The Voice… ce que vous ne savez peut-être pas !

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Publié le 24/05/2017 à 6:00 - Mise à jour le 24/05/2017 à 6:00

Patrice Guirao répond à nos questions sur le phénomène « The Voice ». Il habite à Tahiti et il est romancier et parolier pour de grands interprètes comme  Florent Pagny, Johnny Hallyday, Zazie ou Calogero. Le film « Al Dorsey » projeté au FIFO 2017 est tiré d’un de ses romans.
 
L’émission « The Voice » est présentée comme un véritable  tremplin pour mener une carrière musicale professionnelle. Est-ce que c’est une réalité pour les chanteurs sélectionnés ?
« Pas pour tous et pas forcément pour les vainqueurs. Qui se souvient de Stephan Rizon  ou Yoann Freget, gagnants de l’émission ? Qui ne connait pas  Louane ou  Frero Delavega, qui eux n’ont pas gagné The Voice.  Gagner The Voice n’est pas un gage de réussite. C’est certainement un coup de projecteur mais tout le chemin reste à faire. D’ailleurs, nulle part ailleurs, dans aucun des pays qui diffusent le concept, aucun gagnant de cette émission n’est devenu une star. Par chance, en France, il y a une vie après The Voice pour quelques artistes. Autant en profiter ».

On comprend que The Voice n’a pas pour seule vocation la recherche des stars de demain. Qu’est-ce qui motive les producteurs à assurer ce spectacle d’une qualité incontestable ?
 » Je ne suis pas dans les coulisses et les secrets de la production  de  The Voice et n’en connais pas  les rouages. Pour autant le principe des émissions de divertissement est toujours le même : trouver le concept qui fait le maximum d’audimat. Le but étant de rentabiliser les écrans publicitaires associés.  En dessous d’un certain taux d’audience, l’émission est remise en cause et si sa part de marché ne correspond pas aux attentes, elle disparaît. C’est une réalité pour toutes les émissions de télé. Si The Voice existe, ne nous leurrons pas,  ce n’est  pas  pour faire découvrir de nouveaux  talents mais parce que le concept plait, que l’audimat est là et la part de marché remarquable. Tant que ça dure, tant mieux pour les jeunes artistes qui pourraient grâce à The Voice se faire remarquer par des producteurs, des casteurs, des réalisateurs… bref par tous ceux qui créent du contenu artistique et qui ne sont pas forcément  ceux qui produisent les émissions de télé-réalité ou télé-crochet ».

 Est-ce que la chaîne de télévision intervient auprès des coachs pour préserver un chanteur qui favorise l’audience, ou sont-ils parfaitement libres dans leur choix de garder ou d’éliminer les candidats ?
« Il me parait peu probable qu’un Florent Pagny, un Bertignac ou un Mika accepterait de faire le jeu de la chaîne. Ce sont des personnalités qui tiennent à leur liberté de penser (sourire). Pour autant la chaîne a tout loisir de présenter une prestation selon l’angle qu’elle juge le plus approprié à ses fins. Et peut ainsi, dans certains cas, envoyer quelques messages subliminaux aux téléspectateurs. Nous ne pouvons nier que nous sommes influencés par un cadrage approprié pour nous faire ressentir une émotion ou par une mimique d’un des coachs plein écran, voire même de ce qui nous ait donné de voir de l’attitude du public dans la salle. Nous sommes de toute façon sous influence ». (sourire)
 
 Quelles sont les clés du succès de The Voice ?
« The Voice est arrivé à un moment ou les télé-crochets, comme « A la recherche de la nouvelle star » et avant elle « Star Academy » s’essoufflaient. La nouveauté de The Voice a été ces choix à l’aveugle qui d’un coup redonnaient priorité à la voix sans autre considération. Le physique, la présence, le costume et autre élément de la présentation n’avaient plus droit de cité. Cette justice apparente a redonné ses lettres de noblesses au genre. Fini les critiques sur le look, l’accent, l’âge,  etc. Et c’est très futé comme mise en scène. La première partie, ces choix à l’aveugle, fidélise le spectateur et dès que le téléspectateur s’est pris au jeu, c’est gagné pour la suite. On est devenu proche des candidats et on veut savoir ce qui va leur arriver. Ce qui va se passer pour untel ou untel. En fait ce public est accro à l’émission elle-même mais pas vraiment aux jeunes artistes, en tout cas pas dans un autre contexte que celui de l’émission. La preuve en est qu’une fois sur deux le public n’achète pas l’album du gagnant ».

 Est-ce qu’une émission musicale de ce genre  en Polynésie peut être un projet porteur et  rentable pour une chaîne de télé, qu’en pensez-vous ?
« Bien évidemment. Les téléspectateurs sont demandeurs. La preuve ; les scores de The Voice en Polynésie.   Il serait bien sûr possible de reproduire ce genre d’émission,  peut-être sous une forme différente,  en Polynésie. A la Réunion, par exemple, « RUN STAR » une émission du même acabit fait un carton.  Il ne serait pas bien compliqué pour une télévision locale de prendre modèle sur ces émissions pour le plus grand plaisir du public polynésien et des annonceurs. Nos jeunes artistes sont en demande et les anciens sont encore là pour les guider. La question est plutôt : qu’est ce qu’ils attendent pour le faire ? »  (sourire)
 
 Pour conclure, avec l’expérience que vous avez du monde artistique, quels seraient les conseils que vous donneriez à un chanteur, un groupe ou une troupe qui voudrait vivre de son art en Polynésie et ailleurs ?
« Les conseilleurs ne sont pas les payeurs ! (sourire) Mais pour ne pas me défausser et répondre à ta question je te dirais que le premier conseil que je donnerais c’est de n’en écouter aucun. Chaque trajectoire est unique. Il n’y a pas de chemin balisé. On ne devient par artiste comme on devient agent de l’OPT, technicien de l’EDT, assistant social, enseignant, pilote ou notaire ou directeur de banque. Il n’y a pas d’école pour réussir une carrière. Il n’y a pas un guide édité du genre « La réussite artistique pour les Nuls ».
 Pour autant, il y a une constante : le talent n’a qu’une part relativement réduite dans le succès. Le talent est nécessaire mais certainement pas suffisant pour réussir. Deux éléments prépondérants sont les artisans du succès. Le premier est la chance et le second, la capacité à se prendre en charge seul et ne pas attendre que d’autres le fassent. Ce n’est pas parce que quelqu’un a du talent qu’on viendra le chercher et qu’on le portera jusqu’aux sommets sans qu’il se bouge. Non, c’est un mythe. Il faut qu’il dépose son talent dans sa besace qu’il mette sa besace sur son dos et qu’il avance seul sur son chemin ; qu’il force la chance ou qu’il sache la repérer et la saisir. Globalement ce qui fera la différence entre deux personnes qui ont un même talent, c’est la capacité qu’aura l’un et pas l’autre à s’autogérer. A inventer sa carrière.  Prenons un exemple concret : les Tikahiri. Voilà des artistes qui ne se sont pas contentés d’avoir du talent. Ils se sont donnés les moyens de leur réussite ».

 

Propos recueillis par Cébé

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