Internet et téléphonie : l’autorité de la concurrence va recommander l’ouverture du marché

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Publié le 24/09/2017 à 10:29 - Mise à jour le 24/09/2017 à 10:29

En juin 2017, Pacific mobile télécom (PMT, qui commercialise Vodafone) et Viti ont déposé chacun un dossier auprès de la Direction générale de l’économie numérique (DGEN) pour obtenir l’autorisation d’activités de fourniture d’accès à Internet pour le premier et de téléphonie mobile pour le second. Légalement obligé de répondre dans un délai de quatre mois, le président du Pays, en charge des télécommunications, avait finalement décidé de saisir l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) pour l’éclairer dans sa décision.
 
Selon nos informations,  la réponse de l’APC est sans ambiguïté : « L’APC recommande de faire droit aux demandes de Viti et de PMT ».
 
Mieux que ça, l’autorité doit accompagner sa réponse d’un long rapport qui examine dans le détail l’état actuel du marché d’Internet et de la téléphonie qui donne des clés au président pour organiser de la meilleure manière possible l’ouverture à la concurrence de ces deux marchés. Et cela en considération des bénéfices attendus pour les utilisateurs finaux, entreprises et consommateurs polynésiens. L’APC estime qu’une telle ouverture à la concurrence ferait non seulement baisser les prix, mais améliorerait également les offres des différents opérateurs.
 
Mais pour que cette ouverture de marché se passe dans les meilleures conditions, l’APC pense qu’il faut placer les différents opérateurs « dans une position de se concurrencer à armes égales ».
Elle constate que toutes les conditions d’exercice d’une concurrence effective ne sont pas réunies en Polynésie française et elle recommande donc de modifier profondément les conditions réglementaires et économiques du secteur.

L’APC dénonce, notamment, la situation particulière de la Polynésie en faisant référence aux deux grandes parties du territoire. Ce qu’elle appelle d’abord la « zone de carence d’initiative privée » : en d’autres termes les archipels éloignés où seuls l’OPT et sa filiale à 100% Vini ont pignon sur rue. Et, d’autre part, la zone complémentaire (Tahiti, Moorea, une partie des Iles-sous-le Vent) où Vini, Viti et Vodafone sont sur le marché.

De plus, les archipels éloignés coûtent cher à Vini qui ne peut plus compter sur la rentabilité de la zone urbaine pour compenser ses pertes. En tenant compte de cette particularité, il faut, selon l’APC repenser une vraie concurrence sur tout le territoire avec la possibilité pour tous les acteurs de s’y implanter. Une urgence dans un contexte où les prix pratiqués au fenua sont supérieurs à ceux pratiqués en France de 152%… Avec des services qui n’ont aucune comparaison selon si on habite à Tahiti ou aux Marquises par exemple.
Une disparité qui avait d’ailleurs motivé la saisine de l’APC par Edouard Fritch dans laquelle il écrivait en août qu’il souhaitait « lutter contre la fracture numérique ».

L’APC note également que la situation de monopole de l’OPT sur l’infrastructure – situation inscrite dans la loi – empêche les autres opérateurs privés de contracter directement avec d’autres sociétés pour les ressources satellitaires ou par câble : ils sont obligés de passer par l’établissement public ce qui restreint les pratiques concurrentielles. Et d’évoquer « l’opacité » des tarifs de l’OPT, notamment ceux d’interconnexion proposés aux concurrents. Selon les propres termes de l’APC, les coûts de l’OPT « relèvent d’une véritable boîte noire ». L’Autorité note aussi le manque de contrôle du Pays sur les comptes de l’OPT alors même que le Pays participe au financement des différentes structures.

C’est dans ce contexte que l’APC recommande de changer le mode de régulation du marché.  Pour l’Autorité, la variété des fonctions des pouvoirs publics qui sont à la fois le réglementateur, le régulateur et l’opérateur peut conduire à des situations de conflit d’intérêt. C’est pour cela que l’Autorité devrait recommander dans son avis que la fonction de régulateur soit confiée à un organe dédié et indépendant des pouvoirs publics.

Du côté de Viti – qui se bat en justice contre l’OPT déjà depuis plusieurs années à propos des tarifs d’interconnexion – cet avis représente un espoir pour ses envies de téléphonie mobile. Ses dirigeants n’avaient d’ailleurs pas caché que si leur dossier n’était pas instruit dans les quatre mois légaux ils iraient devant les tribunaux. Pour Vodafone, c’est un avis mitigé. Car si le groupe d’Albert Moux souhaite entrer sur le marché de l’Internet, il verrait évidemment d’un mauvais œil l’arrivée de Viti dans la téléphonie où Vodafone peine à trouver un modèle économique rentable.

L’avis de l’APC pourrait être examiné en conseil des ministres dès mercredi.
 

Bertrand Parent

 
 
 
 
 
  
 
 

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