Covid 19 : preuves émergentes sur la transmission par l’air

Publié le

Un groupe de 239 scientifiques internationaux a appelé lundi les autorités de santé de la planète et en particulier l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à reconnaître que le nouveau coronavirus peut se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres et à recommander par conséquent une ventilation vigoureuse des espaces publics intérieurs.

Publié le 07/07/2020 à 9:32 - Mise à jour le 07/07/2020 à 9:54

Un groupe de 239 scientifiques internationaux a appelé lundi les autorités de santé de la planète et en particulier l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à reconnaître que le nouveau coronavirus peut se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres et à recommander par conséquent une ventilation vigoureuse des espaces publics intérieurs.

Leur lettre vise directement l’organisation onusienne, déjà critiquée pour avoir tardé à recommander les masques, et ici accusée de refuser de voir l’accumulation d’indices d’une propagation par l’air du virus qui a tué plus de 500 000 personnes dans le monde en six mois.

L’OMS et d’autres organismes sanitaires estiment que le coronavirus est principalement transmis par des gouttelettes projetées par la toux, l’éternuement et la parole directement sur le visage de personnes à proximité, et possiblement par des surfaces où ces postillons atterrissent et sont ensuite récupérés par les mains de personnes saines. Ces gouttelettes sont lourdes et tombent dans un périmètre d’environ un mètre.

D’où la priorité donnée dans les consignes sanitaires à la distanciation physique, au lavage des mains et au port du masque.

Mais des études, sur SARS-CoV-2 et d’autres virus respiratoires, ont mis en évidence que des particules virales étaient aussi présentes dans des gouttelettes microscopiques (moins de 5 microns de diamètre) dans l’air expiré par une personne infectée; plus légères, elle peuvent rester en suspension en intérieur, potentiellement des heures, et être inspirées par d’autres gens. Il n’a jamais été prouvé que ces particules de coronavirus étaient viables et pouvaient provoquer des infections; mais les indices s’accumulent.

« Nous appelons la communauté médicale et les organismes nationaux et internationaux compétents à reconnaître le potentiel de transmission aérienne du Covid-19 », écrivent dans la revue Clinical Infectious Diseases d’Oxford deux scientifiques, Lidia Morawska de l’université de Queensland (Australie) et Donald Milton de l’université du Maryland, dans un article signé par 237 autres experts.

« Il existe un potentiel important de risque d’inhalation de virus contenus dans des gouttelettes respiratoires microscopiques (microgouttelettes) à des distances courtes et moyennes (jusqu’à plusieurs mètres, de l’ordre de l’échelle d’une pièce), et nous prônons le recours à des mesures préventives pour empêcher cette voie de transmission aérienne », poursuivent-ils.

Renouveler l’air

Il n’y a pas de consensus scientifique que cette voie aérienne joue un rôle dans les contagions, mais Julian Tang, l’un des signataires, de l’université de Leicester, répond que l’OMS n’a pas prouvé l’inverse : « L’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence. »

À l’heure du déconfinement, il est urgent, plaident les experts, de mieux ventiler lieux de travail, écoles, hôpitaux et maisons de retraite, et d’installer des outils de lutte contre les infections tels que des filtres à air sophistiqués et des rayons ultraviolets spéciaux qui tuent les microbes dans les conduits d’aération.

Les autorités aux États-Unis et en Europe sont en avance sur l’OMS. « Augmentez la circulation de l’air extérieur autant que possible », conseillent les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) américains.

Le CDC européen a expliqué le 22 juin que la climatisation pouvait diluer le virus dans l’air et l’évacuer, mais qu’elle pouvait avoir l’effet inverse si le système de ventilation ne renouvelait pas l’air et le faisait recirculer dans les mêmes pièces.

Un exemple fameux est celui d’un cluster démarré dans un restaurant de Canton en janvier : une personne sans symptôme a contaminé des clients de deux tables voisines, sans contact; le climatiseur a vraisemblablement fait voler le virus d’une table à une autre.

D’autres cas de super-contagions, dans un autocar chinois et dans une chorale américaine, accréditent aussi la piste aérienne.

« La transmission par l’air de SARS-CoV-2 n’est pas universellement acceptée; mais notre opinion collective est qu’il existe bien assez d’éléments probants pour appliquer le principe de précaution », disent les scientifiques.

L’OMS fait la distinction entre les virus transmis par l’air, comme la rougeole et la tuberculose, et les autres, mais « ce n’est pas un problème de dichotomie », dit à l’AFP une autre signataire, la professeure Caroline Duchaine, directrice du laboratoire sur les bioaérosols à l’université de Laval au Québec.

« On fait une erreur si on fait une opposition entre la transmission par des virus comme la rougeole et par le Covid-19 », dit-elle.

L’OMS reconnaît

Des preuves commencent à émerger sur la transmission par l’air du Covid-19, a finalement reconnu mardi l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), avertissant que « l’épidémie s’accélérait » dans le monde.

« Nous reconnaissons que des preuves émergent dans ce domaine et par conséquent nous devons être ouverts à cette possibilité, et comprendre ses implications », a déclaré Benedetta Allegranzi, une responsable de l’OMS, lors d’une conférence de presse virtuelle.

« La possibilité d’une transmission par voie aérienne dans les lieux publics, particulièrement bondés, ne peut pas être exclue. Les preuves doivent toutefois être rassemblées et interprétées », a poursuivi Mme Allegranzi, recommandant « une ventilation efficace dans les lieux fermés, une distanciation physique ». « Lorsque ce n’est pas possible, nous recommandons le port du masque », a-t-elle ajouté.

« Prince ou pauvre, nous sommes tous vulnérables« 

Michael Ryan, responsable des situations d’urgence à l’OMS

L’OMS, déjà critiquée pour avoir tardé à recommander les masques, avait été accusée de refuser de voir l’accumulation d’indices d’une propagation par l’air du virus.

« Nous tentons de consolider les connaissances qui émergent autour de la transmission (du virus)« , a ajouté une autre responsable, Maria Van Kerkhove, précisant que l’OMS publierait une fiche d’information à ce sujet « dans les prochains jours ».

« L’épidémie s’accélère et nous n’avons pas atteint le pic », a pour sa part mis en garde le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors de la conférence de presse.

« Si le nombre de décès semble s’être stabilisé au niveau mondial, en réalité, certains pays ont fait des progrès significatifs dans la réduction du nombre de décès, alors que dans d’autres pays, les décès sont toujours en augmentation« , a-t-il souligné, rappelant que 11,4 millions de cas avaient été recensés dans le monde.

« Nous sommes tous vulnérables », a-t-il martelé, estimant que le virus avait « pris l’humanité en otage ».

« Nous n’avons rien vu de tel depuis 1918 », a-t-il dit, en référence à la pandémie de grippe espagnole qui fit des dizaines de millions de morts dans le monde. « L’unité nationale et la solidarité globale sont cruciales et sans elles nous ne pourront pas battre le virus », a-t-il déclaré.

Alors que le président brésilien Jair Bolsonaro, qui a longtemps minimisé l’épidémie, a été testé positif mardi au nouveau coronavirus, le Dr Tedros a rappelé qu’« aucun pays n’est immunisé, aucun pays n’est à l’abri, et aucun individu ne peut être à l’abri ».

« Prince ou pauvre, nous sommes tous également vulnérables » face au virus, a renchéri le responsable des situations d’urgence à l’OMS, Michael Ryan, tout en souhaitant un « rapide rétablissement » au président brésilien.

Dernières news