Il n’empêche, ses effets relaxants et euphorisants sont de plus en plus demandés dans une ville bruyante et stressante comme New York.
« S’il y a bien une ville qui a besoin de se détendre un peu et de ralentir, c’est New York », affirme Harding Stowe, 31 ans, propriétaire du café « Brooklyn Kava », dans le quartier branché de Bushwick à Brooklyn. « Je pense vraiment que (le kava) va exploser », ajoute-t-il.
Si boire du kava tient de traditions ancestrales aux îles Fidji ou en Polynésie, en Occident c’est de plus en plus perçu comme une alternative saine à l’alcool, par des jeunes qui veulent faire la fête sans se réveiller le lendemain avec la gueule de bois.
« C’est vraiment relaxant. Ce n’est pas comme de l’alcool ou de la drogue », dit Sabrina Cheng, une jeune artiste de Brooklyn devenue adepte du Brooklyn Kava. « Je supporte mal l’alcool de toutes façons. Avec le kava, on peut passer toute la journée ici, lire un livre, travailler sur son laptop, discuter. »
– PUBLICITE –
Pour les jeunes, « c’est beaucoup moins cool qu’avant de passer la soirée dans les bars », souligne Stowe : « les gens veulent quelque chose de nouveau et de sain. »
Le kava avait connu un premier engouement dans les années 1990. Mais des exportations de piètre qualité, ajoutées à une mauvaise connaissance des effets de la plante, avaient nourri une forte contre-publicité.
Aujourd’hui, malgré un avertissement en 2002 des autorités fédérales américaines sur le risque « rare mais potentiellement grave » de dommages au foie, le boom a repris : entre 2012 et 2016, les exportations de kava en provenance des seules îles Fidji ont plus que doublé.
« Contrairement aux années 1990, notre connaissance médicale de la plante est bien meilleure. Elle a été très étudiée et est largement perçue comme bénéfique et sans danger », explique le chercheur Zbigniew Dumienski, de l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande.
Si le kava est bien établi en Floride, il a décollé lentement à New York. La première ville américaine ne compte que trois cafés spécialisés, face à quelque 10 000 bars attirant les jeunes cadres avec leur « happy hour » à la fermeture des bureaux.
Deux de ces cafés sont situés à Bushwick, un quartier plein d’artistes et de jeunes en quête de loyers abordables, et adeptes des bars et des cafés.
« J’ai traversé des moments d’angoisse avec mon boulot précédent et ça (le kava) m’a vraiment beaucoup aidé », témoigne Phil Mai, 25 ans, analyste financier dans les médias, attablé à la « Maison du Kava » avec son amie Susie.
« Avant, je buvais de l’alcool deux-trois fois par semaine et je me prenais parfois une cuite le weekend », dit-il. « Là, ça doit faire deux semaines que je n’ai pas touché d’alcool. »
Pour attirer le public, la Maison du kava propose toutes sortes d’animations, dont des soirées ouvertes aux musiciens amateurs qui attirent jeunes rappeurs, poètes et humoristes. La moyenne d’âge tourne autour de 25 ans mais des sexagénaires commencent aussi à franchir ses portes.
« Je viens d’une famille conservatrice où je suis la seule progressiste. L’état du monde, c’est le plus grand facteur de stress pour moi », explique Kellianne Holland, 24 ans, employée d’une association à but non lucratif, rencontrée à la Maison du Kava.
Les lumières y sont tamisées, l’ambiance douce et tranquille. Une femme est plongée dans son ordinateur portable, une autre lit, tandis qu’un couple discute à voix basse. Pas un mot plus haut que l’autre, contrairement aux bars classiques new-yorkais.
« Personne n’a encore menacé de mettre le feu ni lancé une bagarre », lance en riant le gérant, Ryan Lloyd.
Les affaires commencent à marcher, dit-il. Comme au Brooklyn Kava, où Harding Stowe a désormais surmonté sa crainte d’avoir fait une erreur en se lançant dans ce commerce.
Avant, dit M. Stowe, « les gens ne savaient pas ce qu’était le kava ». Mais depuis six mois, « c’est fou, on n’arrête pas ». « Des choses stressantes se sont produites en Amérique, avec l’élection de Trump (…) Cela a contribué » à cet essor du kava, dit-il.
Il envisage d’ouvrir d’autres cafés kava ou de s’associer à des studios de yoga ou de méditation qui vendraient la boisson.
Trump, c’est donc bon pour les affaires ? « C’est triste à dire, mais probablement », reconnaît le jeune entrepreneur.