Pénurie de lits au CHPF face à la progression des urgences vitales

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Depuis le début de l’année les urgences du CHPF font face à une grande pénurie de lits devant l’afflux de patients. Selon les urgentistes, le taux d’urgence vitale a augmenté de 40% en trois ans. Dans ce contexte de sursaturation, l’hôpital a missionné une « bed manager » pour fluidifier le parcours des patients et donner plus de visibilité sur la disponibilité des lits.

Publié le 07/04/2024 à 15:00 - Mise à jour le 08/04/2024 à 9:54

Depuis le début de l’année les urgences du CHPF font face à une grande pénurie de lits devant l’afflux de patients. Selon les urgentistes, le taux d’urgence vitale a augmenté de 40% en trois ans. Dans ce contexte de sursaturation, l’hôpital a missionné une « bed manager » pour fluidifier le parcours des patients et donner plus de visibilité sur la disponibilité des lits.


Dans les murs des urgences, des brancards occupent désormais tous les couloirs aux heures de pointes. En attendant de trouver une place dans une chambre, les patients prennent leur mal en patience. « On est arrivé à 2 heures du matin, on m’a examiné à 4 heures du matin et à 6 heures du matin, j’ai eu ma prise de sang. Là, il est 10 heures, je viens de passer au scanner. Je dois attendre encore deux heures pour les résultats » raconte une patiente, le sourire aux lèvres malgré tout.

Ils sont nombreux comme elles à attendre dans des endroits qui ne sont pas prévus à cet effet. Avec tout l’inconfort et l’insécurité que cela comporte. « On a des patients qui ne peuvent pas se déplacer pour aller aux toilettes… donc, c’est très compliqué » rappelle le médecin urgentiste, Véronique Quétard.

En moyenne, les urgences accueillent plus de 130 patients par jour, dont 40% sont hospitalisés. Soit 10% de plus qu’en 2022. L’afflux est tel depuis le début de l’année, que les lits viennent sérieusement à manquer. Une saturation quotidienne, en particulier sur les secteurs de chirurgie et de médecine, qui pénalise aussi l’accueil des patients programmés. « C’est quasiment permanent, avec des temps d’attente qui s’allongent pour les patients et des équipes qui sont constamment débordées » confie le médecin.

« On a une augmentation du nombre de patients, mais surtout de la gravité des pathologies »

Véronique Quétard, médecin urgentiste

Une attente qui se fait en deux temps. Triés selon une échelle de gravité (P1 prise en charge immédiate, P2, 30 minutes, P3 une heure, P4 deux heures), les patients attendent leur tour avant d’être examinés. Et lorsque le diagnostic du médecin débouche sur une hospitalisation, en fonction du niveau de gravité, il faut encore attendre un lit.

Crédit Photo : TNTV

Des lits occupés toujours plus longtemps du fait de prises en charge toujours plus complexes. « On a une augmentation du nombre de patients mais surtout de la gravité des pathologies » précise Véronique Quétard. « Le taux d’urgence vitale a augmenté de 40% en trois ans ». Et si le vieillissement de la population n’y est pas étranger, les médecins pointent du doigt l’éternel fléau polynésien qui touche aujourd’hui 40% de la population. 

« C’est tout à fait indépendant de l’âge de la population, c’est dû à tout un cercle vicieux qui comprend l’obésité, le diabète, l’hypertension, l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance cardiaque, etc. : ce sont des pathologies chroniques qui décompensent régulièrement de façon aiguë et qui nécessitent des prises en charge larges et complexes » développe le médecin urgentiste.

La recherche de lits, une tâche chronophage

Dans ce contexte, les blouses blanches ne peuvent plus se permettre de chercher des lits. Une tâche chronophage qui se fait au détriment du soin. Le CHPF l’a bien compris. C’est pourquoi une responsable de la gestion des flux, ou « bed manager », a été missionnée pour proposer des solutions d’amélioration. « C’est du temps médical qui est pris sur le temps de diagnostic des médecins et ça peut être une source de conflit, parce qu’il faut appeler tous les services pour savoir où est-ce qu’il y a des lits » explique Marion Le Borgne.

Sa mission : donner aux médecins, aux cadres ou aux soignants, plus de visibilité sur la disponibilité des lits et fluidifier les parcours des patients. « Mon rôle, c’est de faciliter les sorties des patients et de promouvoir une collaboration avec les acteurs du soin à l’extérieur » poursuit la responsable. Mais de plus en plus de sorties d’hospitalisation s’avèrent compliquées. « Aujourd’hui, les structures extérieures ne répondent forcément aux besoins des patients qui restent du coup plus longtemps dans les lits ».

Des patients qui se paupérisent

La responsable constate aussi un frein social : « On a des patients qui nécessitent une hospitalisation, mais dont l’état ne permet pas d’être accompagnés à domicile ». Pour des raisons de précarité et de paupérisation notamment. « On ne peut pas décemment faire sortir ces patients-là sans avoir cadré leur retour à domicile ». Il y a aussi le cas des patients qui bloquent un lit dans l’attente d’un transport. « Quelqu’un qui peut sortir, mais qui n’a pas assez d’argent pour prendre le bus ou payer une ambulance, qui habite en fond de vallée, c’est compliqué de l’accompagner jusque chez lui. » 

Les réflexions sur un schéma d’organisation sanitaire au niveau territorial sont en tout cas engagées au sein de l’hôpital, afin « d’adapter l’offre de soins à la réalité des besoins des Polynésiens ». Outre l’augmentation des capacités en lits de médecine, on évoque par exemple une prise en charge des personnes âgées avec le développement d’un réseau gériatrique, ou encore de la télémédecine. Reste la question de l’obésité. Malgré des chiffres de plus en plus alarmants chaque année, aucun des gouvernements successifs ne semble pouvoir enrayer la progression de l’obésité… qui poursuit son œuvre.

Mireille Duval, secrétaire générale du SPCHDT affilié à la Fédération des interprofessionnels de la santé en Polynésie, invitée du journal de TNTV :

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