La fermeture de sites miniers « paraît à ce jour inévitable » à défaut d’une « nouvelle intervention des acteurs privés et des pouvoirs publics », et malgré des soutiens « récents et massifs », déplorent les auteurs du rapport, qui jugent la situation « préoccupante ».
Ce diagnostic établi par l’Inspection Générale des Finances (IGF) et le Conseil Général de l’Économie (CGE), est rendu public moins d’une semaine après le retour d’Emmanuel Macron d’une visite en Nouvelle-Calédonie, durant laquelle il a promis un « projet nickel d’avenir » pour que les usines qui exploitent ce minerai deviennent rentables.
Le rapport doit alimenter les réflexions d’un groupe de travail sur le nickel qui devra proposer « d’ici l’automne » des mesures pour « consolider l’avenir de la filière nickel », a précisé Matignon dans un communiqué.
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La filière néo-calédonienne se divise entre plusieurs entreprises qui exploitent du minerai brut pour l’exportation (sans activités métallurgiques), pour la plupart rentables, et trois entreprises intégrées qui possèdent à la fois des activités minières et métallurgiques. Elles emploient 5.035 salariés, soit 7,5% du total des salariés du secteur privé de l’archipel.
« Pas rentable »
La Société Le Nickel (SLN) dont l’actionnaire majoritaire est le groupe français Eramet, est basée à Nouméa.
Koniambo Nickel SAS (KNS), détenu à 51% par un actionnaire public et à 49% par le groupe minier anglo-suisse Glencore, est située en province nord, et Prony Resources Nouvelle-Calédonie (PRNC), dont l’actionnaire de référence est public et dont l’entreprise de négoce international de matières premières Trafigura possède 19% du capital, est située vers la pointe sud.
L’activité métallurgique de ces trois groupes « n’est pas rentable », déplorent les experts : SLN, KNS et PRNC « réalisent tous des pertes depuis plus de 10 ans ».
Selon le rapport, la « défaillance simultanée » des trois entreprises « conduirait à une augmentation du chômage sur le territoire d’environ 50% » (à 16%), à un « déséquilibre » des comptes sociaux de la Nouvelle-Calédonie et à des coûts environnementaux importants.
Pour assurer la viabilité du secteur, le rapport plaide pour des « transformations profondes » de la filière, via notamment une « intégration verticale » avec des acteurs européens, et la création d’une « agence des participations de Nouvelle-Calédonie » pour rationaliser l’actionnariat public en le réduisant progressivement.
Un effondrement serait d’autant plus dommageable qu’à l’échelle du monde le nickel est l’un des métaux les plus recherchés pour fabriquer les batteries des voitures électriques.
La filière néocalédonienne pourrait « théoriquement représenter » jusqu’à 85% des besoins des giga-usines françaises de batteries en 2030, ou « 14% des besoins de l’UE en 2035 », explique le rapport.
« Épuisement progressif »
Confrontées à la volatilité des prix du nickel, les mines et usines métallurgiques calédoniennes ne produisent pas assez et trop cher, résume le rapport. Surtout face à « l’émergence d’autres opérateurs industriels », notamment en Indonésie, qui bénéficient d’une énergie à base de charbon beaucoup moins chère et subventionnée et de coûts de main d’œuvre cinq fois inférieurs à celui de la Nouvelle-Calédonie.
Deux des trois entreprises sont en outre confrontées à « un épuisement progressif » de leurs gisements les plus riches. Les intempéries ont également pesé sur la production.
Ces entreprises ont déjà bénéficié de financements publics « considérables » : depuis 2016, l’État a octroyé « près de 700 millions d’euros de prêts » à deux d’entre elles en ouvrant « 540 millions d’euros de garanties ».
Chacune de ces entités sera confrontée, « à plus ou moins long terme », à des besoins de financement. Selon le rapport, la SLN aura besoin d’une nouvelle aide de trésorerie dès « début 2024 ». Les besoins de financement de KNS sont estimés à « près d’un milliard de dollars d’ici 2026 ». Pour PRNC le besoin s’élèverait « entre 200 et 250 millions d’euros ».