Il voulait « juste lui faire peur » : c’est avec ces mots que le policier adjoint de 31 ans a tenté, lundi à la barre du tribunal correctionnel de Papeete, de justifier sa perte totale de contrôle, le 27 mai dernier.
Tôt ce matin là, vers 2h du matin, il accompagne sa compagne – qu’il fréquente depuis seulement un mois – au domicile de son ancien compagnon à Punaauia. Motif de cette visite : restituer un scooter. Mais la situation dégénère.
L’homme, déjà fragile psychologiquement puisqu’il est en arrêt maladie depuis le 10 mai, s’enflamme à la vue de son rival. L’ancien compagnon, malgré la rupture, continue d’envoyer des messages à son ex. Une insistance qui met le prévenu hors de lui. Dans la servitude où vit le plaignant, le policier descend de la voiture. Il retire son pull, laissant apparaître un t-shirt de la police, puis s’empare d’une arme rangée dans la portière de son véhicule. Il s’agit d’un Sig Pro… ou plus précisément, d’une réplique airsoft. Une arme factice, donc. Mais en apparence, rien ne le distingue d’un véritable pistolet.
« Ça ressemblait à un vrai flingue, pas à un jouet. J’ai eu tellement peur que j’ai cru que j’allais faire pipi dans mon short », confie la victime. Ce soir-là, l’arme est pointée sur sa gorge. À ses côtés, son fils de 15 ans tente de calmer le jeu, mais rien n’y fait. Le policier menace, insiste, et ne se calme qu’après avoir posé le pistolet sur le toit du véhicule. Il finit par repartir avec sa compagne, laissant derrière lui le père et l’adolescent traumatisés.
Il braque son collègue avec un vrai revolver
Dans les rangs de la police depuis trois ans, affecté à la Police aux frontières, le prévenu n’en est pas à son premier incident. Il a déjà fait l’objet de deux procédures disciplinaires. L’une d’elles concernait un geste similaire : pour faire cesser les moqueries d’un collègue, il avait braqué son arme de service sur sa tempe. Des antécédents que l’avocate des parties civiles, Me Temanava Bambridge-Babin, n’a pas manqué de rappeler.
« Déontologiquement, il fait fi de tout pour son ego (…) et n’arrive pas à se maîtriser », a-t-elle lancé, en pointant un profil « inquiétant ». Elle évoque aussi des menaces réitérées : le policier aurait promis de « chasser » la victime sur la route. Me Bambridge-Babin réclame une expertise psychiatrique pour son client et son fils, ainsi que des provisions de 700 000 francs pour le premier, et 200 000 pour le second.
« Des actes dignes d’un malfrat »
Pour le ministère public, les faits sont clairs : « dignes d’un malfrat », tranche le ministère public, qui voit dans cette affaire un acte prémédité. Le prévenu, a-t-elle poursuivi, se montre « intolérant à la frustration » et agit comme s’il détenait « la justice immanente sous la main ». Une posture incompatible avec sa fonction, selon elle : « Il dépasse très largement ses fonctions de policier » , tance-t-elle.
La représentante du parquet requiert une peine de trois ans de prison, dont deux avec sursis probatoire pendant trois ans, accompagnée d’une interdiction définitive d’exercer dans la police ou dans la sécurité, ainsi que de détenir une arme. Des mesures d’éloignement ont également été demandées.
Me Sylvain Fromaigeat, avocat du policier, tente de tempérer la gravité des faits. Pour lui, la qualification de violences aggravées est excessive : « S’il avait voulu faire du mal, il aurait agi différemment », avance-t-il, qualifiant l’acte de simple « rappel à l’ordre ». Son client, dit-il, n’a jamais eu l’intention de blesser. « Il a simplement voulu lui faire peur », insiste-t-il.
Quant aux demandes financières des parties civiles, elles sont jugées « stratosphériques » par la défense, qui appelle à une appréciation plus mesurée de la situation.
Le tribunal a requalifié les faits en violences volontaires avec préméditation, et condamné le policier à 24 mois de prison dont 9 mois fermes. Il s’est vu signifier une interdiction d’entrer en contact avec les victimes ou de s’approcher de leur domicile. Il devra suivre des soins psychiatriques, et indemniser les deux victimes à hauteur de 150 000 francs chacune. Le jugement a été renvoyé sur intérêts civils, suite à l’expertise psychiatrique de celles-ci.
Révoqué de la police, l’homme n’aura pas le droit de porter une arme pendant 5 ans. Le pistolet airsoft, arme de catégorie D, sera confisqué par la justice.