d’éthique à la faculté de théologie de Strasbourg, dans La Croix à paraître mardi.

De son côté, Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, a fait part au magazine La Vie d’un « intense (…) sentiment de trahison.

Olivier Savignac, pour le collectif de victimes Parler et revivre, s’est dit « secoué par les révélations ». « Il y a beaucoup de choses cachées. Combien vont encore sortir ? », a-t-il interrogé, déplorant auprès de l’AFP que « l’Eglise ne réagisse qu’une fois au pied du mur ».

« C’est une grande tristesse d’entendre cela », a abondé Alix Huon, du collectif de fidèles Agir pour notre Eglise, attendant « des annonces claires » mardi, à la clôture de l’assemblée de Lourdes.

Dans un communiqué, l’archevêque de Bordeaux Jean-Paul James, revenant sur les révélations du cardinal Ricard, a exprimé sa « grande compassion à la personne victime concernée ». Le diocèse de Marseille a lui pris « acte avec peine et douleur des faits rapportés ».

Celles-ci interviennent un peu plus d’un an après la publication du rapport choc de la commission Sauvé sur l’ampleur de la pédocriminalité dans l’Église de France depuis 1950.

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